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Max Hoffman : l’influenceur

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Max Hoffman : l’influenceur
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A la longue, c'est lassant. Quand on évoque les voitures les plus désirables des années 1950, le nom de Max Hoffman est toujours cité. La 300 SL, c'est Max qui l'a réclamée à la direction de Mercedes-Benz. La Giulietta Spider de Pinin Farina, c'est Max qui l'a choisie en repoussant l'offre de Bertone. C'est aussi Max qui a orienté le choix du designer pour la BMW 507 et encore lui qui a convaincu Ferry Porsche d'américaniser la 356. Le marché américain, il le sent, le pressent, le comprend. Il sait comment séduire un yuppie de Wall Street comme une starlette de Hollywood. Il a la bosse du commerce comme on disait au temps de Frank Sinatra.

Maximilian Edwin Hoffman est autrichien. Né à Vienne le 2 novembre 1904, il commence sa carrière professionnelle en reprenant la fabrique de vélos de son père, mais c'est le sport mécanique qui l'attire. Il participe à plusieurs courses au volant des petits bolides de la Grofri-Werke qui fabrique sous licence en Autriche les Amilcar françaises. Il raccroche son casque en 1936, mais continue à servir Grofri en dirigeant sa concession viennoise. Il travaille ensuite pour Smoliner & Kratky qui distribue notamment la marque Cord, puis il ouvre sa propre agence - Hoffman & Huppert - pour représenter la crème de l'industrie européenne (Rolls-Royce, Bentley, Alfa Romeo, Talbot, Delahaye, Volvo). L'horizon s'obscurcit en mars 1938 quand l'Allemagne nazie annexe l'Autriche.

Max Hoffman étant de père juif, il juge plus prudent de se replier en France. Mais la guigne le poursuit. L'entrée des troupes allemandes dans Paris le pousse à nouveau à migrer.

Max Hoffman a entretenu une relation amicale avec Frank Lloyd Wright, icône américaine de l'architecture du XXème siècle

Il embarque pour New-York en juin 1941 sans connaître un mot d'anglais. Pour apprendre la langue, il passe ses journées au cinéma. .. mais jamais il ne perdra son accent yiddish. À Manhattan, il gagne sa vie en vendant des bijoux fantaisie tout en rêvant de renouer avec le monde de l'automobile. En 1947, il fonde la Hoffman Motor Car Company Inc. à New-York. La première voiture exposée dans la vitrine du 487 Park Avenue est une Delahaye 135 carrossée par Figoni & Falaschi, celle-là même que l'on vit au Grand Palais à Paris en octobre 1946...

Quelques mois plus tard, l'entrepreneur boulimique est devenu distributeur exclusif pour Jaguar, Rolls-Royce, Bentley, mais aussi Austin, HRG, Cooper, Rover, Lea Francis, Allard, Morgan. .. Il ouvre des succursales un peu partout sur le continent nord-américain où il tisse une toile qui comprendra plus de 475 agences éparpillées dans 370 villes.

Max Hoffman ne se limite pas aux bizarreries britanniques, il pressent le potentiel de la Volkswagen en Amérique du Nord et la diffuse pendant quelques années. .. jusqu'au jour où le constructeur décide d'importer directement ses voitures.

Hoffman accepte de céder ses concessions à la marque allemande : « L'erreur de ma vie », regrettera-t-il. .. En octobre 1950, au Salon de Paris, un journaliste organise une rencontre entre Max Hoffman et Ferry Porsche. Les deux hommes s'entendent d'emblée. Max commence aussitôt à vendre des 356 aux Étasuniens et lui-même se procure un spider élaboré par Walter Glocker, concessionnaire à Francfort. Avec cette création artisanale (qui préfigure la 550 RS Spyder), Max participe à plusieurs compétitions. Il se régale à son volant, ce qui l'amène à réclamer à Porsche une version rock'n roll de la 356. La demande débouche sur le confidentiel America Roadster et surtout sur le célèbre Speedster, la plus flamboyante de toutes les 356. Grâce à Hoffman, Porsche écoule bientôt plus de 20 % de sa production en Amérique du Nord. À partir de 1952, il importe les Mercedes-Benz et sollicite très vite la création d'une version routière de la 300 SL qui a gagné aux 24 Heures du Mans et à la Carrera Panamericana Mexico. Le constructeur exaucera sa requête. .. Hoffman conseille aussi BMW et suggère aux austères dirigeants de Munich d'engager un designer new-yorkais et dandy, Albrecht Goertz, pour dessiner la 507. Chez Alfa Romeo, où l'on hésite entre les projets de Pinin Farina et de Bertone pour la Giulietta Spider, il tranche en faveur de l'option du premier, la plus classique et la plus élégante.

Mais la connivence qu'entretient Max Hoffman avec tous les constructeurs, forcément concurrents entre eux, finit par irriter ses partenaires. Jaguar prend ombrage de ses relations avec BMW. Mercedes-Benz arrête sa collaboration en 1957 et Porsche organise son propre réseau en 1959. Mais cet homme d'affaires habile, doué d'une incontestable intuition pour le marketing, a souvent un projet d'avance. Au lendemain de la Crise de Suez, qui propulse la question énergétique au premier plan, Max Hoffman ne désarme pas. Il présume que l'Amérique va réclamer des voitures plus compactes. Il influence le développement de la BMW 2002 qui connaîtra un succès déterminant aux États-Unis.

Pour vendre ses voitures exotiques, Hoffman a toujours bien fait les choses. En 1954, il demande à Frank Lloyd Wright de lui aménager son showroom new-yorkais. La star de l'architecture américaine est à la fin de sa vie. Il s'éteindra en avril 1959 à l'âge de 92 ans, six mois avant l'inauguration de l'une de ses œuvres les plus emblématiques, le musée Guggenheim de New York. Pour le magasin qui se trouve à l'angle de Park Avenue et de la 56ème Rue, le vieil architecte a imaginé une rampe en spirale et un plateau tournant pour présenter les nouveautés. Malheureusement, ce décor a été détruit au début des années 2000 dans l'indifférence générale. En 1955, Max Hoffman fait à nouveau appel à Frank Lloyd Wright pour sa résidence personnelle, une villa basse qui marie japonisme et style Prairie. Elle est érigée dans une banlieue résidentielle au nord de New York, à Rye, au bord de l'eau, au nord de l'île de Manusring. En 2019, le styliste de mode Marc Jacobs rachète la villa pour 9,175 millions de dollars. Il y a sans doute un fil imaginaire qui relie tous les visionnaires.

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