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Pichon-Parat Dolomites : bleu de France

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Pichon-Parat Dolomites : bleu de France
© Mathieu Bonnevie
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La France est en train d' oublier les ravages de la Seconde Guerre mondiale et le sport automobile n' est pas la priorité des “grands constructeurs”. Ceux-ci sont trop occupés à produire des petites voitures économiques pour le plus grand nombre. Mais les 4CV, 203 et autres Dyna vont donner des idées à des amateurs de sportives. Parmi ceux-là, il y a Bernard Pichon et André Parat qui se sont associés en 1952 pour créer une entreprise de carrosserie à Sens. L' un (Pichon) dessinait des carrosseries futuristes sur ses cahiers d' écolier tandis que l' autre (Parat) intégrait une école de chaudronnerie. Ils étaient faits pour se rencontrer. Ils se consacrent essentiellement à la transformation de voitures françaises et on compte parmi leurs réalisations d' élégants coupés sur base de Ford Vedette, de Renault Frégate ou de 4CV. Le duo se fait également remarquer avec un joli coach réalisé à partir d' une Panhard Junior. Avec quelques exemplaires produits, Pichon et Parat s' intéressent à la Panhard Dyna X dont la plateforme et le moteur pourraient servir de base à une nouvelle création. En 1953, ils imaginent une carrosserie sportive adaptable au châssis de la Dyna X.

A cette époque, il était tout à fait possible de réaliser “sa” voiture dans “son” garage. Il n' y avait pas de bureaux d' études à Sens où était installée la carrosserie Pichon et Parat.

Leur méthode de conception était basée sur l'expérience

Ils prenaient une photo de la voiture qu' ils voulaient transformer, masquaient les parties à redessiner et traçaient des formes modifiées jusqu' à ce qu' elles soient conformes à leurs souhaits. A partir de ce dessin, ils fabriquaient une maquette grandeur nature qui allait servir à réaliser un prototype “définitif ”. Avec son museau pointu, son pare-brise spécifique, son arrière “aérodynamique” dessiné au pif, ses passages de roue arrière au profil atypique, ses clignotants arrière “intégrés”, la Dolomites a une gueule de sportive. L' auto est basse (1,19 m), et, surtout, extrêmement légère. La Pichon-Parat dépasse à peine les 500 kg grâce à sa carrosserie en aluminium façonnée à la main, comme chez les grands carrossiers italiens ! La Dolomites est équipée du bicylindre Panhard en version 745 ou 850 cm3 , qui développe une soixantaine de chevaux grâce à un carburateur Solex double corps. Cela suffit pour propulser le petit bolide à un bon 150 km/h, ce qui est une vitesse fort honorable pour une petite sportive de l' époque.

La Pichon-Parat Dolomites est présentée au Salon de Paris 1953 et connaît un joli succès. Malheureusement, il n' en sera produit que dix ou douze. La Carrosserie Pichon-Parat continuera son petit bonhomme de chemin avec de jolies autos comme l' Izoard à portes papillon ou d' étonnantes réalisations élaborées en collaboration avec Raymond Loewy “himself ” (une BMW 507 et une folle Cadillac). La firme Pichon-Parat disparaitra à une époque où les carrossiers n' ont plus leur place. Amateur de belles autos au sens noble du terme, Hugo Baldy a acquis une Panhard de ce type imaginée par l'officine sénonaise . Il avoue que tout le mérite de cet héritage automobile revient à son père. « J'ai grandi dans ce milieu et mon père s' est lancé dans la reconstruction d' une Bugatti “avec des morceaux de Bugatti dedans” quand j' avais quinze ans. Ça laisse des traces. .. », avoue Hugo.

Depuis, son paternel en a remonté une deuxième. .. Le virus de l' automobile est présent dans le corps d' Hugo depuis ses douze ans, âge auquel il a délaissé ses Majorette pour acheter sa première automobile, une 2CV Type A de 1952. Depuis, il en a possédé une trentaine, toutes plus exotiques les unes que les autres. « J' avais lu un article sur la Dolomites et je m' étais mis en tête d' en trouver une, explique Hugo. J' en ai parlé à un copain qui m' a dit qu' il en connaissait une ! » C' est assez incroyable compte tenu de la faible production de la voiture mais l' information se révèle exacte, un vieux monsieur veut se séparer de sa collection, un lot de cinq autos dont une Dolomites. Après des mois de négociations, Hugo enlève le lot et ne garde que le petit coupé bleu. En amateur éclairé, il se met à retracer l' historique de la voiture achetée neuve à la fin de l' année 1955 par un entrepreneur montpelliérain nommé Antoine Tortarolo. En 1956, le propriétaire inscrit sa voiture au Rallye Monte-Carlo (abandon), au Rallye Lyon-Charbonnières (victoire de classe), à la course de côte du Mont Ventoux et au Tour Auto qui se dispute en septembre.

La Pichon-Parat est un petit bijou représentatif du travail des carrossiers qui œuvraient un peu partout en France

Antoine Tortarolo vend sa Dolomites avec un palmarès fin 56, début 57. Hugo retrace son historique jusque dans les années 70 où elle disparaît. Rachetée par le précédent propriétaire, elle devient la propriété d' Hugo en 2018. Hugo et son père ont entièrement démonté la Dolomites en essayant de préserver son authenticité. « On a refait la face avant qui n'était plus conforme, on a effectué un gros travail sur la caisse, on a refait le tableau de bord, révisé entièrement le moteur et la boîte de vitesses », explique Hugo. Les sièges d' origine ont pu être conservés et la peinture a été refaite de manière à garder une patine ancienne. Les premières impressions de conduite sont d' époque : « Ça flotte dans tous les sens, ça vibre, ça freine comme ça peut. » Mais la base est saine et Hugo décide d' engager l'auto au Tour Auto 2020, copiloté par son meilleur ami, Romain Grabowski, responsable de marque chez Motul. Passionné de vieilles autos, Romain a bossé avec méticulosité sur de nombreux détails de l'auto, peignant au pochoir les lettrages Motul vintage sur les ailes arrière de la Dolomites.

Evidemment, les jours de congés ne suffisent pas pour finir la voiture et la Dolomites ne sera prête que le vendredi précédent le départ. Mais les deux copains sont récompensés en passant les vérifications techniques sous les verrières du Grand Palais.

Les choses se corsent le mardi matin quand la Dolomites sort en premier du Grand Palais, en tant que voiture la plus ancienne et avec son dossard n°151 du plateau “Compétition”.

« L'angoisse a gagné Romain au bout de 500 mètres au moment où le câble de compteur (une refabrication) a cassé » , se marre Hugo. Mais le chemin jusqu' à Montlhéry est simple et Romain n' a pas emmené tout le convoi d' autos d' époque dans une mauvaise direction. Les deux compères font connaissance avec l'auto sur l'anneau de Montlhéry, puis sur l' autoroute pour se rendre à Magny-Cours. La Dolomites ronronne à 130-140 sans trop louvoyer. A Magny-Cours, Hugo commence à exploiter la gomme tendre de ses Michelin XAS FF en se tirant la bourre avec une Mini, regagnant en virage ce qu' il perd en ligne droite. « La voiture est incroyable. Plus on la bouscule, plus elle se montre efficace. » Après la spéciale sur circuit, Hugo confie l' auto à Romain sur une liaison pour qu' il apprécie les joies de la Dolomites. « Je fais très attention et je m' élance tranquillement, raconte Romain. Au bout de 20 minutes, je me sens plus à l' aise et je commence à prendre du plaisir quand le moteur explose d' un seul coup ! » Impossible de redémarrer le flat Panhard et l' équipage est dépanné vers la fin de l'étape pour un changement de moteur orchestré en moins de 2h40.

Après le Tour Auto avec une voiture à moteur Panhard 850 cm3, Hugo et Romain vont s'attaquer au Mans Classic.

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