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Walt et Art Arfons : Duel à Mach 1

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Walt et Art Arfons : Duel à Mach 1
© Bruno des Gayets
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C'est une histoire à la Burt Monro. Avec un lac salé, des engins diaboliques crachant des flammes, de grands enfants qui jouent à celui qui va le plus vite et une famille qui paie les pots cassés. Sauf qu'ici, la compétition se joue entre deux frères. Deux demi-frères pour être exact. Walt et Art ont néanmoins le même nom, Arfons, et vivent effectivement sous le même toit. Walt, qui voit le jour en 1920 est l'aîné de six ans de Art. Rien ne prédisposait les frangins à s'engouffrer dans cette passion dévorante qu'on ne peut vivre qu'à fond. Mais dès l'adolescence, ce qu'ils font, ils le font de la même façon, tous deux sont dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale, tous deux travaillent dans l'entreprise familiale de fabrication d'aliments pour animaux et l'un comme l'autre se passionnent pour la mécanique. Ils débutent en réparant des motos puis se lancent dans la construction d'avions. Et ce sont les avions qui vont, indirectement, les amener aux dragsters. Nous sommes en 1952. Ils se rendent à l'aérodrome. Ils n'arriveront jamais à leur avion ce jour-là, la route d'accès est bloquée par une course de dragsters. Pour les deux frères, c'est le déclic : ils vont construire leur voiture de course.

Mais pas n'importe laquelle. .. Leur première réalisation est un véhicule à trois roues sur base de tracteur embarquant un 6 cylindres d'origine Oldsmobile qu'ils recouvrent d'une peinture verte. Le speaker de la course, amusé devant le physique ingrat de l'auto, appellera le “Green Monster” sur la grille de départ. La lignée des Green Monster est née. Au bout de quelques années, Walt et Art découvrent qu'ils peuvent facilement se procurer des moteurs d'avion d'occasion pour pas trop cher. Il s'agit du Allison V-1710, un V12 de 1,7 l développant 1 250 chevaux. Pour la petite histoire, c'est le seul moteur, pendant la Seconde Guerre mondiale, à utiliser une architecture en V et un refroidissement liquide. On le retrouve dans le Bell P-39, le Curtiss P-40 et le Lockheed P-38. Mais il ne peut rivaliser avec les performances et la fiabilité des moteurs concurrents. L'industrie américaine a finalement recours aux moteurs Merlin de Rolls-Royce pour équiper ses avions de chasse. Ce qui n'empêcha pas l'Allison d'être produit à plus de 70 000exemplaires et de connaître une seconde vie comme moteur dans les hydravions, les F1 des mers. .. et chez les frères Arfons qui les utilisent en position centrale, juste derrière le pilote. Cette architecture, une fusée posée sur six roues, leur permet de dépasser les 270 km/h.

Le duel fratricide emmena les deux frères à des vitesses supersoniques

Mais le moteur pèse à lui seul plus de 700 kg. Leur dragster est trop lourd. Il manque donc d'explosivité au départ des runs et prive les frères des performances à la hauteur de leurs ambitions. Le succès d'estime est là, le look démesuré de Green Monster attire les foules à chaque rassemblement, mais Walt et Art restent sur leur faim. Est-ce ce manque de reconnaissance qui met à mal la relation de Walt et Art ?

Personne ne le sait vraiment. Après avoir vécu des années à se passer une clé à molette ou un café, les deux frères se séparent. La légende dit que quelque chose changea après Green Monster 11, que l'esprit de compétition disproportionné de Art n'y serait pas étranger. Toujours est-il qu'à partir de ce moment, chacun se met à construire son dragster dans son coin. L'ambiance n'est donc pas au beau fixe et le changement de règlementation, en 1959, achève de briser leur histoire commune. La NHRA (National Hot Rod Association) décide d'interdire les moteurs d'avion en compétition. La réaction des deux frères est diamétralement opposée, Walt jette son dévolu sur un Westinghouse J-46 et inaugure par la même occasion l'utilisation du turboréacteur à postcombustion en course.

Art quant à lui construit Green Monster 15, toujours propulsé par le moteur Allison, avec comme objectif de battre le record du monde de vitesse sur terre. Finalement, Walt s'engage aussi dans les records de vitesse. La rivalité entre les deux frères est à son apogée. Au cours des années suivantes, les frères s'affrontent dans la surenchère. En 1962, Art utilise un moteur J79, un turboréacteur militaire de F-104 développant plus de 8 000 chevaux, avec lequel il signe un record à 531 km/h (encore d'actualité aujourd'hui pour un véhicule ouvert). Qu'à cela ne tienne, Walt arrive avec son Wingfoot Express propulsé par un moteur de fusée. En octobre 1964, son dragster établit un nouveau record à près de 665 km/h. Malheureusement, Walt n'est pas au volant, il se blesse la main en déchargeant son engin à l'arrivée au Bonneville Salt Flats, c'est le pilote Tom Green qui prend le volant. Art le bat trois jours plus tard à près de 876 km/h, avant d'exploser son propre record, quelques semaines après, avec 928 km/h. Fidèle à sa réputation de compétiteur, Art ne lâchera jamais sa quête du record ultime, ni les crevaisons à pleine vitesse, ni l'arrêt de la compétition de son frère ne changeront la donne. Jusqu'en octobre 1971. Art se crashe à 480 km/h lors d'une exhibition au Dallas International Motor Speedway. Il est déclaré mort. En réalité, Art s'en sort mais il met cette fois-ci un terme à sa carrière et. .. retrouve son frère qui est à son chevet pendant ces moments difficiles.

Art disparaît en décembre 2007. Walt vit à Akron, dans le fief familial, jusqu'à sa mort en juin 2013. Soixante ans après leurs exploits, ces pionniers de l'utilisation de réacteurs d'avion sur la terre ferme laissent planer dans l'air un parfum de héros.

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