Road Trip en Alfetta : Torino to Biarritz

Alberto Chimenti est réalisateur et vidéaste. Et surfeur. Et amateur de voitures anciennes. Voilà qui explique comment un Italien de Turin peut à la fois être capable de prendre la route sans peur avec une vieille Alfa, motivé pour aller plein ouest, direction Biarritz, et ramener de telles images de ce road trip au parfum de Provence et de Pays Basque, réalisé avec un ami, en six jours cet été. Ce voyage est un rituel traditionnel pour Alberto qui part humer l'air de l'Atlantique deux fois l' an depuis au moins quinze ans, souvent en été pour éviter les houles trop fortes et apprécier simplement les grosses vagues parfaites à surfer. En général, le spot choisi est Biarritz. Classique. Mais parfois il se dirige aussi vers les Landes ou au sud du Pays Basque, voire de l' autre côté de la frontière espagnole - il faut bien varier les plaisirs. San Vincente de la Barquera, Somo, Salinas, malgré leur proximité géographique, tous ces spots offrent des types de vagues vraiment différents. Voilà pour la destination, mais tout est question de philosophie et le voyage lui-même peut bien devenir la destination si l' on sait prendre le temps. Et c' est bien ce qu' ont fait les deux Piémontais. Car les quelque 1 000 km de route depuis la frontière italienne (Turin est à moins de 100 kilomètres de la France) traversent un sacré paquet de lieux incroyables, des montagnes du Piémont à la Côte d' Azur, la Provence, Marseille, et les paysages fabuleux de la Camargue entre Arles et Montpellier. .. sans oublier les arrêts pour voir de près des villes médiévales comme Carcassonne, avant Toulouse, les Pyrénées et enfin, l'océan !

Un sacré programme qui est laissé de côté par la plupart des surfeurs qui privilégient l' efficacité, la rapidité, la conduite de nuit pour aller prendre les premières vagues dès l' arrivée, sans perdre une seconde. Des trips déterminés par les prévisions météo et les coefficients de marée. Efficacité et concentration sur une seule activité. Pourquoi pas, et cela a été longtemps le style d' Alberto, partant en Combi Volkswagen (ou avec des autos plus récentes avec une tente se montant sur le toit) pour trouver où dormir tout près des spots de surf, de grands véhicules pour dormir et emmener tout le matos (planches, combinaisons, provisions...). Mais pas là.

Pour une fois, un ami le rejoint et ils décident enfin de prendre le temps de la découverte des régions traversées. En plus, comme les réglementations se sont durcies et qu' il n'est plus possible de simplement monter le camp au plus près des spots ou dans les ports, que les lieux dédiés au camping ne sont plus l'apanage des surfeurs, le prisme a changé. Il est temps de modifier également la perspective du voyage. Devenir de meilleurs voyageurs. Même si au final, la recherche des meilleures vagues reste bien au programme...

Ainsi la Côte basque est-elle devenue une étape parmi d' autres plutôt qu' une destination. Le voyage est divisé en différentes phases, ponctuées de nombreux arrêts en route. Pas de stress, que des paysages à dévorer. Et puisqu' il s' agit de prendre le temps, une auto ancienne est toute indiquée pour ce faire.

L'heureuse gagnante est une splendide Alfa Romeo Alfetta de 1973, le compagnon de voyage rêvé pour ce trip. Fidèle “daily driver” d'Alberto, elle brille par son confort, sa fiabilité et, bien sûr, sa beauté. Quand ce modèle a été lancé, les gens de chez Alfa ont organisé un trajet de 28 000 kilomètres du Cap Nord au Sud pour en démontrer toutes les qualités. Comment dès lors ne pas lui faire confiance ?

Le voyage lui-même peut bien devenir la destination si l'on sait prendre le temps...

Le départ de Turin se fait un jeudi, juste après le déjeuner, histoire d'attaquer le ventre plein le col de Montgenèvre et passer la frontière, avant de s' autoriser une première pause au lac de Serre-Ponçon. Puis la descente se fait vers Sisteron et les champs de lavande de Valensole pour la touche de couleur. La première étape sera à Saint-Rémy-de-Provence après un court passage à Aix-en-Provence. Nos deux Italiens sont plongés dans le charme de Saint-Rémy, au cœur des Alpilles, avec ses avenues fleuries et bordées d' arbres, l'architecture locale, les tons pastel typiquement provençaux. L'Alfetta garée à l' hôtel Sous Les Figuiers, exploration de la ville puis dîner au Bar Tabac avec son gigot d' agneau, recommandé par des locaux rencontrés par nos deux Transalpins au contact facile. Voilà qui signe le début de la “#RoséDietWeek” à coups de côtes de provence, poursuivie à Maison Mistral, bar-jardin abritant de nombreuses œuvres d' art. Voilà pour la mise en condition.

Devenir de meilleurs voyageurs, même si au final, la recherche des meilleures vagues reste bien au programme…

Au deuxième jour commence la chasse aux autocollants des armoiries de la ville, histoire de les coller comme des trophées sur leur Alfetta, habitude perdue des voyages d' après-guerre.

Direction la basse Provence, entre vignobles et champs d'oliviers, jusqu' à atteindre Les Baux-de-Provence et son panorama unique. Puis la descente vers la vallée du Rhône et une pause déjeuner entre Arles et Nîmes. Changement d' ambiance, avec pour décision d'atteindre Carcassonne pour la fin de journée, quelque 300 kilomètres plus loin vers l' ouest. Le voyage, OK, mais le surf ne doit pas passer à la trappe. Les points de passage choisis sur la carte (papier of course !) et les voilà en allure constante de cruising, fenêtres baissées et musique en fond - les ingrédients d' un ride de qualité. Toulouse, les Pyrénées, les méandres de l'autoroute, la fatigue qui se fait sentir, Lourdes, Pau. .. le dernier morceau de la route avant d' atteindre Biarritz est toujours un peu long mais la motivation est là, il faut arriver avant le dîner, pas de changement de programme. Les seuls arrêts sont pour faire le plein. Et voilà l'océan, le Graal, avec trois jours prévus à Guéthary. Les affaires déballées dans le logement Airbnb, ils courent à la plage et apprécient leurs premières vagues, modestes et donc parfaites pour un premier jour après une journée de route. Le dîner se fera dans leur spot préféré, l' hôtel La Marie, dans le centre de Guéthary, the place to be pour retrouver leurs amis italiens installés ici et les locaux qu' ils fréquentent. Coucher de soleil, rosé Minuty de la couleur du ciel et photo au moment fatidique. Après les premières vagues du lendemain sur le spot de Cenitz, le déjeuner réparateur se fera au Café du Commerce à Biarritz, au centre rempli de la population des jours de marché. Pour le café, ce sera la grande plage et le Miremont.

Même les mauvaises conditions avec un vent fort les jours suivants n' entament pas l' enthousiasme des Piémontais. Direction Saint-Jean-de-Luz, déjeuner à la Boëte, avant de longer la côte de la corniche d'Urune, entre Ciboure et Hendaye. A Irun, ils ne peuvent s' empêcher de checker les lieux de la Punk' s Peak du Wheels and Waves, route panoramique aux points de vue à couper le souffle et épingles à cheveux torves, au beau milieu des champs où paissent tranquillement chevaux, vaches et moutons. Le retour à Guéthary est célébré par un verre au Illunabar, en face du spot de Parlamentia. Le jour suivant, l'Alfa prend la route vers le nord et les Landes et Seignosse, où ils retrouvent leur ami Marco, instructeur à l' école de surf locale à la plage de la Caserne. Une balade vers Cap Breton les emmène à la Pêcherie Ducamp, marché au poisson historique devenu restaurant. Le poisson ultra frais bien sûr, mais aussi le choix de rosés font le bonheur des voyageurs venus de l' autre côté des Alpes. Une dernière session le lendemain matin et ils reprennent la route du retour, piano piano. Première étape, Sète, de quoi rejoindre leur ami Andrea après six heures de route. Mais les éléments ont commencé à se liguer contre les deux amis. .. Un son métallique commence à se faire entendre sous la capot. Une vibration dans le silencieux central de l'Alfetta ? Il disparaît, puis revient plus fort encore.

Ce trip est un rituel traditionnel pour Alberto qui part humer l'air de l'Atlantique deux fois l'an depuis au moins quinze ans.

Il se fait entendre au ralenti, venant de la partie avant du carter. L'arrivée à Sète se fait sur des œufs, de peur de créer des dommages plus forts. Des locaux appellent leur expert, le garage Fernandez, heureusement tout proche. Mais mis à part conseiller de ne pas reprendre la route, aucun diagnostic précis.

« C' est la fin du voyage » , pensent les deux acolytes. Il semble que cela vienne de la courroie de distribution, dont le tendeur se règle simplement avec une clé de 14... Une fois les tutos trouvés sur Internet assimilés, les voilà en train de régler pour la première fois l' auto, qui leur en sait gré et arrête le méchant bruit. Soulagés, ils se dirigent alors vers Saint-Tropez pour fêter ça chez Sénéquier. La route finale passera par Vintimille, le Col de Tende, puis la station de ski de Limone Piemonte et les derniers kilomètres pour revoir Turin. 6 jours, 2 600 km, bien assez pour en faire une expérience exceptionnelle.