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BMW Turbo : french touch

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BMW Turbo : french touch
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Une berlinette de grand tourisme, belle et performante, qui se présenterait comme un manifeste pour la sécurité, tout le monde en rêve au début des 70's. BMW l'a réalisée. À cette époque, le syndrome de la sécurité secoue l'industrie. En 1965, Ralph Nader a mis le feu aux poudres en publiant le livre Unsafe at any speed (Dangereuse à toutes les allures), un pamphlet qui pointait la responsabilité des constructeurs dans l'insécurité routière. L'avocat justicier s'est en particulier acharné sur la Chevrolet Corvair, une jolie voiture dont la tenue de route était critiquable. Le président Lindon Johnson s'insurgea à son tour contre les accidents de la route, découvrant qu'ils avaient causé en 25 ans plus de morts que les guerres. En 1971, le secrétariat d'État aux transports lança le programme ESV (Experimental Safety Vehicle) qui se traduisit par l'étude de véhicules expérimentaux capables de subir un choc frontal à 50 km/h sans dommage pour les occupants. Mais les prototypes réalisés sur ce thème étaient monstrueux. L'Europe prit elle aussi conscience des problèmes de la sécurité.

Le gouvernement français organisa une table ronde sur cette question en décembre 1969. Trois ans plus tard, le cabinet de Jacques Chaban-Delmas nomma un délégué à la Sécurité routière chargé de mettre en œuvre et de coordonner les réformes destinées à réduire le nombre et la gravité des accidents, notamment les limitations de vitesse et le port de la ceinture de sécurité. Pour les designers, le dilemme consistait à concevoir des voitures qui soient sûres sans pour autant ressembler à des chars d'assaut. Chez BMW, c'est Paul Bracq qui dirige le studio de création à partir de 1970. C'est un esthète. Il est incapable d'envisager un projet, quel que soit son objet, sans accorder une place prépondérante à l'élégance des lignes. Il convainc sa hiérarchie de l'utilité de concevoir un prototype exprimant les progrès de l'entreprise dans le domaine de la sécurité. En étroite coopération avec les ingénieurs, Paul Bracq conçoit une berlinette sportive à moteur central. Au début des années 1970, cette architecture est l'apanage de seulement quelques modèles marginaux : Matra Jet, Lamborghini Miura. .. Pour BMW, c'est une première. La motorisation reprend le moteur quatre-cylindres en ligne (1 990 cm3 ) qui existe dans la gamme, ici agrémenté d'un turbocompresseur. Selon le réglage de la suralimentation, la puissance peut atteindre de 200 à 280 chevaux avec un couple de 23,8 mkg. Le turbo qui donnera son nom au prototype annonce la commercialisation en 1973 de la berline 2002 Turbo, l'une des premières voitures de grande série dotées d'un moteur turbo. La sécurité passive, qui préoccupe alors les législateurs, est abordée ici avec un œil neuf. Pour Paul Bracq, il est impératif d'échapper aux formes massives proposées par de nombreux constructeurs.

La sécurité repose d'abord sur des structures déformables à l'avant comme à l'arrière, un arceau qui protège l'habitacle et une colonne de direction qui comporte trois joints de cardan pour absorber l'énergie en cas de choc. Le museau et la face arrière, réalisés en matériaux composites, constituent de véritables boucliers tout en conservant des formes fuselées et harmonieuses. La peinture de la carrosserie participe également à la sécurité, passant d'un orangé fluorescent aux extrémités à une laque rouge pour le corps de la caisse. La sécurité active a bien sûr été également prise en compte. L'implantation du moteur en position centrale est censée assurer un excellent comportement dynamique tandis que le freinage étrenne un système antiblocage (ABS) qui ne sera retenu pour la production en série que beaucoup plus tard. La recherche de la sportivité a rythmé l'étude de style de cette berlinette large et plate. Un vigoureux bourrelet noir entoure toute la caisse et souligne sa ligne en coin tout au long du flanc. Malgré le caractère agressif de la machine, Paul Bracq, avec son doigté de sculpteur, a ménagé des formes arrondies, ce qui tranche avec les tendances contemporaines. La Turbo reste très compacte : établie sur un empattement de 240 cm, elle est longue de 415,5 cm, large de 188 cm et haute de 110 cm. Elle ne pèse que 980 kg. Les portes ouvrant en ailes de mouette assurent une accessibilité convenable. La fabrication de deux prototypes est sous-traitée en Italie, chez le carrossier Giovanni Michelotti. Le deuxième exemplaire se différencie du premier par les flasques qui recouvrent les roues arrière et par une laque à la tonalité brune plus sombre que le vermillon du prototype original.

La BMW Turbo est offi ciellement dévoilée dans le cadre du Salon de l'Auto à Paris en 1972. Son impact est très positif pour dynamiser l'image de BMW qui se cantonnait auparavant dans la production de berlines et de coupés un peu trop sages.

Il est évident que le travail effectué pour développer ce concept car ne pouvait pas rester sans lendemain. Chez BMW, en haut lieu, certains songent à renouer avec un modèle très exclusif dans l'esprit de la sublime 507 roadster sortie en 1955 et fabriquée en seulement 251 exemplaires. Le feu vert est donné à l'étude d'une berlinette d'exception inspirée par la BMW Turbo. Le développement du projet E26 reviendra à la filiale sportive BMW Motorsport GmbH, fondée en 1972. Le cahier des charges décrit une berlinette sportive polyvalente capable d'être déclinée sous une forme civilisée. Le règlement sportif exige en effet une production minimale de 400 exemplaires pour accorder l'homologation en Groupe 4 (catégorie grand tourisme). Dans ses grandes lignes, avec son moteur central, le projet E36 qui donnera naissance à la M1 apparaîtra comme l'héritier direct de la Turbo.

Son style est confié à Ital Design et la fabrication est proposée à Lamborghini qui est à la recherche de débouchés industriels. La firme de Sant'Agata Bolognese supervise les premiers essais des prototypes en mai 1977, mais les diffi cultés financières de Lamborghini inquiètent vite BMW qui dénonce le contrat en avril 1978 et se tourne à nouveau vers Ital Design pour la fabrication des M1 dans ses ateliers de Turin. Les châssis tubulaires seront confectionnés par la maison Marchesi, à Modène. Le montage de la mécanique sera assuré par le carrossier Baur, à Stuttgart, les ultimes réglages se faisant chez Motorsport. La BMW M1 sera commercialisée entre 1978 et 1981 en 453 exemplaires. Juste ce qu'il faut pour gagner son homologation en Groupe 4... mais pas assez pour faire oublier la BMW Turbo.

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