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Ressence : Fume, c’est du Belge !

Publié le Écrit par La Rédaction
Ressence : Fume, c’est du Belge !
© Sébastien Nunes
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Je pénètre sur le stand qu'occupe Ressence lors d'un salon horloger. Son fondateur Benoît Mintiens est en train de faire une présentation à quelques visiteurs et je l'entends lancer avec son accent belge : « Mais non, on n'a pas de loupe ! On n'est pas des horlogers ! » Voilà en une phrase résumée l'approche de cette petite marque remuante. Elle n'est pas Suisse, mais y fait tous ses composants sauf les bracelets et les verres. Elle n'est pas issue du sérail, mais fait partie des indépendants. Elle n'est pas née d'une démarche horlogère. D'ailleurs, personne dans son équipe ne sait fabriquer ou concevoir un mouvement mécanique. Elle n'est pas non plus née d'une recherche de marketing, cherchant à trouver un public bien ciblé par une démarche analytique. Ni de la résurrection d'un obscur horloger du XVIIIe ou du XIXe siècle, convoqué pour faire du néo-rétro. Mais Ressence fait partie de ces rares noms qui ont su créer une véritable vision de la montre, de sa lecture, de son apparence et de son ergonomie. Bref, c'est une marque moderne. Pour comprendre en quoi, il faut saisir qui est son fondateur, unique actionnaire, directeur créatif et patron.

Ressence Photos
© Sébastien Nunes

Design belge

Benoît Mintiens est donc belge. Cela s'entend rapidement. Ses “o” sont longs, ses “j” chuintent et ses “r” ont un petit côté rugueux. Ce gaillard roux qui dit volontiers « passer du blanc au rouge au soleil » est anversois. Le logo de sa marque est l'emblème de sa ville, une main stylisée qui en dit aussi long sur la dose de tactile que ce designer de formation et de cœur a voulu mettre dans ses créations. « Mais non, on n'a pas de loupe! On n'est pas des horlogers ! » Voilà résumée l'approche de cette petite marque remuante. Designer, voilà bien un métier inhabituel pour quelqu'un qui a monté de toutes pièces une marque. Avant elle, Benoît Mintiens a dessiné du mobilier urbain. Vous vous êtes déjà assis dans une des rames de train qu'il a créées. Vous volerez peut-être un jour dans une des cabines de long courrier qu'il a imaginées. Si vous êtes moins chanceux, les appareils de radiothérapie oncologique en carbone qu'il a designés vous offriront des chances de rémission. Une chose est sûre, avant ce dimanche passé à faire noircir des pages blanches, il n'avait jamais pensé faire une montre, ni lui ni personne de son entourage d'ailleurs.

Ressence Photos
© Sébastien Nunes

Frustration

Anvers, c'est la ville du diamant, et l'un de ses amis lapidaires lui avait demandé de réfléchir à une montre. Après une visite infructueuse dans les allées du défunt salon horloger Baselworld en quête de fournisseurs, il revient bredouille, frustré et gamberge. Il passe le dimanche en question à dessiner, croquer, gommer. Il jette les bases esthétiques de ce qui deviendra plus tard Ressence. « Le brief que je m' étais imposé à moi-même était simple. La montre devait être abordable, c'est-à-dire dans mon budget. Spéciale, c'est-à-dire qu'on la remarquerait. Et pas marginale. Ce qui signifie rester proche de ce que l'on s'imagine être une montre. » Simple… la chose est vite dite tant ces paramètres sont d'une part flous pour un œil de non-designer, et d'autre part absolument inhabituels dans une démarche horlogère. Surtout que le brief intègre deux volets qui sont souvent présentés comme contradictoires, et qui sont en réalité le reflet de la personne et de l'histoire familiale de Benoît Mintiens. « Ma mère est hollandaise, et elle est mon côté germanique, ordonné. Mon père est belge francophone et il représente un côté latin, empathique. Moi je suis les deux et les montres aussi, elles sont belles et techniques, chaudes et froides. » En effet, sa faconde et la structure se croisent dans son discours pour en faire un interlocuteur puissamment sympathique et ouvert. Dernier point, son esprit de designer exige que la montre fasse primer la fonction. La lisibilité de l'heure sera donc son fil conducteur.

Allumage de l'ampoule

« J'étais sur mon tracteur/tondeuse à gazon - le même que dans le film Une Histoire vraie de David Lynch - que j'ai fait venir de Chicago. Le ronronnement monotone de son monocylindre m'avait plongé dans une rêverie comme à chaque fois. Et puis je me suis dit Benoît, il faut le faire. Il faut créer ta marque. » C'est ainsi qu'il lance en 2010 sa Type 0. Une montre sans aiguille, sans couronne, remontée et mise à l'heure par le fond. Une montre au profil arrondi, coupé dans une sphère. « Une Ressence, c'est organique. Après une visite à Baselworld en quête de fournisseurs, il revient bredouille et passe un dimanche à dessiner, croquer, gommer. L'écran n'est pas plat. Le plat n'est pas naturel. En poussant la notion, on fait déborder l'information au-delà de ce que l'on imagine comme limites physiques à l'objet », ajoute Benoît Mintiens. Et surtout, elle ne donne pas l'heure comme les autres montres. Concrètement, une Ressence se lit non pas de manière digitale, ni en regardant la position d'un objet en déplacement au-dessus d'un cadran. « C'est un écran mécanique : une surface dynamique, ergonomique et qui exécute sa fonction avec pertinence. » Mécaniquement parlant, le cadran est composé de disques imbriqués les uns dans les autres. Par un système de révolution et contre-révolution sophistiqué, et qui repose sur un système mécanique exclusif, l'aiguille des heures est un grand disque qui contient un plus petit disque qui est l'aiguille des minutes. Un autre donne la réserve de marche et un dernier indique le jour. Tandis que le grand disque tourne, il fait circuler les autres en son sein, mais ceux-ci ne pivotent pas : ils restent d'aplomb, sans changer les codes de lisibilité. Ressence fait appel à une mécanique neurologique fondamentale, qui consiste à transformer l'angle dessiné par deux formes contrastantes, les aiguilles, en un repère temporel. « La seule chose que je n'ai pas voulu réinventer, ce sont les aiguilles. C'est très efficace comme image mentale que le cerveau réinterprète. » De fait, la lecture prend quelques secondes d'adaptation, puis devient évidente. Sur une Ressence, l'aiguille des heures est sur un grand disque, qui contient un plus petit disque : l'aiguille des minutes.

RenaissanCE de l'ESSENtiel

En 2010, en même temps que cette première montre, Harry Winston avait lancé Opus X. Une pièce projet extrême comme la marque en avait alors le secret. Développée par l'horloger Jean-François Mojon, elle indiquait l'heure selon le même principe, hasard convergent dont l'histoire des techniques est coutumière. Opus X coûtait dix fois plus cher qu'une Ressence Type 1, était infiniment plus difficile à porter, à lire, à assumer, à fabriquer. Faire la même chose en bien plus simple est souvent une définition de l'intelligence. Penser en dehors des cases en est une autre. Il suffit de regarder la Ressence Type 3 pour s'en rendre compte. La montre n'a plus de carrure. Toute sa surface en forme de galet est disponible pour l'affichage. Les notions de diamètre et d'ouverture de cadran sont escamotées. Par la suite, ses principes techniques vont se sophistiquer avec l'invention du Type 2, une pièce hybride mécanique, électronique, automatisée et à recharge solaire. Puis Type 8, version à deux aiguilles de la Type 1, plus simple en apparence mais en réalité encore plus complexe à fabriquer. Ou d'autres encore, qui n'attendent que de sortir de l'imagination féconde, structurée et amusante de ce drôle d'inventeur.

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