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La jaguar type E à l'écran: Fauve qui peut

À défaut d'accéder au statut de star comme sa compatriote l'Aston Martin DB5, la Jaguar Type E peut se targuer d'une longue carrière à l'écran, au cours de laquelle elle fut en revanche souvent malmenée. Par Jean-François Rivière.

Modifié le Écrit par La Rédaction
La jaguar type E à l'écran: Fauve qui peut
Photos Alamy et DR
Résumé

La Jaguar Type E, malgré son élégance, a rarement brillé au cinéma où elle a souvent endossé des rôles secondaires ou singuliers, oscillant entre gloire manquée et transformations inattendues.

Sommaire
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Lorsqu'en 1962, Roger Moore se rend dans une concession Volvo à la demande des producteurs de la série Le Saint pour se renseigner sur le modèle P1800, la carrière de la Jaguar Type E prend déjà une tournure malheureuse. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir sollicité Jaguar concernant le prêt d'une berline MK X pour le tournage après que fut envisagée la E, mais cette dernière avait été jugée peu pratique pour que Moore saute à son volant avec l'élégance requise et de toute façon, Jaguar avait refusé de fournir un véhicule, prétextant ne pas avoir besoin de ce genre de publicité. Autres temps... Au cinéma, en ces swinging sixties, le public n'avait d'yeux que pour une autre Anglaise, la DB5 gadgétisée de 007. Encore une belle occasion ratée.

Si bien que sans être spécialement boudée par les producteurs, la Jaguar E ne connaîtra jamais la gloire à l'écran. Bien sûr, on se souvient qu'en 1997, dans sa première aventure, Austin Powers conduisait brièvement un cabriolet 4,2 litres surnommé Shaguar, une Type E aux couleurs de l'Union Jack qui a été proposée aux enchères en janvier 2025. On peut également citer la S1 3,8 litres de Louis de Funès dont le capot s'allonge démesurément dans Le Petit Baigneur (Robert Dhéry, 1968) et ce cabriolet S1 4,2 litres sorti de la route par la Dodge Challenger de Kowalski dans Point Limite Zéro (Richard Sarafian, 1971).

N'oublions pas d'évoquer les deux coupés S1 du héros de Danger : Diabolik! (Mario Bava, 1968), mais qui se souvient de ce nanar italien ? Et si l'on a aimé voir Peter O'Toole emballer Audrey Hepburn dans Comment voler un million de dollars (William Wyler, 1966), se rappelle-t-on que c'était à bord d'un cabriolet Type E S1 4,2 litres jaune ? La liste est longue de ces apparitions du félin à l'écran mais force est de constater qu'aucun de ces rôles n'a durablement imprimé les rétines.

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Photos Alamy et DR

Une Type E méconnaissable

Aucun, vraiment ? Pas si vite. En 1971, une bien curieuse Jaguar Type E va faire sensation dans le film de Hal Ashby, Harold et Maude, d'après le livre de Colin Higgins. On y suit l'étrange relation entre Maude, joyeuse septuagénaire incarnée par Ruth Gordon, et Harold, un jeune homme obsédé par la mort joué par Bud Cort. Lorsque la mère de Harold décide d'envoyer à la casse le vieux corbillard Cadillac de son fils, ce dernier va se rabattre sur le cabriolet 4,2 litres flambant neuf que vient de lui offrir Maude pour son anniversaire, et le convertir. .. en corbillard.

Certainement le traitement le plus saugrenu auquel ait été soumise la Type E, il a souvent été rapporté qu'il était l'œuvre du célèbre George Barris qui conçut nombre de véhicules pour le cinéma. « Il en avait seulement racheté les droits, explique le collectionneur Ken Roberts, mais c'est un artisan resté anonyme qui l'a construite en trois mois sur la base d'une 2+2 de 1967, pour environ 30 000 dollars de l'époque. » Lancée du haut d'une falaise de Mori Point, au sud de San Francisco, le corbillard Type E ne survivra pas au tournage mais Roberts, séduit par cette histoire, va décider en 2012 de faire construire sa propre réplique de la fameuse Jag.

« Je me suis dégoté un vieux coupé 2+2, raconte-t-il, puis il m'a fallu trouver des artisans à la hauteur. Hélas, la première équipe qui s'est penchée sur le projet s'est révélée très incompétente, et malhonnête de surcroît. En fin de compte, grâce au Club Jaguar, j'ai été dirigé vers des gens vraiment efficaces. Si le coût final a été astronomique, c'est en partie à cause de ce faux départ. » Après quatre années de travaux, le corbillard est enfin prêt et lorsqu'il s'installe à son volant, Roberts est étonné que les gens qui croisent sa Jaguar se souviennent encore du film et de cette incroyable voiture.

« Très souvent, les gens se souviennent de l'histoire, notamment grâce à l'immatriculation qui évoque le titre du film, HAR+MOD. C'est un indice évident. Mais honnêtement, je possède des voitures beaucoup plus voyantes. Cette petite Jaguar, c'est juste un petit camion avec des panneaux noirs. .. »

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Photos Alamy et DR

La Jaguar : la malmenée du cinéma

Un rien sinistre extérieurement, la Type E hérite d'un habitacle rehaussé par des capitonnages en cuir blanc et doublé de rideaux et des ornements chromés habituels de ce type de véhicules. Succès garanti pour Roberts lors des meetings auxquels il participe régulièrement, n'hésitant pas à prendre la route au volant de son corbillard.

« Question tenue de route, elle se comporte mieux que le roadster », précise-t-il, heureux de faire revivre cette voiture de cinéma, ne serait-ce qu'en réplique. Semée d'épaves, la carrière de la Jaguar E au cinéma est en effet une longue succession de maltraitances et d'accidents. Quand Jean-Paul Belmondo ne monte pas sur les trottoirs avec son cabriolet S1 dans L'Incorrigible (Philippe de Broca, 1975), c'est Roy Scheider qui fait exploser le sien dans Paiement cash (John Frankenheimer, 1986) tandis que John Wayne expédie un tueur et son coupé 2+2 au fond de la Tamise dans Brannigan (Douglas Hickox, 1975)...

Et que dire de la S2 4,2 litres d'Uma Thurman, mitraillée par des abeilles mécaniques dans la version cinéma de Chapeau melon et bottes de cuir (Jeremiah Chechick, 1998) ? Dans l'obscurité des garages, la nuit venue, combien de Jaguar Type E ont rêvé d'intégrer la panoplie de 007 pour prendre la place de cette fichue Aston Martin DB5 que l'on porte encore aux nues après soixante ans de présence à l'écran ?

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