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Daniel Arsham - Hublot : Sculptures horlogères

Publié le Écrit par Mamy Yves Ratsimbazafy
Daniel Arsham photo
© DR
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Londres, un soir d'été dans le magnifique jardin suspendu du Barbican center. Au milieu des femmes élégantes en robe longue et des hommes en costume, une casquette blanche soulignée d'une paire de lunettes rondes fumées et d'une barbe de trois jours. « Bonjour, je suis Daniel, enchanté. » Il sourit, gentiment. A un mot agréable pour chacun, ses amis artistes, tatoués, la presse venue en nombre, Frédéric Arnault, PDG de la division horlogère de LVMH ou Ricardo Guadalupe, le président d'Hublot.

Artiste contemporain protéiforme, Daniel Arsham s'est fait connaître du grand public il y a quelques années lorsqu'il a mis en vente ses multiples en direct à prix fixe sur eBay. En quelques minutes, plusieurs centaines d'exemplaires de ses sculptures se sont évaporés à travers le monde, provoquant même un blocage du célèbre site.

Aujourd'hui, il présente un ovni horloger, une montre de poche baptisée “the ocean droplet”, qui encapsule en quelque sorte tout son travail. Un objet très surprenant produit avec la maison Hublot. « Pour moi, le passage du temps est une sensation très curieuse, confie l'artiste.

« Pour moi le passage du temps est une sensation très curieuse »

Un moment physique peut être très fugace ou durer des heures, mais une émotion, un souvenir, transcende le passage des secondes, des minutes, des heures et des jours. (…) Quand j'avais 20 ans, j'ai travaillé pour un chorégraphe de danse pendant 5 ans. En regardant les performances, il parvenait à comprimer le temps ou à l'étirer. J'ai alors commencé à réfléchir à la perception des visiteurs pendant une exposition. Il faut organiser un parcours, comme un voyage. C'est ainsi que j'ai travaillé sur la géologie, l'archéologie. (…) Le temps est très présent dans mon travail. J'ai déjà fait des sculptures de pendules qui rentrent dans des murs. Et l'idée de la temporalité ou celle de son absence sont intégrées dans de nombreuses œuvres. » La fulgurance de la carrière d'Arsham et sa persistance, contrairement à ses sculptures représentant des vestiges archéologiques, elle, ne connaît aucune érosion. Un phénomène rare. En 2003, Arsham, qui a étudié à Cooper Union à New York, se voit remettre le Gelman Trust Fellowship award et le GNMH award qui attirent l'attention du petit monde de l'art contemporain sur lui. Depuis, il décolle, et devient l'un des artistes les plus courus et les plus chers, exposant dans le monde entier, de Paris à Shanghai (2018) ou Tokyo. Il collabore avec Porsche, Kim Jones (Dior) ou encore la Pokemon company, et est représenté notamment par Emmanuel Perrotin. Arsham se fait connaître pour son archéologie mythique contemporaine qui consiste à aborder des objets et des symboles familiers et à les éroder pour leur donner un nouveau sens, une nouvelle dimension. Il crée des reliques du futur en imaginant, comme dans une démarche originale d'art-fiction, le devenir des choses qui comptent pour l'époque et nous environnent. La sculpture, la peinture, le film, les installations de Daniel Arsham sont généralement assez imposants. Sur le fond, sur la forme, ou les deux.

« Un clin d'œil aux racines de l'horlogerie dans les Alpes suisses »

Fréquemment, il a exploré la notion du temps dans son travail qui repose sur le principe d'une architecture des objets future : dans quel état seront les objets iconiques de notre époque lorsqu'ils seront érodés et que des générations futures découvriront enfouies une Porsche 911, un appareil photo ou un Pokemon ? Ses séries, connecting time ou ses projets à Hong Kong pour Hourglass ont été autant de tentatives de dresser des ponts entre les générations et d'entamer un dialogue sur les vestiges et l'effet du temps. « Le temps est un élément critique à la fois pour Hublot et dans le travail de Daniel Arsham, explique Ricardo Guadalupe, le CEO d'Hublot. C'est l'essence de ce que nous faisons dans notre Maison, et un thème central dans le travail de l'artiste. L 'idée était d'inviter à réfléchir aux croisements entre l'art horloger et l'art, ainsi qu'aux liens éternels qui existent entre le savoir-faire et la création. » Pour bien démarrer la collaboration avec Hublot, l'artiste conçoit en 2023 une œuvre de snow art baptisée Light & time en forme de cadran solaire de 20 mètres de diamètre à Zermatt, sur les pentes sur Schwarzee à 2 853 mètres d'altitude. Une manière de clin d'œil aux racines de l'horlogerie dans les Alpes suisses, au travail artisanal de la manufacture Hublot, et au passage du temps. En son centre, on retrouve un cristal taillé, élément décisif de nombreuses séries récentes de l'artiste, qui donne l'heure en fonction de l'ombre que projette le soleil. Le cadran, qui reprend la grammaire du design de la marque, intègre les fameuses vis reconnaissables de la lunette de la Big Bang. « Hublot possède une approche audacieuse de l'horlogerie, du design, et du savoir-faire, explique Daniel Arsham. J'aime la façon dont ils processent les idées, les influences et les matériaux. Cette idée de fusion est l'un des plus beaux projets de l'horlogerie contemporaine, je suis fier d'y être associé. » Le travail des matériaux, l'alchimie, c'est une partie importante du travail de l'artiste. Ce qu'il a aimé chez Hublot c'est leur maîtrise du cristal de saphir et du titane. « J'utilise le cristal, comme référence à la géologie… poursuit Arsham . J'aimais bien l'idée de jouer avec le saphir des montres qui, lorsqu'il sort des usines, est une sorte de blob, devient ensuite quelque chose de technique, de scientifique . » Pas question pour autant de faire une montre. « Je voulais faire une pendule, souligne Arsham . Murale ou de bureau. Mais le problème c'est qu'il n' était pas possible de produire des cristaux à cette échelle . » Les allers-retours entre l'atelier de l'artiste et les équipes de développement de Hublot vont durer trois ans. C'est en s'inspirant de l'histoire de l'horlogerie que Daniel Arsham imagine de revisiter la montre à gousset, en pensant à la façon dont l'objet se tient dans la main.

« C'est un retour au passé de l'horloger, mais avec un objet futuriste dont la référence se situe au XIXe siècle. L 'objet flotte dans le temps, il pourrait être d'un temps ou de l'autre. Et c'est le sens de mon travail. J'essaie de faire des choses qui n'ont jamais été faites. Sinon à quoi bon ? Je travaille avec les marques pour leurs capacités, pour produire des choses que j'aurais eu envie de faire moi-même. » Sa montre de poche pour Hublot qu'on croirait inspirée par le dessin aléatoire des gouttes d'eau sur une vitre est particulièrement réussie, notamment quand elle prend la lumière. Quand on la tient dans la main, elle est assez lourde, bien trop pour une montre de poignet, mais il faut l'imaginer à la ceinture ou également en pendentif au bout d'une chaîne elle aussi dessinée par Arsham. Ni symétrique, ni rond - une première pour Hublot -, cet ovni a nécessité la mise au point d'un système de clip perfectionné, en titane. Un travail “total”, incluant aussi un socle pour la table de nuit façon “loup”, et le packaging soigné et conçu comme une boîte à bijoux. En tant qu'artiste, Arsham considère que son travail n'est pas de produire des objets usuels, que son rôle est très différent, consistant à produire des choses qu'il veut voir exister dans le monde.

« L'objet pourrait être d'un temps ou de l'autre, c'est le sens de mon travail. J'essaie de faire des choses qui n'ont jamais été faites »

« Cette pièce extraordinaire est une manière d'hommage aux synergies entre nos techniques d'avant-garde et le génie sculpteur de Daniel Arsham, conclut Guadalupe . Elle offre bien plus que des fonctionnalités, il s'agit d'une rencontre transcendante entre la forme et le temps. »

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