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Pierre Leclercq : Francophile

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© Rémi Dargegen
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« C'est difficile de retranscrire visuellement ce que représente une marque. Nous, c'est le confort. » Dans son bureau surplombant l'aire d'exposition des maquettes des futurs modèles, Pierre Leclercq (48 ans) explique comme il est heureux d'avoir rejoint Citroën pour présider aux destinées de son design. Il est vrai qu'il semble prédestiné, ayant grandi entouré de voitures de la marque aux Chevrons : DS de son grand-père, CX Pallas de son père et Diane et 2CV de sa mère. Mais pourtant, de manière classique, ses premiers émois automobiles sont plutôt du côté de l'Italie : « Les premières voitures qui m'ont fasciné, vers quinze-seize ans, étaient italiennes, particulièrement les Ferrari et Alfa Romeo des années 70 et 80, comme la 365 GTB/4 », explique-t-il. L'Ardennais a toujours dessiné, et c'est tout naturellement qu'il suit des études de design industriel, complétées par son cursus de rêve au Art Center College of Design de Pasadena en Californie (USA) en 1998, avant de se lancer. « J'ai fait un stage chez BMW à Munich, puis j'ai pris mon Alfa 33, traversé le tunnel du Mont-Blanc avec de la musique italienne et suis allé chez Pininfarina, Bertone, Zagato et Ghia avec mon portfolio. Je suis allé quelques mois chez Zagato, puis chez Ghia. En entrant dans le studio, la première chose que j'ai vu est le 021C (du designer Marc Newson) en clay, sans aucun graphisme dessus, je me suis demandé ce que c' était ! » Puis Adrian van Hooydonk a pris la tête du bureau de design américain de BMW et lui a proposé de le rejoindre là-bas. Une histoire de treize ans chez BMW qui commence par cinq ans en Californie : « J'ai d'abord fait le X5 deuxième génération (extérieur), le X6 juste après, puis j'avais envie de faire plus et on m'a proposé de prendre la tête du design de BMW M. J'ai travaillé deux ans sur un projet de nouvelle M1 qui a été annulé au dernier moment. À ce moment-là, est venue une offre pour la Chine. Je me suis dit : “Pierre, ne tombe jamais amoureux de ta carte de visite”. Et je suis parti chez Great Wall, premier constructeur indépendant chinois. » 

Premier occidental dans une entreprise employant 60 000 Chinois, il ouvre un studio de design pour la marque à Shanghai, où il engage surtout des designers européens dont pas mal de Français. Après quatre ans, les premières voitures commencent à sortir et Luc Donckerwolke de Hyundai lui propose Kia. Une expérience éphémère, explique-t-il : « J' étais supposé rester plus qu'un an. La Corée, la marque étaient très bien mais quand Jean-Pierre Ploué m'a proposé de reprendre Citroën, je pouvais difficilement dire non à ce genre d'offre... Cela s'est joué le lendemain de la défaite de la Belgique contre la France dans la Coupe du Monde de football. J' étais rentré en Belgique et je suis passé par Paris. Nous sommes allés manger au Café de Paris à Bièvres, un joli petit coin avec une terrasse et des platanes. Jean-Pierre avait tout fait pour me séduire (rires). Tout s'est bouclé en deux semaines. » Il avait déjà passé un entretien avec lui chez Ford à Cologne par le passé mais Jean-Pierre Ploué ne s'en souvenait pas, c'est en fait Gilles Vidal qui avait parlé de lui au directeur des styles du Groupe PSA. À la question de sa définition d'un bon design, la réponse fuse : « Proportion, surface, détail, j'ai appris cela il y a des années. Avant d'y mettre la robe, on dessine la voiture. Avant le style, on fait le package. Si on n'a pas le bon package, on est très mal partis pour un projet. Les proportions tout d'abord, comment se différencier en termes de silhouette et d'architecture ?

Ensuite, vient le style, puis l' exécution jusqu'au dernier millimètre, sans quoi on n'aura jamais la qualité voulue. On vit dans un environnement qui est cinq ans en avance du marché. Il faut être courageux, disruptif, casser les codes. On a toujours un moment d'hésitation un an et demi avant qu'une voiture ne sorte : est-ce assez moderne ? Puis on est rassuré quand la voiture est là, elle est fraîche pour le public. Si on a une voiture qui sort, on doit être à 100 % derrière. Et ne rien vouloir retoucher si on pouvait. En automobile, c'est extrêmement difficile de retranscrire visuellement ce que représente une marque. Nous, c' est le confort. » Pour lui, aujourd'hui, ce sont les fournisseurs qui amènent la technologie et, pendant ce temps, le design est rentré chez les constructeurs et les studios de design extérieurs n'ont plus de boulot. C'est désormais le moyen le meilleur marché de se différencier. Pour se changer les idées, Pierre Leclercq dessine des montres (Ice Watch), des motos (Cafe Racer sur base de BMW R 100) et ses maisons, non seulement leur architecture intérieure, mais aussi le mobilier qui va avec.

En automobile, il aime les contraintes : « Un concept car est moins intéressant car on est libre de tout, par rapport aux contraintes d'une voiture de série. C'est beaucoup plus facile de travailler pour des compagnies premium. Ici, le design est extrêmement important et c'est beaucoup plus difficile de faire les choix pour rester aussi rentables et efficaces. » « Le marché va évoluer dans deux directions : des modèles pour ceux qui aiment l'auto et des modèles dédiés à la mobilité. » Pour lui, les changements de consommation de l'automobile, avec l'électrique, les services de mobilité représentent un défi particulièrement motivant. « On est à un moment où on peut révolutionner l'automobile comme lorsqu'on est passé du cheval au moteur. Je pense que le marché va évoluer dans deux directions, avec des autos toujours faites pour ceux qui aiment l'automobile, et celles dédiées à la mobilité (batteries, conduite autonome...). » En attendant, en plus de la BMW Z3 Facelift 3.0 noire cabriolet qui l'attend dans son garage, les voitures qui le font rêver sont plutôt old school et italiennes (De Tomaso Pantera, Ferrari 355, FF), ou françaises (belle vieille DS, 2CV comme son patron Jean-Pierre Ploué), ou plus exotiques (Jeep CJ7). De quoi réaliser de nombreux fantasmes automobiles.

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