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Fenouil : rendez-vous au tas de sable

Modifié le Écrit par La Rédaction
Fenouil : Rendez-vous au tas de sable
© Götz Göppert
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Fenouil, alias Jean-Claude Morellet, a une vie si remplie de nos rêves impossibles, qu'il est devenu en quelque sorte la mémoire active, la banque de données infinie, sur la pratique des raids mécaniques dans les déserts.

Il a fait plusieurs fois le tour de la planète

Qu'ils soient de Mauritanie, algériens ou sénégalais, de Californie ou d'ailleurs, ils les connaît, les a parcourus de nombreuses fois et y a même organisé des rallyes mondiaux, en Egypte notamment. Qui dit rallyes-raids dit autos et motos.

Et des autos, insolites mais toujours très performantes, Fenouil en a usé quelques-unes, toujours pied à la planche et avec un coup de volant qu'il conserve, malgré les années. Nous en ferons le constat lors d'une courte balade (pour les besoins de la photo) sur les petites routes de sa campagne située à une heure de la capitale. Nous sommes à bord de sa Volvo 544 C, version Sport à moteur B18 s'exprimant avec brio. Quatre cylindres, deux carbus SU, boîte syncro M 40 quatre vitesses, 105 chevaux (ou 120 en 2 litres et les dernières versions), elle est équipée de freins à disques à l'avant, petite modification courante sur ces autos qui ont tout de même gagné deux fois le championnat d'Europe des rallyes (1958 et 64) avec Gunnar Andersson.

Cette auto a largement illustré les '60s en compétition et surtout en rallye. Pas étonnant que Fenouil, au début des années 70 l'ait choisie pour véhicule de soutien dans son périple à moto dans le désert algérien. Le tout début de ses aventures... de sa vie aussi. Journaliste dans la presse cinéma dans les années 68-72, il hérite son surnom d'une amie des barricades de mai, en raison d'une capillarité très brouillonne. Beau gosse, sportif attiré comme beaucoup par la moto, il découvre Moto Journal grâce à une panne sur le bord de la route. Pierre Barret l'engage dans cette nouvelle rédaction prête à secouer les cocotiers de la vieille garde journalistique. Et en parlant de cocotiers, c'est vers eux qu'il va se tourner. Raids en Afrique avec une moto improbable, récits, succès... Thierry Sabine lui demande de tracer le nouveau Paris-Dakar. Il se lance avec succès, participe maintes fois, se place deuxième au mieux de sa forme. Sur le Dakar, les choses ne lui conviennent plus, il va donc prendre sa route, tracer sa propre piste en créant le Rallye des Pharaons, en Egypte.

La première édition en 1982 était réservée aux seules autos. Dès 83, les motos se lancèrent dans ce qui fut, jusqu'en 2015, une épreuve majeure dans le championnat du monde des rallyes-raids type Dakar. Ari Vatanen le remportera quatre fois, Hubert Auriol (en auto) une fois. Jean-Louis Schlesser s'y illustra avec ses buggies. Fenouil évoque son intérêt pour ces courses à l'aventure : « Je souhaitais faire les choses à ma manière, avec autant de sérieux dans l'organisation et la sécurité mais avec un peu plus d'authenticité. Les usines avaient mis la main sur le Paris-Dakar, il y avait de la place pour d'autres épreuves. Nous avons donc lancé l'idée assez tôt, en 81 pour un rallye en 82. Et nous avons eu un beau succès. Ça été une formidable portion de vie. Être patron d'une épreuve comme celle-ci m'a mis en face de paramètres pas toujours faciles à gérer. Les patrons de la Fédération (FIA) n'étaient pas d'accord pour nous classer en épreuve internationale et haussaient les exigences. J'ai eu quelques discussions avec Balestre qui s'occupait de la France. Mosley nous aimait bien mais Ecclestone ne voulait pas en entendre parler.

Quand j'ai créé les pharaons, beaucoup de pilotes voulaient courir dans le désert...

Il était odieux, désagréable, faisait tout pour asseoir sa domination sur les instances. Pas facile, facile tout ça (sourire). » Nous sommes dans le bureau de Fenouil. Des antiquités égyptiennes côtoient des souvenirs de ces années où Fenouil passait, et passe, la plupart de son temps sur les pistes du désert. Sur un chevalet, une aquarelle offerte par François Chevalier, patron du circuit Paul Ricard durant trente ans (69-99). Cet artiste et ami a donc peint la Volvo 544, en un instantané imaginaire, roues en appui et train arrière en glisse. Une occasion supplémentaire pour Fenouil de nous parler des nombreux personnages du milieu automobile avec qui il a partagé un moment de vie ou une longue amitié.

Depuis qu'il a laissé les rênes du rallye d'Egypte, il a imaginé une autre version de ces balades au milieu de nulle part. Avec les rallyes classiques, il fait partager son expérience à de confortables amateurs de belles autos menées sur des routes insolites. Les rallyes dits de “régularité” sont une pratique en vogue pour des participants aisés. Le luxe des hébergements n'a plus rien à voir avec la rudesse des paddocks de course au Dakar ou aux Pharaons. Il nous dit : « Il y a une demande grandissante de la part des collectionneurs et ils souhaitent faire rouler leurs autos. Donc le petit côté “épicé” d'un rallye dans le désert leur plaît beaucoup.

Quand j'ai arrêté les Pharaons, je suis parti avec Puce, ma douce, en Californie. Nous y avons habité de 97 à 2000. J'ai organisé des tests pour des marques dans le désert californien, des sorties. J'ai pris du temps et de bons contacts. Bref, c'était une vie agréable mais... nous sommes rentrés en France.

Le pays nous manquait sûrement. Vers 2009 à peu près, avec Puce, une idée nous est venue, inspirée sans doute par l'expérience que nous avions vécue aux USA, celle d'organiser des rallyes haut de gamme. C'est comme ça que nous avons fait “Les mille et une nuits Classic”. Des voitures anciennes, des destinations avec du sable évidemment (rire) et un encadrement digne des établissements hôteliers que cette clientèle fréquente assidûment.

Les millions de kilomètres, ce n'est pas l'idée. L'idée, c'est le temps que tu y passes et comment tu le passes

Depuis nous sommes allés chaque année dans des pays différents : en Argentine, Chili, Tunisie, Maroc, Sardaigne. Il y a eu aussi le 45ème parallèle, un voyage super, du Vercors à l'Atlantique, autos et motos. Nous organisons aussi des rallyes privés, pour de petits groupes de conducteurs, en Californie, au Mexique, en Alaska ou en Russie... » On reste un peu muet devant cette énumération fantastique. Une question vient cependant, instinctivement, sur le nombre de millions de kilomètres parcourus par cet arpenteur fou des dunes ? Il sourit, avec les yeux comme ceux d'un adolescent bien dans sa peau et répond : « Ce n'est pas ça l'idée au final. Ce qui compte c'est comment et combien de temps tu y as passé... » Fin de l'histoire ? Non. Il nous reste encore à découvrir sa Cadillac 61 type Le Mans. Une autre de ses autos favorites, voire adulée. Il dit alors : « J'ai toujours adoré les voitures américaines. Celle-ci est un modèle de 51, raccourci comme ceux qui couraient au Mans en 1950. Il y a eu une petite série.

Elle est de 51 avec un bloc 5,5 l V8 et une boîte mécanique à trois rapports. Je ne vais pas la faire rouler aujourd'hui car les rayons de jantes sont cassés. J'ai les pièces, commandées et livrées, il faut que je remonte tout ça, dès que je rentrerai d'un rallye privé qui part demain, juste avant le Mille et une nuits d'octobre, au Portugal.

Ça vous donnera l'occasion de revenir. J'ai encore plein de choses à vous raconter (rires)... » AH

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