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Robert Opron : Le précurseur

Publié le Écrit par La Rédaction
Robert Opron : Le précurseur
© Archives Grand Tourisme
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Robert Opron s'est éteint le 29 mars dernier à 89 ans. À vrai dire, sa disparition n'a pas fait grand bruit dans le milieu volontiers narcissique du design qui a tendance à vite oublier ses pères fondateurs. Il était pourtant une figure importante dans l'histoire de l'automobile française. Pour les oublieux, il convient de retracer le parcours de ce personnage singulier qui a fait basculer successivement Citroën puis Renault dans une ère nouvelle. Né en 1932 à Amiens, Robert Opron étudie à l'école des beaux-arts de sa ville natale avant de gagner la capitale pour poursuivre ses études artistiques et y décrocher un diplôme d'architecture. Il est aussitôt sollicité par la Compagnie Nationale des Sucreries de Ham, dans la Somme, pour laquelle il trace les plans d'un nouveau bâtiment. Puis le hasard le mène chez Nord Aviation où il dessine des cockpits et divers composants techniques. Mais Robert Opron a un rêve secret : dessiner des voitures ! En 1958, il est engagé chez Simca, la seule marque française qui dispose alors d'un studio de création organisé sur le modèle américain. Les premiers travaux que l'on confie à Robert Opron sont modestes : un logo et des enjoliveurs pour la Chambord... Jusqu'au jour où le Journal de Tintin le sollicite pour dessiner “la voiture de l'avenir”. Robert Opron se prend au jeu, il imagine un projet futuriste inspiré par l'aviation. Il le baptise Fulgur et arrive à convaincre sa direction de réaliser une maquette de sa Fulgur. La revue Science & Vie relaie l'information et Simca expose la Fulgur au Salon de Genève, en mars 1959. À l'image des Américains, Simca s'offre une utopie qui accumule les déclarations d'intention : moteurs électriques, radars, cerveau électronique, alimentation par induction, roues avant escamotables, gyroscopes assurant l'équilibre de la voiture quand les roues avant s'escamotent au-delà de 150 km/h (sic), cockpit vitré, dérive en “V” à la manière du Fouga Magister ! Grâce à ce coup d'éclat, Robert Opron est de plus en plus respecté chez Simca.

On lui confie l'adaptation de la Chambord présidentielle, décapotable, pour le général de Gaulle. Après deux années passées chez Simca, Robert Opron entre chez Arthur Martin pour qui il crée différents appareils ménagers et équipements de salle de bain. L'expérience est brève, mais fructueuse. En fréquentant les créateurs de son temps, Robert Opron a été l'un des premiers à ouvrir le design auto sur d'autres univers. En 1962, Robert Opron répond à une petite annonce sibylline publiée par Citroën. Il se rend au bureau d'études qui se trouve rue du Théâtre, dans le XVème arrondissement de Paris. « C' était un environnement noir et crasseux. Il y avait un petit gourbi et, derrière, un local avec une table bancale et une chaise », se souviendra Opron quelques décennies plus tard ! Il rencontre Flaminio Bertoni dans ce décor peu avenant, le génial Bertoni qui règne sur le style Citroën depuis les années 1930. Robert Opron devient son adjoint au bout de quelques mois. Les deux hommes ont en commun une formation d'architecte, une âme d'artiste, un caractère bien trempé et un irrépressible goût pour les sardines écrasées dans la purée, relevées d'un trait de vinaigre. Les deux hommes partagent aussi une petite taille avec les moqueries et les complexes qui l'accompagnent. En 1964, Robert Opron assure la succession de Bertoni et poursuit son œuvre avec talent et fidélité. De ses années passées aux beaux-arts, il a gardé un sens inné du dessin. Il esquisse lui-même la nouvelle physionomie de la DS avec les quatre phares profilés. Puis il dirige le développement des SM (1970), GS (1970) et CX (1974). En 1975, Robert Opron change de décor et de culture. Il prend en charge le Centre de Style de Renault à Rueil-Malmaison, il le transforme et lui donne une tonalité plus internationale et plus flamboyante. Il consulte Marcello Gandini et Giorgetto Giugiaro, les stars montantes du design automobile, puis il élargit son champ d'action à des designers de produits ou de mobiliers, tels que Terence Conran, Marc Held, Mario Bellini, Olivier Mourgue, le coloriste Jean-Philippe Lenclos, ou le peintre Philippe Morisson. À la même époque, le département Art & Industrie est rattaché au Centre de Style. Curieux de toutes les influences, Robert Opron s'ouvre aux arts majeurs comme aux arts appliqués.

Mais dans la vie quotidienne de l'entreprise, au lendemain des chocs pétroliers, Robert Opron, toujours abrité derrière son nœud papillon, doit se replier sur un conformisme prudent. La Renault 12 cède la place à une 18 sans saveur. La prémonitoire 14 est remplacée par une 9 consensuelle. La 16 passe le relais à une 30 sans imagination. Il soutiendra le beau projet de Michel Jardin qui va donner naissance à la Fuego après avoir été dénaturé par des contrôleurs de gestion castrateurs. De Citroën à Renault avec une incursion remarquable chez Alfa Romeo, Robert Opron a été un acteur essentiel du design. En 1984, Robert Opron quitte la Régie Renault et laisse son fauteuil à Gaston Juchet qu'il avait évincé neuf ans auparavant. Après une parenthèse pendant laquelle il supervise la progression de jeunes designers, il part à Turin pour diriger un groupe de recherche au sein de Fiat. Cette cellule mise en place en 1986 est chargée du développement du programme ES-30 qui débouchera sur les Alfa Romeo RZ et SZ. Après quatre années passées chez Fiat, Robert Opron revient en France et travaille à son compte. Notamment pour Guy Ligier, qu'il avait connu à l'époque de la Citroën SM dont les derniers exemplaires avaient été assemblés chez Ligier à Vichy. En 1991, Robert Opron fonde la société Opron Consultants et, dès l'année suivante, il prend officiellement sa retraite. Il dénoue son nœud papillon tout en gardant un regard pertinent sur l'industrie automobile.

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