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BMW 3.0 CSL – Alexander Calder : A la source des « art cars »

Publié le Écrit par La Rédaction
BMW 3.0 CSL – Alexander Calder : A la source des « art cars »
© DR et Archives Grand Tourisme
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Avouons nos faiblesses. C'est vrai, nous cherchons la moindre occasion pour souffler des bougies. En voilà une bonne : il y a pile un demi-siècle, naissait la BMW 3.0 CS. On l'aime bien la 3.0 CS. Certes, elle n'est pas un monument majeur de l'histoire du style, mais les icônes sont rares chez BMW. Il y a beaucoup de grandes routières efficaces, une palanquée de berlines de caractère, mais peu de véritables chefs-d'œuvre. En dehors des 507, 3200 CS et M1 qui ont des attributs de grandes classiques, le catalogue de BMW est surtout composé d'une litanie de bourgeoises plus ou moins délurées. Bref, le moindre coupé qui surgit dans la chronologie nous interpelle. À ce titre, la lignée des coupés qui portent la référence interne “E9” mérite une mention spéciale. Cette série a été initiée en septembre 1968 pour prendre la succession des 2000 C et CS. Elle est apparue d'abord sous la forme de la 2800 CS (170 chevaux) puis fut suivie de la 3.0 CS (180 chevaux) en avril 1971, la 3.0 CSi (200 chevaux) en septembre 1971, la 2.5 CS (150 chevaux) en avril 1974 (150 chevaux) et enfin la 3.0 CSL (180 puis 206 chevaux) en mai 1971. Le style est net et les proportions parfaites, le rapport entre vitrages et surfaces peintes est idéal et la distribution des chromes est judicieuse. Le profil s'organise autour d'une ligne rectiligne qui ceint toute la voiture en nous rappelant la pertinente Corvair.

Mais la BMW 3.0 CS ne bénéficierait pas de son aura si elle n'avait pas été sublimée par le génie d'Alexander Calder. Aux 24 Heures du Mans 1975, une sculpture multicolore fend la nuit. Un faisceau de comètes bleues, rouges et jaunes, peint par Alexander Calder sur une coque de BMW 3.0 CSL, anime le bolide rugissant que se partagent Jean Guichet, Sam Posey et Hervé Poulain. Amateur de vitesse et professionnel de la beauté, Hervé Poulain eut l'idée superbe de fondre ses passions en faisant peindre des voitures de course par les artistes les plus significatifs de son temps. Au milieu des années 1970, Hervé Poulain, jeune commissaire-priseur passionné de sport automobile et pilote amateur, imagina de concilier ses deux passions : l'art contemporain et la compétition. Il rêvait de conduire aux 24 Heures du Mans une voiture dont la carrosserie serait entièrement peinte par un artiste de renommée internationale. Aux 24 Heures du Mans 1975, une sculpture multicolore fend la nuit... Pour Hervé Poulain, le choix de Calder s'imposait. Né en 1898 à Philadelphie, Alexander Calder commença par suivre des études d'ingénieur, mais l'atavisme familial prit vite le dessus. Fils et petit-fils de sculpteurs, il réalisa une quinzaine d'objets motorisés qu'il présenta chez la galeriste Marie Cuttoli en 1932. Aussitôt contacté, Alexander Calder accepte de jouer le jeu. Reste à trouver le constructeur qui mettra une automobile de course à sa disposition pour que l'artiste s'exécute. L'intermédiaire se nomme Jean Todt, alors copilote en rallye. Il met en relation Me Poulain avec Jochen Neerpasch, directeur de BMW Motorsport et amateur d'art. Celui-ci accepte d'emblée de relever le défià condition que la 3.0 CSL peinte par Calder revienne à BMW après la course. Le Dr Horst Avenarius, autre amateur d'art impénitent et directeur de la communication de BMW, s'enthousiasme aussi pour le projet. Hervé Poulain approche l'artiste qui partage son temps entre New York et Saché, en Touraine.

Jean Davidson, gendre de Calder et ancien pilote aux 24 Heures du Mans sert de médiateur. Le projet prend forme dans l'atelier tourangeau de Calder. Les premiers dessins sont esquissés sur un jouet. Puis une maquette plus précise, à l'échelle 1/5 est fournie par BMW. « Bon, je vais la peindre maintenant ; il ne faudra rien changer après » , exige-t-il d'Hervé Poulain. De ce modèle réduit, il faudra transposer les choix de l'artiste sur le vrai prototype. La première Art Car est officiellement dévoilée au Musée des Arts décoratifs le 29 mai 1975. Quelques semaines plus tard, aux 24 Heures du Mans, la BMW se montre rapide et se hisse en cinquième position. Hélas, pendant la sixième heure de course, le mobile de Calder, victime de son embrayage, devient un stabile. La BMW restera l'une des dernières œuvres importantes de Calder qui s'éteint l'année suivante à New York. D'autres BMW suivront : le coupé 3.0 CSL peint par Frank Stella (1976), la berline 320 signée Roy Lichtenstein (1977), puis la berlinette M1 barbouillée avec rage par Andy Warhol (1979). Les années suivantes, BMW poursuit la série avec Robert Rauschenberg, Cesar Manrique, David Hockney, A.R. Penck et bien d'autres, mais l'esprit n'est plus du tout le même. Ces voitures-là ne sont pas exacerbées par la vitesse, ces mobiles ne sont pas exaltés par le supplément d'émotion distillée par la compétition et dramatisée par le risque. En août 2021, la BMW de Calder a une nouvelle fois été placée sous les projecteurs avec la réalisation d'une “épreuve d'artiste”. Cette 3.0 CSL rigoureusement semblable à celle signée par Calder a été exposée à la Neue Nationalgalerie, à Berlin, à l'occasion de l'ouverture de l'exposition “Alexander Calder : Minimal / Maximal”. Ensuite, l'épreuve d'artiste a été exposée les 18 et 19 septembre 2021 à Bridgehampton avant d'entamer un tour du monde. Avant d'entrer au musée, la BMW 3.0 CSL sublimée par Alexander Calder s'est illustrée au Mans en 1975.

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