David Richards : le Goliath du sport auto
L'ancien copilote d'Ari Vatanen, champion du monde des rallyes 1981, est devenu un des acteurs majeurs du sport auto, aussi bien en WRC avec les Subaru qu'aux 24 Heures du Mans en GT avec Aston Martin, sans oublier la F1 avec BAR ou le Dakar avec Dacia. Par Alexandre Lazerges.

David Richards, ancien copilote champion du monde, a fondé Prodrive, écurie de renom en sport auto, développant des voitures de course et dirigeant Aston Martin avant ses ambitions actuelles en rallye-raid.
David Richards est devenu célèbre pour nous Français en 1981, en tant que copilote d'Ari Vatanen, lorsque tous deux ont remporté le Championnat du monde des rallyes au nez et à la barbe de nos compatriotes, Guy Fréquelin et son coéquipier Jean Todt. Mais avant cette victoire sur le fil lors de l'ultime épreuve de la saison, la rencontre entre le Finlandais et le Britannique mérite qu'on s'y attarde. Selon Vatanen, c'est au Rallye de Jamaïque en 1975 que les deux hommes se croisent pour la première fois. « Je m'en souviens parce que David s'était présenté en tant que copilote “professionnel”. Je le trouvais un peu gonflé, on avait 23 ans tous les deux et on débutait à peine, mais c'est la grande force de David, il a toujours été très sûr de lui. »
Le Britannique, lui, se souvient d'un grand blond qui ne parlait pas bien anglais, mais avec qui il sympathisa très vite car ils étaient tous les deux fils d'agriculteurs. « Je l'ai invité dans la ferme de mes parents pour le Rallye du Pays de Galles en 1975, et on est restés très proches depuis. » Pour mieux faire connaissance, ils courent deux rallyes ensemble sur l'Opel Ascona 1.9 L du Finlandais et terminent 8e en Écosse avant d'abandonner au Rallye de Donegal en Irlande. Tout était déjà en place : les pointes de vitesse effarantes d'Ari, mais aussi ses crashes rocambolesques, rattrapé par l'organisation au cordeau de David, excellent coéquipier, qui avait préféré renoncer au pilotage après avoir lui-même détruit plusieurs voitures.
Depuis son bureau dans les ateliers de Prodrive, il se souvient : « Avec ces deux rallyes on a réussi à se faire remarquer. J'ai signé chez Leyland, et Ari chez Ford qui lui a permis de remporter le titre de champion d'Angleterre en 1976 avec le copilote Peter Bryant. » David n'a alors qu'un objectif : courir à nouveau avec Ari. Pour y parvenir, il décroche un gros contrat de sponsoring avec Rothmans et propose à son ami un volant en Ford Escort à partir de la saison 1979. Le style Vatanen s'affine avec ses grandes glissades en travers et ses chronos insolents, lorsque la Ford ne terminait pas en miette. «C'était une époque où les voitures étaient simples à réparer, il suffisait de souder un bout de métal et ça repartait », balaie le Finlandais. Après un nouveau titre au Championnat d'Angleterre en 1980, Vatanen joue la couronne mondiale en 1981, en compagnie de David Richards, que tous deux remportent donc au Rallye de Grande-Bretagne face aux Français.
David disait qu'il était copilote “professionnel”. Je le trouvais un peu gonflé à 23 ans...
Ari Vatanen

Prodrive, l’écurie de légende
« Après le titre, j'avais atteint le maximum de ce à quoi je pouvais prétendre en tant que copilote, nous avoue David Richards, contrairement à Ari, je n'ai pas voulu continuer, je voulais monter ma propre écurie. » Ari Vatanen comprend sa décision : « David avait un excellent sens du business, par exemple, il s'était mis à importer avec succès les casques intercom suédois Peltor qu'on utilisait en course, pour se faire la main avant de monter sa propre structure Prodrive en 1984. »
Cette écurie doublée d'un centre d'ingénierie a su en quarante ans devenir la référence absolue pour la préparation de voitures de course avec ses 700 collaborateurs sur deux sites (Banbury et Milton Keys) et ses 300 victoires en plus de 1 200 courses. Si l'aventure a commencé avec une Porsche 911 4 x 4 pilotée par Saeed Al-Hajri qui remporte le Rallye des Pharaons 1985, Prodrive élabore ensuite tout le programme sportif de la BMW M3 E30, profitant de l'arrêt du Groupe B pour rafler le Tour de Corse 1987 avec Bernard Béguin au volant.
«C'était notre première victoire en Championnat du monde des rallyes , se remémore David Richards, nous avons ensuite gagné deux fois le Championnat de France avec Bernard Béguin puis François Chatriot avec la M3. Sauf que BMW UK voulait arrêter le rallye, préférant le SuperTourisme (BTCC). » Qu'à cela ne tienne, Prodrive remporte le Championnat en 1988 avec Frank Sytner, puis avec Will Hoy en 1991. Si on ajoute les saisons avec les Ford Mondeo puis les Honda Accord, ce sont en tout six titres en BTCC décrochés par Prodrive.
Après le titre, j'avais atteint le maximum de ce à quoi je pouvais prétendre en tant que copilote, je n'ai pas voulu continuer...
David Richards

Un pilote dans les airs
Entre-temps David Richards s'est pris d'une nouvelle passion : l'hélicoptère. Ari Vatanen plaide coupable : « C'était au Rallye des 1 000 Lacs 1983, j'ai emmené David faire un tour dans un Robinson R22 biplace et il a adoré. » Pour le Britannique ce fut même un vrai coup de foudre : « En rentrant, j'ai acheté un hélico dont on se servait pour les assistances en rallye et c'est devenu un véritable art de vivre, je m'en sers pour mes déplacements plusieurs fois par semaine. » Aujourd'hui, à 72 ans, il pilote lui-même son Agusta 109, un superbe engin tout confort au tarif tout aussi confortable (6,3 millions de $). L'auteur de ces lignes a pu assister, en marge des essais de l'Aston Martin Vanquish en 2012, à l'atterrissage de David Richards juste pour le dîner avant de redécoller et de rentrer chez lui le soir même.
Nous avons préféré évoquer ce souvenir personnel, plutôt que l'accident de vol (certes sans gravité) dont il fut victime en septembre 2007, alors qu'il allait justement réconforter la famille de Colin McRae qui venait lui-même de perdre la vie avec son fils de cinq ans dans l'accident de son propre hélico. La tristesse fut immense, d'autant que McRae, considéré comme le fils spirituel de David Richards depuis son titre de champion du monde des rallyes 1995 sur la Subaru, restera à jamais le premier des trois titres de Prodrive en WRC, avant ceux de Richard Burns en 2001 puis Peter Solberg en 2003.
Un ange passe. À la question « Comment avez-vous découvert le potentiel de Subaru ? », David Richards se ressaisit : « C'est la marque qui est venue nous voir en 1989, pour promouvoir la nouvelle berline Impreza, la base était bonne avec ses quatre roues motrices mais nous avons dû beaucoup travailler pour la rendre compétitive. » Résultat, la marque japonaise en a tiré une renommée mondiale, et le nom de Colin McRae reste gravé dans les mémoires grâce au jeu vidéo du même nom sur PlayStation. Mais revenons à David Richards et sa société Prodrive qui en parallèle du palmarès flatteur en WRC possède un savoir-faire recherché sur circuit. « En 2001, un de nos clients rallymen Frédéric Dor a souhaité qu'on lui prépare une Ferrari 550 Maranello pour courir en GT, il a tout financé lui-même et en 2003 il a remporté les 24 Heures du Mans dans sa catégorie. »
On demande alors si c'est aussi un client qui s'est offert les Aston Martin DBR9 victorieuses au Mans en 2007 et 2008. « Pas du tout, nous avons financé ce programme de course avec la vente de nos parts dans l' écurie de F1 BAR à Honda », rétorque David Richards. Bon sang mais c'est bien sûr, Prodrive a aussi fait de la Formule 1 ! Après une première incursion peu concluante en 1997 en tant que remplaçant de Flavio Briatore chez Benetton, David Richards est reparti à la charge entre 2002 et 2004 aux commandes de BAR (British American Racing) sous les couleurs Lucky Strike. Avec ses pilotes Jenson Button et Mika Salo, l'écurie de David Richards termine vice-championne derrière les imbattables Ferrari, avant qu'il ne la revende à Honda.
C'est ainsi que Prodrive a pu payer le programme d'endurance de la DBR9, offrant au passage à David Richards la légitimité pour racheter la marque Aston Martin à Ford avec l'aide d'un consortium financier koweïtien contre la somme de 479 millions de £ (702 millions d'euros). Si l'Allemand Ulrich Bez est resté PDG, David Richards a pris le poste de président du directoire de la marque préférée de James Bond, preuve du destin extraordinaire de ce fils de fermier, qui vient au bureau en DB6 Volante lorsqu'il ne pilote pas sa DB12.
Depuis la vente de la marque à Lawrence Stroll en 2020, Prodrive poursuit ses activités d'ingénierie entre autres avec la petite voiture de livraison électrique Evolv répondant à un appel d'offres du gouvernement anglais, tout en développant un bolide destiné au Rallye-Raid pour Dacia : le Sandrider piloté par Sébastien Loeb, qui devrait enfin lui permettre de faire des étincelles au Dakar.
Au Rallye des 1000 Lacs 1983, j'ai emmené David faire un tour dans un Robinson R22 biplace et il a adoré.
Ari Vatanen

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