S'abonner

Franck Allard - J2 Compétition : Racer d’art

Publié le Écrit par La Rédaction
Franck Allard - J2 Compétition : Racer d’art
© David Marvier
Couverture complète sur mise-en-avant

Il n'est pas donné à tout le monde de posséder une superbe automobile, comme celle qui faisait 3 ème aux 24 Heures du Mans en 1950... et qui porte le même nom de marque que son propre patronyme. C'est cependant ce qui arrive à Franck Allard, créateur de la compagnie d'assurance AMV. Une auto Allard ? Oui, cela existe. Histoire rapide. Sidney Allard, à l'âge de 19 ans, ouvre un garage Ford en Angleterre. Il est pilote et associe un châssis Bugatti à une mécanique V8 Ford en 1937. Il fait la course quand il n'est pas à l'établi. En 1936, Allard Motor Company voit le jour, à Putney au sud de Londres, pour ensuite partir à Clapham. La marque Allard produira jusqu'en 1963-64 environ 1 900 autos sous différents modèles. Celui qui nous intéresse aujourd'hui est la J2 compétition, produite entre 1950 et 1952. Le plus célèbre ! Cette J2 (suivie de la J2 X) sera construite à 80 exemplaires seulement, une sorte d'AC Cobra avant l'heure, que d'ailleurs Carroll Shelby pilota en course, comme un certain Steve McQueen et un autre Clark Gable (juste pour la petite histoire). Revenons à cette auto que nous avons eu la chance de découvrir. Elle a une vraie histoire personnelle...et longue. C'est Franck Allard qui en parle : « Cette voiture, je la connaissais depuis quelques années. Sur notre stand AMV Legend à Rétromobile, nous avions eu la chance de l'exposer, prêtée aimablement par son propriétaire. Elle a une particularité. Elle fut la propriété de Roy Clarkson. » Un excentrique dentiste qui possédait cette Allard J2 avec laquelle il participe à ces courses anglaises dont sont friands les amateurs de vitesse. Il a plutôt un bon coup de volant et fondera le “Easy Anglian Motorclub” en 1950.

L'auto part aux Etats-Unis en 1953 où différents propriétaires successifs la feront vivre jusqu'en 1989. Signalons au passage qu'un certain Mark Allard en fut le dernier propriétaire durant la période. Elle revient en Europe (enfin en Angleterre) et M rs Michelle Wilson, secrétaire du Allard Owner Club, l'acquiert. Elle change encore de main en 1998 pour Mr Peilham Reilly. En 2002, Michel Kahn, un journaliste grand spécialiste de ces racers improbables, l'achète. Elle devient française. Il la revendra en 2009. Le nouveau propriétaire la montre et surtout la prête à Franck Allard pour ses stands à Rétromobile. Ce dernier n'a de cesse. .. : « Je sollicitais régulièrement le propriétaire pour qu'il me vende cette auto, lui disant : “Alors quand revient ma “cousine” dans la famille (rires) ?” Et il y a deux ans, il a dit oui. » Une Allard est tout de même une auto conçue par un Anglais talentueux, mais toujours motorisée par un V8 américain. En effet, Sidney Allard, son concepteur, possédait un garage Ford. Donc, un V8 installé dans son châssis était la chose logique.

Pour Le Mans 1950, il adopte un Cadillac V8 331 ci (soit 5,4 l) à boîte trois vitesses La Salle. Il terminera à la troisième place avec une moyenne de 141 km/h, arrêts compris derrière deux Talbot Lago usine. On dit d'elle qu'elle était aussi rapide qu'une Ferrari 166 Inter. Pas mal pour un début. .. et un succès qu'elle concrétisera en rallye en remportant le Monte-Carlo en 1952. Ensuite, elle s'illustrera aux quatre coins des courses européennes avec toujours des résultats probants. Lors de nos recherches, nous avons retrouvé un facsimilé d'une ancienne publication anglaise où était essayé le modèle J2 4,4 litres à moteur V8 Mercury, un bloc développant 120 chevaux. « La tenue de route est exceptionnelle. Cette J2 est une de ces autos qui peuvent passer vite en virage sans engager de roulis, l'avantage du pont De Dion que Sidney Allard avait mis au point sur ses premières voitures de course. Allié aux suspensions dignes de celle d'une Formule de Grand Prix, c'est très efficace. Le train avant gagne en précision avec la vitesse. Le freinage demande d'appuyer fort et la vitesse maxi atteinte fut de 81 mph (soit 130 kmh) sur route ouverte. » Enfin posséder un superbe racer qui porte votre propre nom, c'est sans aucun doute le Graal ou un cadeau du ciel… Quand on découvre cette Allard J2 de 1950, on ne peut s'empêcher de penser à l'AC Cobra créée douze ans plus tard. Le long capot, les roues à moyeu Rudge, les deux sièges en cuir et le large volant en bois précieux à quatre branches, la poupe plongeante et dodue. .. sa sensualité ne se conteste pas. Le tableau de bord constitué d'une plaque d'alu bouchonné, quelques cadrans. .. il ne reste plus qu'à l'entendre. Et là, les grondements du V8 s'échappant via deux pots de joli diamètre vont vous faire de belles sensations.

Sublime. .. et si rare. Franck Allard, qui a dû, depuis l'acquisition, effectuer une bonne révision mais pas de restauration, la voiture étant en très bel état, nous dit : « Je n'ai eu l'occasion que de participer à une manifestation de classiques à Nogaro la première année. Depuis, la situation d'annulation des loisirs ne m'a pas permis de rouler de nouveau. Cette auto est faite pour ça et je rêve de l'inscrire dans quelques épreuves classiques, au Mans Classic, aux Mille Miglia (NdR : elle s'y illustra à plusieurs reprises à l'époque) et sur d'autres réunions de gentlemen drivers, Goodwood Revival par exemple. J'ai juste un léger souci avec la boîte de vitesses et je n'ai pas encore trouvé la bonne personne pour regarder cela de fond en comble. Si jamais un de vos lecteurs avait une idée, cela m'aiderait (sourire). En revanche, pour le peu que j'ai pu en découvrir, c'est une auto fantastique. » Venant de la part de ce passionné impénitent de voitures de sport classiques (Jaguar, Austin Healey. ..), le compliment vaut son poids. Et le sourire du propriétaire quand il est au volant confirme ses dires.

En reprenant l'historique de cette auto, communiqué par les experts, le vendeur de la vente aux enchères française de 2009 et les multiples propriétaires successifs, dont l'actuel, on peut suivre ses passages à l'atelier. Cette Allard n° 99J1557 fut livrée en coloris silver. L'original. Elle est la deuxième J2 vendue en Angleterre, à Roy Clarkson, sur les trente exemplaires diffusés sur l'île. Elle bénéficiera d'une première restauration en 1974, puis en 1982 par Ralph Grebe aux USA. En 2002-2003, elle est confiée aux établissements Rotondi pour une profonde révision et une remise en état. Moteur, boîte, pont, châssis et suspensions sont entièrement repris, refaits, réglés, du gros travail. .. Puis elle passera aux ateliers Cointreau, carrossiers de haute volée. C'est à ce moment-là qu'elle quitte le rouge de sa carrosserie, repeinte une première fois de l'autre côté de l'Atlantique, pour adopter ce superbe bleu avec plaque numéro blanche. On voit au travers de ces différents épisodes que la voiture a été suivie mais demande, encore de nos jours, des soins attentifs. C'est assez logique, tout d'abord parce qu'une voiture de course, et c'en est une vraie, a besoin d'être entretenue et révisée en permanence en raison de l'utilisation intense qu'en font les pilotes. A travers son histoire et celles de ses prestigieux et nombreux pilotes, elle a acquis ses lettres de noblesse. Un morceau de légende que certains, en 1999, ont eu à cœur de reproduire en créant une J2X MkII. En effet, Roger Allard (tiens donc !) rachète le nom et imagine une seconde version. La voiture est rallongée de 10 cm afin que le pilote et son passager soient un peu plus à l'aise, et elle adopte un V8 Hemi de 392 ci (soit 6,4l), prélevé sur une Corvette. Sinon on est très très proche de ce que fut l'originelle. Au point que le Allard Owner Club adoube cette replica améliorée et que Allard Motors Works (AMW) produise un peu plus tard un modèle MkIII, avec différentes options mécaniques V8 assez peu tournées vers la mesure. Comme quoi, celui qui a dit que les légendes ne meurent jamais avait tout à fait raison. En attendant, nous avons quitté cette Allard française avec quelques regrets que nous espérons oublier en la voyant prendre la piste des grandes classiques au plus tôt. Très rare, ce modèle Allard J2 Compétition a terminé 3ème aux 24 H du Mans en 1950 avec Sidney Allard et Tom Cole.

Mentionnés dans cet article

Écrit par La Rédaction
Partagez cet article partout

Dernières news sur mise-en-avant

Petites voitures électriques 2025 : les citadines urbaines qui révolutionnent la mobilité

Petites voitures électriques 2025 : les citadines urbaines qui révolutionnent la mobilité

Les petites voitures électriques ont longtemps été perçues comme des seconds véhicules ou des solutions de niche.

David Richards : le Goliath du sport auto

David Richards : le Goliath du sport auto

L'ancien copilote d'Ari Vatanen, champion du monde des rallyes 1981, est devenu un des acteurs majeurs du sport auto, aussi bien en WRC avec les Subaru qu'aux 24 Heures du Mans en GT avec Aston Martin, sans oublier la F1 avec BAR ou le Dakar avec Dacia. Par Alexandre Lazerges.

Bulgari x MB&F : sciences friction

Bulgari x MB&F : sciences friction 

C'est sans aucun doute LA montre la plus ovniesque de l'année. Une pièce d'exception par son audace créative et son design, autant que par sa mécanique. Rencontre avec les hommes derrière la Bulgari X MB&F Serpenti, qui viennent d'une autre galaxie. Par Aymeric Mantoux.

Moritz Bree : flower power

Moritz Bree : flower power

Moritz Bree n'a pas attendu le nombre des années pour démontrer que rien n'est impossible. Du haut de ses 20 ans, ce jeune Autrichien à déjà quelques préparations à son actif. Ne suivant aucun autre courant que le sien, voici sa SR500 flat track psychédélique. Par Ethan Valentin.

Édouard Golbery : Édouard aux mains d'argent

Édouard Golbery : Édouard aux mains d'argent

Marin, comédien, chanteur, musicien, amateur de sports de glisse, Édouard Golbery aime explorer des domaines aussi variés que passionnants. Portrait d'un coureur au large atypique, qui rêve un jour de s'aligner au départ du Vendée Globe. Par Servane Dorléans.

Kevin Venkiah : le Crésus de Mauritius

Kevin Venkiah : le Crésus de Mauritius

Collectionneur aux mille métiers et autant de souvenirs, ce financier mauricien offre matière à savourer le temps qui passe inexorablement et affiche une passion des cadrans peu commune. Par Emmanuel Galiero.

Couverture complète sur mise-en-avant >

Sur le même sujet

Petites voitures électriques 2025 : les citadines urbaines qui révolutionnent la mobilité

Petites voitures électriques 2025 : les citadines urbaines qui révolutionnent la mobilité

Les petites voitures électriques ont longtemps été perçues comme des seconds véhicules ou des solutions de niche.

David Richards : le Goliath du sport auto

David Richards : le Goliath du sport auto

L'ancien copilote d'Ari Vatanen, champion du monde des rallyes 1981, est devenu un des acteurs majeurs du sport auto, aussi bien en WRC avec les Subaru qu'aux 24 Heures du Mans en GT avec Aston Martin, sans oublier la F1 avec BAR ou le Dakar avec Dacia. Par Alexandre Lazerges.

Al Satterwhite : auto focus

Al Satterwhite : auto focus

Al Satterwhite a immortalisé les grands moments du sport automobile des années 60 et 70, croisant la route de quelques pointures parmi les plus originales et attachantes, de Carroll Shelby à Ken Miles en passant par un certain Paul Newman. Par Jean-François Rivière.

Paul-Alexandre Martin : roman de GAR

Paul-Alexandre Martin : roman de GAR

Le hasard et la qualité d'un réseau de jeunes passionnés d'autos avant-guerre sont à l'origine du retour d'une rarissime voiture française. Du musée Mullin de Pasadena à Bordeaux, retour de flammes historiques. Par Marc de Tienda.

Chantilly arts & élégance Richard Mille : la crème des crèmes

Chantilly arts & élégance Richard Mille : la crème des crèmes

Pour son dixième anniversaire, Chantilly Arts & Élégance a su opérer une transition réussie entre un concours d'élégance formel et une réunion célébrant l'art de vivre automobile sous toutes ses formes. Un vrai succès couronné par une fréquentation record. Par Étienne Raynaud.

50 ans de la Citroën CX : lettre de noblesse

50 ans de la Citroën CX : lettre de noblesse 

Éclipsée par la DS, la CX qui prit sa succession aurait mérité plus de reconnaissance. À l'occasion du cinquantième anniversaire de sa naissance, essayons de réhabiliter cette silhouette qui a donné ses lettres de noblesse aux initiales du coefficient de traînée. Par Serge Bellu