Rünge R2 : Rêve d’alu

Pour la R2 signée Rünge Cars, tout a commencé avec un dessin de Christopher Runge himself. Le créateur au talent rare a puisé dans un mix d'inspirations, entre un prototype du Mans exotique et une voiture qu'on pourrait presque imaginer dans un cartoon, pour un projet qu'il voit comme une ébauche de ce que pourrait être sa première supercar. Tout un programme, quand on connaît la lignée de voitures déjà sorties de l'imagination et des mains de l'Américain. Tandis que la R1 lorgnait plutôt vers un mélange entre Audi TT et R8, ici, on regarde plutôt vers l'époque des Auto Union, des streamliners d'avant-guerre mâtinés d'un soupçon de voitures de course modernes, voire de l'Avus Concept signé Audi. « Beaucoup de constructeurs font des revivals mais pour moi ça ne marche pas. Je cherche à prendre de l'inspiration, trouver un look futuriste mais qui pourrait être situé dans le futur comme dans le passé, qui fait honneur au futur comme au passé. Ici, les roues jouent un grand rôle. Avec d'autres roues, l'auto pourrait avoir l'air de venir des Fifties, explique Chris. Il faut que ce soit beau, mais que cela fonctionne et parle à tous les sens. Je suis très heureux du résultat. Les gens l'adorent ou la détestent. Si tout le monde l'aimait, ce serait juste mondain. Le vrai art attire la controverse. » C'est cette alchimie justement qui a su séduire pour la deuxième fois un client tombé amoureux de ses autres créations et devenu très fidèle. Il souhaitait quelque chose de plus puissant, moderne, confortable aussi. Chris lui a montré les ébauches de la R2 et en voyant le concept, il n'a pas pu résister. Chris avait déjà une vision très claire du projet et le client l'a laissé construire l'auto comme il souhaitait, préservant la liberté de l'artiste. Il a juste demandé à changer quelques petites choses, surtout pour ce qui concerne la fonctionnalité et à ajouter un petit aileron arrière façon Audi TT. Durant les trois ans de travail qui ont été nécessaires pour mettre au monde cette R2, le client est venu régulièrement voir l'avancée des travaux. Un grand passionné qui vit en Floride, où se trouve sa collection de Porsche et de voitures anglaises d'après-guerre. Ce gentleman driver habitué aux “club races” a vendu sa première McLaren pour acheter sa première Rünge (prononcer “Reungi”), la FF008. 

Il a désormais sa R2 depuis six mois et reste toujours en contact avec Chris. « Beaucoup de gens disent qu'une telle auto n'est jamais finie. Ils adorent le côté prototype, y apporter des améliorations, ainsi la voiture vit ! », explique son créateur. « Je cherche un look futuriste, mais qui pourrait être situé dans le futur comme dans le passé. » La base technique de cette R2 est autrement plus moderne que sur les réalisations précédentes. Christopher a dû apprendre à travailler avec cette matière technique nouvelle pour lui. Pourtant, au départ du projet, il n'avait pas de châssis particulier en tête. Il a cherché différentes bases de Porsche et a trouvé un atelier spécialisé dans les voitures de course basé dans l'Indiana (Special Edition, de Carey Hines) qui faisait des 904 à sa sauce avec des matériaux modernes et une structure monocoque à base de tubes d'acier. Un designer et artiste de sa connaissance, Alberto Hernandez, est parti de ses sketches pour leur donner un aspect bien plus réaliste et voir si ça collerait avec le châssis choisi, avec un empattement de 91,5 inches. Le moteur est un 3.6 refroidi par air naturellement, datant de 1995 (Porsche 993). Le magnifique collecteur alu spécifique arbore le logo Rünge avec fierté. La gestion moteur est confiée à Motec, mise au point sur un drag strip - difficile de faire plus américain ! Pour la bande-son, l'échappement Fabspeed sonne très racing, à la limite de ce qu'on peut supporter sans bouchons d'oreilles, dixit son créateur. L'ensemble des améliorations a permis de gagner une trentaine de chevaux, portant la puissance à 315 chevaux, pour à peine plus de 800 kg sur la balance. La boîte 5 permet une vitesse de pointe théorique d'environ 260 km/h, mais son géniteur ne s'est pas aventuré jusque-là : « Je n'ai pas de terrain d'essai dédié et je l'ai emmenée en test à 125 MPH (environ 200 km/h Ndlr) , ce qui est déjà au-delà des limites. » À propos des vitesses prohibées, en plus des propriétés naturelles de réflexion des ondes permises par la carrosserie aluminium brut, l'heureux propriétaire US de l'auto a pensé à intégrer de petits brouilleurs de signal dans les blocs des projecteurs. C'est ce qui s'appelle rouler sous les radars. 

Après des gabarits en carton puis en bois, c'est une structure en cage métallique qui donne un aperçu de l'allure de l'auto avant que Chris ne sculpte la carrosserie. Il a dû modifier la structure tubulaire au niveau du toit pour renforcer la sécurité et laisser une garde au toit suffisante, même après avoir abaissé les sièges au maximum. Avec la forme arrondie de la carrosserie, il a pensé un système de pivot spécifique pour accompagner le mouvement d'ouverture des portes. Il a aussi changé l'emplacement de la batterie pour améliorer l'équilibre des masses ainsi que le système de lubrification, et a construit un réservoir sur mesure, placé sous le tableau de bord. Le shakedown a révélé aussi quelques améliorations à faire. Dans les virages en appui, il y avait des odeurs d'essence, il a dû trouver un bouchon spécifique utilisé sur des protos de course. Il a raffiné aussi l'équilibre de la suspension et sa hauteur, le tuning du châssis, la ventilation du cockpit, les réglages moteur. Et les sensations sont bien là : « C'est le prototype de course le plus extrême que je puisse imaginer », confie Chris. Une chose est sûre, cette auto sait prendre la lumière. Lorsque son fier pilote l'a emmenée à des rassemblements chez lui en Floride, les clubs Porsche ont commencé à se plaindre de l'attention portée à elle, à l'exclusion des autres (magnifiques) modèles. Voilà donc une nouvelle création partie chez son nouveau propriétaire. « La voiture, je ne peux pas en profiter vraiment, c'est beaucoup de travail, la satisfaction est surtout permise par le feedback des clients, explique Chris. Ma première voiture, je l'ai faite pour moi. J'espère qu'un jour j'aurai le temps de me refaire une voiture pour moi. » Les années à venir semblent indiquer le contraire : très prolifique, Chris travaille maintenant sur une nouvelle RS coupé et un projet combinant Shelby Daytona coupé, Ferrari 275 GTB et 250 GTO, un soupçon d'Aston Martin et de XKE, avec des proportions promises comme dingues. Il faudra attendre cet été pour en prendre la mesure. Chris change d'élément en parallèle avec son projet de Superflyer à la façon de Howard Hugues, un bateau rapide en bois et aluminium sur une base des années 20. Autant de projets uniques à découvrir bientôt.