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Patrick Brunet : dans le rétroviseur

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Patrick Brunet : dans le rétroviseur
© Photos Götz Göppert - Illustrations Patrick Brunet
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Patrick Brunet a toujours dessiné, depuis sa plus tendre enfance, un moyen d' expression qui ne l' a jamais quitté, sans pour autant en faire son métier. La vocation d' artiste est souvent contrariée. Mais Patrick n' a jamais lâché l' affaire, habité par ce besoin, cette envie, cette obsession de jouer avec les volumes et les formes, un cheminement, jusqu' au moment où l' art s' impose à lui, en lui permettant de s' y consacrer pleinement, motivé par une rencontre avec le peintre Michel Lecomte « une révélation » , entretenant cette passion qu' il a su développer en autodidacte, au contact de contemporains comme Dexter Brown et Stanley Rose. Aujourd'hui, à 63 ans, ce Breton né à Fougères est un dessinateur qui compte, membre du collectif Artist' Auto qui regroupe, depuis 1996, une trentaine de créateurs partageant un même désir de croquer et d' interpréter l' automobile sous ses formes les plus variées, parfois décalées, ne craignant pas les sorties de route. « Même si chacun a sa technique et un style différent, nos rencontres sont enrichissantes car nous partageons nos expériences, et cette émulation pousse vers l' excellence » , avoue Patrick Brunet qui court les salons, de Rétromobile à Epoqu'auto et les rendez-vous prestigieux, de Goodwood au Mans en passant par Padoue et Bruxelles, pour soumettre ses travaux à la fine fleur des aficionados. C' est l' opportunité d' aller à la rencontre de son public, d' échanger, de disserter sur son art, d' expliquer avec pédagogie son approche. Si de prime abord, un œil expert appréciera la qualité d' exécution, évidente, il ne décèlera peut-être pas l' étincelle qui a mis le feu à l' imagination de l' artiste.

Patrick Brunet consacre entre 30 et 50 heures par dessin, déjà 300 en 25 ans

Pour Patrick Brunet, si le dessin est une finalité dans lequel il s' accomplit, chaque œuvre puise sa source entre voyelles et consonnes, quelques mots, phrases, citations de pilotes, passages de textes extraits d' une nouvelle, d' un récit, d' un roman, d' une interview, d' un article dont il se délecte, après s' être plongé avec curiosité dans ses archives ou dans la lecture de vieux magazines, comme l' un des 600 numéros de Sport Auto qui meublent sa bibliothèque. Il s' en explique : « Au départ, il y a la rencontre avec un texte, le plus souvent littéraire, puis les mots font écho à l' histoire automobile ; la dramatique d' une course, son aspect émotionnel, l' aventure humaine, l' esthétique d' une forme ou d' un détail de la voiture... » Patrick recueille méticuleusement dans des carnets - qui sont sa source d' inspiration première, dans lesquels il puise avec la certitude de faire bonne pioche - ces tranches de vie qui sommeillent, comme des grands crus prenant la poussière dans une cave, en attendant d' être ressortis de l' oubli. Des mots, qu' il retranscrit sur ses œuvres, empruntés à des personnages aussi différents que Ian Fleming, le papa de James Bond, Antoine de Saint-Exupéry, Pierre Fisson (Prix Renaudot 1948), Bob Dylan, Jack Kerouac, Bruce Springsteen... 

« Rien que pour A yrton Senna, j' en ai quarante pages, c' est une mine d' or. Au-delà du talent du pilote et de son élégance, j' aimais la façon particulière dont il s' exprimait, lorsqu' il évoquait la vitesse, son utilisation de la métaphore lorsqu' il disait qu' il se glissait dans sa monoplace comme s' il enfilait un manteau. » Sa phrase en tête, Patrick se met à l' ouvrage, porté par ces propos qu' il exprime, en guise de préambule : « Qui sommes-nous sinon une combinaison des expériences que nous avons vécues, des livres que nous avons lus, des films vus, des musiques écoutées. Nos vies sont des bibliothèques, des inventaires d' objets, d' émotions, un enchaînement d' éléments susceptibles à tout moment d' être réarrangés et interprétés de mille et une façon. » Démarre le temps de la construction et de la mise en scène, un premier croquis où Patrick Brunet assemble les éléments du puzzle en quête d' harmonie entre la représentation de l' homme et de sa voiture, multipliant les plans pour cerner sa personnalité. Pas économe de son temps ni de son art, il exploite la moindre facette de l' automobile, volant, planche de bord, pare-brise, rétroviseur, banquette, comme d' un écran ou d' un miroir pour dater et appuyer son témoignage. C' est subtil, il faut se plonger dans le dessin pour en déceler tous les contours. Et Patrick n' est jamais si heureux que lorsqu' il perçoit dans l' œil de son interlocuteur, l' éclair de compréhension, la portée de sa démarche, le sens de sa création. L' artiste utilise la mine de plomb et le crayon sanguine dont la couleur rouge terre est produite à partir de l' hématite, une roche contenant de l' oxyde de fer. Une technique avec laquelle il a trouvé son équilibre, après s' être essayé à l' aquarelle, la peinture à huile, l' acrylique. « Par rapport à la peinture, le dessin s' applique mieux pour raconter des histoires et illustrer un texte. » Patrick, dont Edward Hopper, Norman Rockwell, Andrew Wyeth sont ses référents, dessine en musique, son autre passion, avec le cinéma, qu' il restitue avec fidélité dans nombre de ses travaux. De la même manière qu' il s' attache à visionner plusieurs fois les films dont certaines scènes l' inspirent, afin de parfaitement capter l' atmosphère et les détails, Patrick se conditionne en écoutant les vinyles qui le plongent dans l' atmosphère du jour, alternant les Doors, les Stones, les Beatles, les Who, Led Zeppelin, Bob Dylan, Lou Reed, Neil Young, Patti Smith... De trente à cinquante heures de travail sont nécessaires à l' aboutissement d' un dessin (déjà 300 en un quart de siècle), pour des collectionneurs, parmi lesquels, la famille de Colin Chapman, une reconnaissance.

Un texte, une phrase, une citation, sert de déclencheur et de fil conducteur du dessin

Deux autres rencontres ont marqué Patrick Brunet : Pierre Bardinon « Dans les années 80, je suis souvent allé chez lui, au circuit du Mas du Clos pour dessiner ses autos. Je crois que je les ai toutes faites, 36 Ferrari, les plus belles, les plus rares. Nous avons partagé des moments inoubliables de convivialité » et Tom Wheatcroft, le propriétaire de Donington Park et d' une incroyable collection de 130 F1 « dont la Lotus 25, pilotée par Jim Clark, mon héros, dans laquelle j' ai eu la chance de m ' asseoir » . Patrick travaille à la commande, vend des originaux et diffuse également des digigraphies qui recouvrent l' étendue de son champ d' action : moteur de Porsche 917 et de Maserati 450 S, Bugatti 51, Lotus 72, Enzo Ferrari, Henri Pescarolo et la saga Matra, Gilles Villeneuve, Françoise Sagan et la Jaguar XK 120, James Dean et la Porsche 550, Steve McQueen, Bruce Springsteen, Jim Morrison, Robert de Niro, Romy Schneider, Jean Gabin et Lino Ventura, James Bond... mais aussi Mike Hailwood et la Honda 6, Giacomo Agostini et la MV Agusta, Jack Findlay.... La digigraphie est une épreuve (limitée à trente exemplaires numérotés, signés, avec certificat d' authenticité) réalisée par un atelier agréé sur un papier d' art certifié (format 75x60) avec des encres Ultrachrome TM. Patrick Brunet le dit : « Je m ' éclate à faire des choses que j' aime. »

Ses outils ? Mine de plomb et crayon sanguine

Chaque jour, il passe de la rêverie automobile à la réalité en prenant, après douze ans de vie commune avec une Porsche 356, le volant de son Alfa Romeo Giulietta de 1962 dont l' histoire est singulière : « Je l' avais achetée en épave en 1984 et je l' ai restaurée pendant trois ans, puis vendue à un ami qui l'a cédée à un collectionneur. Je l' avais perdue de vue... C' est un rituel, chaque jeudi, je vais prendre un café en dévorant La Vie de l' Auto et là, dans les petites annonces, je repère, grâce à ses spécificités, mon Alfa Giulietta à vendre, dans le sud de la France. Je l' ai donc rachetée en 2004 et restaurée une deuxième fois en 35 ans », raconte-il en souriant.

Encore un café et il sera temps, pour Patrick, de retrouver sa table à dessins en se remémorant la phrase d' un amateur éclairé : « Monsieur Brunet, vous avez réussi à restituer le bleu des yeux de François Cevert avec le rouge de votre sanguine. » Tout est dit.

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