Pershing : missiles mer-mer

Pershing fait partie des pionniers de cette classe de motoryachts alliant luxe et sportivité. Avec l'idée disruptive d'associer une ligne évoquant la vitesse et un volume habitable nettement supérieur à celui qu'offraient à la même époque les offshores américains de type Cigarette, Apache, Donzi ou Formula…

Le milieu des années 80 est donc marqué par l'apparition de ces “offshores habitables” avec l'émergence de marques telles que Pershing, bien sûr, mais aussi AB Yachts, Italcraft, Itama, Leopard, Mangusta ou OTAM, toutes italiennes, sans oublier l'Américaine Magnum Marine et l'Anglaise Sunseeker. ..

Ces imposantes vedettes, aux aménagements confortables et au profil conquérant, sont rapidement qualifiées de “fast commuters” (littéralement : “navettes rapides”) pour leur faculté à relier entre elles, et en un temps record, les marinas les plus sélectes de la Méditerranée.

C'est en 1981 à Mondolfo, petite commune de la région des Marches en Italie, que naît le Chantier Naval de l'Adriatique.

Il va donner lieu à la création de la marque Pershing, grâce à trois jeunes figures du nautisme italien : Tilli Antonelli, Fausto Filipetti et Giuliano Onori sans oublier l'architecte naval et designer, Fulvio De Simoni. Ce dernier témoigne : « Ils étaient tous les trois à la tête d'un petit chantier et leur rêve était de construire un bateau à moteur. Ils m'ont demandé de le concevoir pour eux. C'est ainsi qu'est né le Pershing 45' qui a connu un énorme succès et a permis de créer de nouveaux modèles. » « À l' époque, les bateaux de croisière rapide étaient étroits, avec un volume habitable restreint, expose Tilli Antonelli. Le Pershing 45' (14,60 m) a été le premier open cruiser à combiner lignes sportives et performances avec un volume intérieur généreux, un cockpit spacieux avec une confortable dînette et un grand solarium.

Et il était le premier de sa catégorie à disposer de trois cabines et d'une salle d' eau, la troisième cabine étant située à l'arrière, avec un accès séparé pour plus d'intimité. » Après le 45' apparut le 40', sur le même concept, puis il y eut le 70' propulsé par une turbine de 4 000 chevaux !

Résolument tourné vers la performance, le chantier Pershing propose des yachts qui peuvent atteindre et parfois dépasser les 50 nœuds (93 km/h) en fonction du choix de la motorisation. Mais, même avec les puissances de base, les croiseurs rapides de Mondolfo sont au moins 10 nœuds plus véloces que les yachts conventionnels de mêmes dimensions. Leur botte secrète réside dans leurs transmissions à hélices de surface qui optimisent la force propulsive grâce à un axe de poussée plus horizontal que les lignes d'arbres conventionnelles, ainsi qu'une traînée moindre, les hélices travaillant en semi-immersion ; une technologie empruntée aux offshores de compétition. Avec, en prime, un superbe panache d'écume qui monte à la verticale à plusieurs mètres de hauteur et s'incline dans les virages. ..

La réussite de Pershing doit beaucoup à la fidélité et la complicité du tandem Tilli Antonelli / Fulvio De Simoni : « Une chose très importante entre un chantier et un designer est la communion d'intentions et “l'alchimie” qui peut se créer entre eux , confie Antonelli. Cela a donné, notamment, la trouvaille des vitrages latéraux en forme d'œil et la fantastique combinaison de lignes et de performances des Pershing 54' et 88', ainsi que la couleur argent métallisé qui a créé une forte tendance sur le marché de ce genre d'unités, pour ne pas dire une mode ! » Mais, poussé par une concurrence grandissante à la fin des années 90, Antonelli envisagea de développer Pershing à l'international. « L a seule manière de pénétrer un marché mondial était de faire partie d'une entité majeure avec davantage de crédibilité, de stabilité et de potentiel en termes d'investissements…

Je savais que Norberto Ferretti et un fonds d'investissements privé étaient intéressés par la création d'un groupe.

J'ai fait part de mon intérêt à Norberto, c'est ainsi que tout a commencé. » Bien sûr, le père des Pershing voyait aussi l'avantage qu'il y avait de bénéficier d'un excellent réseau de revendeurs “worldwide” et d'argent frais pour investir dans la création de nouveaux modèles, encore plus ambitieux.

Antonelli et De Simoni, créateurs de Pershing, voulaient des yachts esthétiques, confortables et (très) rapides !

Ainsi, l'année 1998 représente un tournant important dans l'épopée de Pershing, le chantier faisant son entrée dans la “Dream Team” du Ferretti Group, qui possède aujourd'hui plusieurs des marques iconiques du yachting à moteur (voir encadré) et même à voile, avec la récente acquisition de Wally. Pershing va donc bénéficier de l'envergure du Ferretti Group pour grandir. À cette époque, Fulvio De Simoni, qui a dessiné tous les Pershing jusqu'à aujourd'hui, et Tilli Antonelli sont toujours de la partie. Durant les premières années de sa “nouvelle vie” Pershing voit sa gamme s'élargir, principalement avec des unités de plus en plus grandes, avec les 80 et 90 pieds puis les 108 et 115 pieds. La famille de ces yachts sportifs s'étend de 15 à 35 mètres. Survient alors la crise économique des subprimes…

Un épisode qu'Antonelli n'est pas près d'oublier. .. « Après la crise de septembre 20 08, le fonds d'investissements propriétaire de Ferretti Group a fait faillite. Nous avons traversé une période très difficile, mais Pershing a toujours apporté sa contribution économique au groupe. Rapidement, une offre conséquente de rachat de Pershing est arrivée sur la table et, ayant vu la possibilité de récupérer ma société pour monter une nouvelle start-up, c' était pour moi un véritable rêve. Malheureusement, le groupe a décidé de ne pas vendre Pershing et j'ai donc dû partir. »

Antonelli a alors créé la marque Wider et innové avec les francs-bords arrière rabattables formant des terrasses à fleur d'eau. Un concept repris depuis par nombre de chantiers dont. .. Pershing.

Après 2015, le Groupe Ferretti connaît un spectaculaire redressement qui débouche, entre autres, sur l'acquisition de l'emblématique marque de voiliers Wally. Parallèlement, la gamme Pershing se développe encore avec la création de la série X, et le lancement du 5X (16,50 m). Celle-ci compte aujourd'hui cinq modèles, dont les deux plus grands, le 8X (25,50 m) et le 9X (28 m), comportent un flybridge avec un second poste de pilotage. Ces yachts sportifs ont largement recours à la fibre de carbone afin d'économiser du poids au profit de la vitesse et d'une moindre consommation de carburant. Parallèlement à cette gamme qui se veut sportive existe le vaisseau amiral de la marque : le 140 (43 m). Élevé par le chantier au rang de “superyacht”, cet impressionnant croiseur hauturier aux lignes dynamiques, doté de 5 000 chevaux à transmissions hydrojet, est capable d'atteindre 38 nœuds (35 en croisière) et d'accueillir à son bord dix passagers et sept membres d'équipage. C'est la première construction aluminium du chantier de Mondolfo.

Enfin, il y a le dernier-né : le GTX 116 (35 m). Sa silhouette diffère de celle des modèles de la gamme X. Dotée de superstructures plus développées ainsi que d'une étrave semi-verticale, elle est moins sportive. Le GTX mise davantage sur le confort, comme le souligne Stefano De Vivo (directeur commercial de Ferretti Group) : « L'approche conceptuelle du nouveau GT X116 est axée sur l'habitabilité, garantie par une interconnexion transparente entre les extérieurs et les intérieurs, qui deviennent partie intégrante du même espace facilitant les flux à bord et augmentant le niveau de confort. » Par ailleurs, avec l'architecture mécanique du 5X, soit le recours à des Volvo à embases IPS (pods à double hélice) en lieu et place des très sportives hélices de surface, il apparaît que Pershing entend évoluer vers des unités moins typées et accorder moins d'importance à la vitesse. La V-max du GT116 qui se contente de 34 nœuds dans sa version la plus puissante tend à appuyer cette inflexion de l'identité originale. De son côté Fulvio De Simoni relève une évolution dans les attentes de la clientèle : « Les propriétaires ont changé.

La cible des yachts Pershing n'a pas radicalement changé mais elle a évolué

L'intérêt pour les performances est moindre. Le tout nouveau GT X116 reflète une approche qui, tout en restant sportive, s'engage à offrir davantage de contenu. » Comprenez par là plus d'innovations, de confort et d'équipements. Laissons la conclusion au fondateur de la marque, Tilli Antonelli : « D'une manière générale, je dirais que Pershing conserve une forte personnalité, mais elle a perdu un peu de son identité. » Quoi qu'il en soit, cette marque high-tech au style sophistiqué continue de faire rêver.