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Auto - 80 ans de Jeep : Naissance d’un mutant

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Auto - 80 ans de Jeep : Naissance d’un mutant
© Archives Grand Tourisme et Jeep
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Il y a tout juste 80 ans, naissait l'archétype de la voiture minimaliste. Tous les hommes ne sont pas égaux devant la postérité. Soyons honnête, aujourd'hui, qui connaît la personnalité qui se cache derrière le nom de la rue Karl Probst à Caen ? Sans doute une poignée d'initiés. Peut-être aussi quelques nostalgiques qui tous les ans au mois de juin, participent à des jeux de rôle pour parodier le débarquement. Karl Probst mérite mieux. Il a sa place au panthéon de l'industrie automobile car il est l'inventeur de l'un des concepts les plus géniaux de son histoire. En 1940, Karl Probst attend tranquillement la retraite, se délectant d'une belle carrière menée en tant qu'ingénieur free-lance. Né le 20 octobre 1883 à Point Pleasant en Virginie, il a décroché son diplôme en 1906 à l'université de l'Ohio, à Columbus, ce qui lui a permis de travailler pour Ford, Chalmers, Peerless, Reo et quelques autres. À 57 ans, toujours aussi indépendant, ce monsieur élégant et discret reste disponible, mais il ne force pas le destin. Autour de lui, l'ambiance est moins calme. Les oracles sont pessimistes. En 1940, les Américains commencent à se demander s'ils vont pouvoir préserver longtemps leur neutralité votée par le Congrès en 1935. Ils apportent déjà leur aide aux alliés engagés dans le conflit et se préparent au pire. Le service militaire obligatoire est instauré pour la première fois en temps de paix. L'armée renforce son arsenal et le modernise. Il lui manque un engin à tout faire, compact et polyvalent, tel que va le définir l'Ordnance Military Department, qui comprend des représentants de l'infanterie, de la cavalerie et du Quartermaster Corps (QMC). Cet aréopage élabore le cahier des charges pour un « véhicule léger de reconnaissance et de commandement » qui doit être agile (moins de deux mètres d'empattement), léger (545 kg), capable de passer partout et de transporter trois soldats et 275 kg de matériel (d'où son nom de code “¼-ton”). Il importe aussi qu'il soit simple à fabriquer et à entretenir.

Le 11 juillet 1940, le QMC lance un appel d'offre auprès de 135 entreprises avec l'obligation de rendre leur copie onze jours plus tard. Une seule maison relève le défi: American Bantam Car Company. American Bantam est une marque à bout de souffle. En 1935, elle avait pris la succession d'American Austin, la filiale de la firme anglaise qui, cinq ans auparavant, s'était installée à Butler, en Pennsylvanie, pour produire la minuscule Austin 7 à l'attention du marché américain. L'initiative avait bien sûr échoué. En 1940, American Bantam cesse la fabrication de ses voiturettes incongrues au pays du gigantisme. La firme tente le tout pour le tout en répondant à l'appel d'offre de l'armée. Son patron, Roy Evans, convoque Karl Probst qui, en mercenaire scrupuleux, accepte de se lancer dans l'aventure. Pendant onze jours, l'ingénieur planche sans répit, il griffonne, rature, crayonne des dizaines de croquis et finit par ébaucher un projet cohérent dans le délai imparti ! La carrosserie qu'il suggère est simple, légère, pratique avec ses ouvertures échancrées sur les flancs. Chez Bantam, le compactage est une seconde nature. Le jury militaire est séduit, mais il reste encore beaucoup d'obstacles à surmonter. L'étape suivante consiste à réaliser un prototype fonctionnel en moins de sept semaines. Chez les trois constructeurs, on s'active dans les ateliers. Il n'y a pas de temps à perdre. Deux autres sociétés, Ford et Willys, sont invitées à rejoindre le programme et à travailler à partir de la proposition d'American Bantam dont les plans leur ont été communiqués. Inutile de présenter Ford, déjà deuxième constructeur national. En revanche, Willys est devenue une actrice mineure de l'industrie américaine bien que de vieille souche, et bien qu'elle se soit hissée au deuxième rang de la production entre 1912 et 1918. Chez les trois constructeurs, on s'active dans les ateliers. Il n'y a pas de temps à perdre. Chez American Bantam, on récupère un maximum de composants chez des fournisseurs extérieurs, le moteur chez Continental (1,8 litre 45 chevaux), les trains roulants chez Studebaker, la transmission chez Warner.

La petite entreprise est à nouveau la plus prompte. Sa pimpante BRC-60 arrive au fort de Holabird à Baltimore le 23 septembre. Le prototype de Willys, le Quad, suit avec beaucoup de retard, le 13 novembre, mais avec un argument décisif, son moteur Go-Devil très efficient (2,2 litres 60 chevaux). Ford ferme la marche dix jours plus tard avec deux exemplaires de la Pygmy. Les militaires avouent leur intérêt pour la Quad, mais la BRC-60 plus légère satisfait encore mieux leurs exigences. Les trois rivaux sont invités à peaufiner encore leurs projets et à procéder aux essais sur une plus large échelle. En mars 1941, ils se présentent avec des versions évoluées, désormais très proches les unes des autres et, cette fois, l'U.S. Army commande une petite série de chaque modèle qui en évoluant changent encore de désignation : Ford va produire 4 458 exemplaires de la GP, Willys 1 555 unités de la MA tandis qu'American Bantam arrive à sortir vaillamment 2 605 copies de la BRC-40 grâce à la complicité de Checker, la société qui produit les célèbres taxis jaunes dans le Michigan. Mais Bantam ne peut plus poursuivre. Elle s'éclipse et se contente dorénavant de fabriquer les remorques tandis que Willys et Ford produiront tout le contingent : respectivement 335 531 Willys MB et 277 896 Ford GPW entre 1942 et 1945. Les États-Unis d'Amérique entrent en guerre le 7 décembre 1941. Leur génial véhicule porte désormais un nom : Jeep ! Jeep comme l'animal mystérieux et malin - qui tient à la fois du chien et du singe - et qui accompagne Popeye depuis 1936.

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