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Anthony Beltoise, le fils de Jean-Pierre raconte : François Cevert intime

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Anthony Beltoise, le fils de Jean-Piierre raconte : François Cevert intime
© Amaury Laparra et Archives
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Les contemporains de François Cevert, pilote emblématique des années 60-70, ne sont plus si nombreux pour raconter ce qu'ils savent de son histoire, incroyable et si tragique. Celui qu'on appelait dans le milieu le Petit Prince étonna et bouscula le monde de la compétition automobile durant sept trop courtes années. Il devient pilote automobile contre l'avis de sa famille qui voyait dans cette profession « une occupation de milliardaire ou de gigolo ». Soigneusement éduqué dans une famille bourgeoise, pianiste accompli, gendre idéal..., il se fiche de tout ça et choisit de courir. Du Volant Shell qu'il remporta en 1966 (à 22 ans) aux essais du Grand Prix des USA en 73 où il devait voir sa trajectoire stoppée par un stupide accident lié à une défaillance mécanique de sa Tyrrell, il fut une comète éblouissante. 6 octobre 1973. Watkins Glen USA, dernier Grand Prix de la saison de Formule 1. Alors que Jackie Stewart, le pilote numéro 1 de l'écurie Tyrrell avait déjà empoché son titre de champion à Monza et comptait prendre sa retraite à 34 ans, François se bat pour la pole position face à Ronnie Peterson. Dans un enchaînement très rapide, il est déporté violemment vers les barrières de sécurité. Il meurt sur le coup. Stewart, un des premiers sur les lieux de l'accident déclarait alors : « Ils l'avaient laissé dans la voiture, car il était clairement trop tard. » L'écurie se retirera de ce Grand Prix qui devait être la 100ème course de Stewart. La France est en deuil, son champion promis est parti trop vite, trop tôt. En 73, Anthony Beltoise, fils de Jean-Pierre et neveu de François Cevert par sa mère a alors deux ans. Autant préciser, comme il le fait le jour de notre rencontre : « Je n'ai pas de souvenir de François. Tout ce que j'en sais et ce que j'ai appris sur lui m'est venu par ma mère, sa sœur. Mais je suis devenu, au fil du temps, l'un des seuls héritiers avec mon frère, des archives soigneusement réunies sur lui, par ma maman sans aucun doute. » Et de nous ouvrir généreusement les tiroirs aux souvenirs dans lesquels nous plongeons avec plaisir. Coupures de presse, photos prises dans les paddocks ou sur les grilles de départ, dans les soirées où il était fréquemment convié..., une valise s'ouvre, remplie de souvenirs rapportés de ses voyages, de quelques médailles remportées lors des débuts de sa carrière, des trophées..., les éléments d'une vie dont nous n'avons plus qu'une vague idée.

« Je suis très émotif, je me demandais pourquoi moi ? Et si j'allais être à la hauteur. » François Cevert C'est vrai qu'il était d'une beauté troublante ce jeune et talentueux pilote. Un visage de playboy, de grands yeux bleu clair qui donnent à son regard un magnétisme profond derrière lequel se dissimule mal une certaine timidité accompagnée de quelques angoisses qu'il confessera un jour au micro d'une radio lors d'une interview donnée à propos de son engagement dans l'écurie championne du monde grâce à Jackie Stewart et du coup de téléphone qu'il reçut de Ken Tyrell lui proposant un volant. Nous réécoutons la cassette enregistrée à ce moment-là : « C'était vraiment un moment très spécial. Pendant 24 heures, entre le moment où j'ai raccroché avec Ken et où je suis arrivé chez lui, je n'ai pas cessé d'y penser. C'était curieux cette sensation que je ressentais très fortement car je suis très émotif. Je me demandais pourquoi moi ? Et si j'allais être à la hauteur. » La suite prouvera que le choix était bon. Sa victoire en 1971, dès sa première saison chez Tyrrell, au Grand Prix de Watkins Glen, et sa troisième place au général à l'issue de la saison en furent les preuves éclatantes. En 1973, sur la Tyrell 006, il obtiendra deux podiums sur douze courses et la sixième place au championnat. L'histoire ne dira jamais s'il aurait pu être champion du monde mais beaucoup s'accordent à le penser. Anthony Beltoise, son neveu, lui aussi tombera vite dans la passion automobile. Suivant un parcours moins fulgurant mais de longue durée, il a obtenu quelques belles victoires. Il nous en parle et aussi de ses débuts : « Mon histoire familiale ne jouait pas en ma faveur. Maman avait perdu son frère. Et mon père (NdR : Jean-Pierre Beltoise) ne souhaitait absolument pas me voir me lancer dans la compétition automobile, ni mon plus jeune frère Julien d'ailleurs. J'ai même appris plus tard que lorsque je le sollicitais pour qu'il fasse intervenir une de ses connaissances, il appelait ensuite la personne pour lui dire de ne pas trop m'aider à obtenir ce que je voulais. Il craignait pour nous sans doute et était trop conscient des dangers vers lesquels nous étions attirés. « Mon père disait que dans ce milieu, il y avait beaucoup d'appelés et peu d'élus, que la victoire en course n'était pas seulement liée au talent d'un pilote... » Anthony Beltoise.

Pourtant nous avions passé notre enfance près de lui qui nous emmenait régulièrement dans ses voitures, rouler très vite sur les routes de campagne, nous prodiguant au passage de précieux conseils. Ils disait aussi que dans ce milieu, il y avait beaucoup d'appelés et peu d'élus, que la victoire en course n'était pas seulement liée au talent d'un pilote ou aux performances d'une voiture. Bref, il a fallu que je me débrouille. J'ai quand même eu le droit de m'inscrire au volant Elf à Magny-Cours parce que j'avais eu mon bac. » Volant Elf qu'Anthony, génétiquement programmé pour la gagne, remportera en 1992. Il devient pilote à part entière dès 1993 et court en championnat de France de Formule Renault. Ce sera ensuite la Formule 3, avec un titre de vice-champion en 1996. Après un passage en Formule 3000, il s'oriente vers les Sport-Prototypes, puis la coupe Clio V6, catégorie dans laquelle il remporte les 24 Heures de Spa en 1999. S'ensuivront les championnats FFSA GT puis la Porsche Carrera Cup, qu'il gagnera en 2005 et 2008, quelques victoires donc mais jamais suffisantes pour accéder à la catégorie reine, la Formule 1. Il en parle : « J'ai commencé vraiment trop tard pour pouvoir prétendre à cette catégorie. Je n'ai pas fait de compétition de karting, je n'ai pas suivi les filières obligées. Mon père ne voulait pas m'engager là-dedans. Donc, si je n'ai jamais décroché de ma passion pour la compétition automobile et pour le pilotage, je n'avais pourtant pas les bonnes armes et le bon parcours. Être le fils de… ce n'est pas toujours une bonne affaire. » Anthony n'est cependant pas en reste à propos de belles autos. Si vous vous y intéressez un peu, il ne vous aura pas échappé que le garçon est essayeur-vedette pour l'émission Automoto de TF1 et que souvent le dimanche matin on le voit tester les hypercars les plus huppées. Sinon, il gère le circuit école de Trappes que son papa avait créé il y a fort longtemps et donne en ces lieux quelques précieux conseils aux pilotes amateurs. Une vie bien remplie par la passion automobile qu'il a su partager avec nous lors de cette rencontre, très amicale.

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