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Pelle Rocca – Hydroplane classe D 1959 : la pelle… de la course

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Pelle Rocca – Hydroplane classe D 1959 : la pelle… de la course
© Jérôme Chabanne
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D'abord lointain, le bourdonnement d'un insecte géant s'amplifie rapidement sur ce paisible plan d'eau. Tout juste visible à travers l'écume qui l'entoure, l'engin se rapproche à vive allure et soulève une immense gerbe lorsque son pilote, agenouillé derrière le minuscule saute-vent, lui fait décrire un virage serré à quelques brasses du rivage. Non, nous ne revivons pas une manche des mythiques 6 Heures de Paris, mais assistons aux premiers essais de la pelle Rocca qui retrouve son élément après un long sommeil. Car les derniers exploits de cet hydroplane classe D - sa dénomination officielle - remontent à 1959, entre les mains d'Oreste Rocca, son pilote-constructeur. Rocca ?

Une marque synonyme de plaisance. Débarqué d'Italie au lendemain de la Grande Guerre, Domenico Rocca, habile menuisier-charpentier, apprend à distinguer les essences de bois et à les travailler pour réaliser des canoës dans son propre chantier ouvert dès 1928 à Vitry-sur-Seine en région parisienne. Toujours à l'écoute de sa clientèle, il utilise des matériaux de premier choix (frêne, cèdre, acajou) pour la fabrication de ses canoës. Dès 1946, le chantier s'agrandit avec l'arrivée de Louis et Oreste, les deux fils du patriarche.

Constatant que le moteur hors-bord est de plus en plus utilisé pour la plaisance, Rocca innove en créant le canot madeira, un canoë dont la poupe n'est plus effilée mais carrément tronquée pour y fixer un moteur. Étudié pour la mer et la rivière, ce canot peut recevoir des moteurs de moins de 7 chevaux mais peut aussi être propulsé à l'aviron, à la pagaie ou à la voile.

Ce modèle va donner naissance au premier dinghy juste au moment où les ventes de bateaux en bois explosent. C'est le début des Trente Glorieuses et du rush sur les loisirs. Canoë, dinghy, runabout ou cabin-cruiser, le catalogue de Rocca répond à la demande et propose aussi des moteurs et des remorques adaptées à la plaisance. Technicien et concepteur, Louis Rocca laisse à son frère Oreste le rôle de commercial de la firme. Un commercial qui est aussi un pilote de talent et qui va appliquer la formule “gagner le dimanche pour vendre le lundi”. Recordman du monde de vitesse Classe X dès 1953 et champion de France la même année, puis recordman de l'heure Classe CIU en 1955 assorti du titre national, nouveau recordman de vitesse Classe C en 1956 et victorieux au Grand Prix international de Monaco la même année, Oreste Rocca collectionne les trophées. Autant de titres qui assurent la renommée de la firme rendue encore plus populaire par sa participation à l'émission télévisée La Tête et les Jambes de Pierre Bellemare.

Gagner le dimanche pour vendre le lundi, c'est la formule d'Oreste Rocca

C'est aussi l'époque où les résines de synthèse, déjà utilisées en Amérique, apparaissent en France, notamment dans la carrosserie automobile. Louis Rocca, le technicien maison, va mettre au point de nouveaux procédés de fabrication. Innovantes, les premières coques “plastique” ne sont pourtant pas commercialisées sans avoir d'abord été testées lors de spectacles nautiques. Si elles résistent aux sauts de tremplin, à la traversée d'un mur de flammes ou d'un échouage sur la berge à grande vitesse, elles peuvent être validées pour la production, estime Louis Rocca, à la tête du bureau d'études. Pour cette fabrication, les techniciens du chantier emploient tissus mats, roving et varrane imprégnés de résine à l'aide de rouleaux et de pinceaux. Une potion magique qui fait ses preuves puisque lors du Salon nautique qui se tient à Paris, au pied de la tour Eiffel, Rocca dévoile son premier dinghy en polyester. Le succès ne se dément pas et, au début des années 60, le chantier parvient à construire près de 3 000 bateaux par an. Après avoir tenté, en 1967, le nouveau concept du catamaran, Oreste Rocca abandonne la compétition l'année suivante pour se consacrer désormais à la gestion du chantier de Vitry-sur-Seine, tâche qu'il accomplit jusqu'en 1988 avant de décéder un an plus tard.

Rachetée par le groupe britannique Duncan Hydrosport, la firme est délocalisée à La Rochelle jusqu'à sa fermeture en 1995. « C'est, à notre connaissance, un modèle unique, insiste Théo Mouly en affalant la minuscule coque sur la berge. En 1959, date de sa construction, les pelles à redan se révèlent déjà obsolètes face à l'arrivée des coques trois points, celles qui sont encore utilisées de nos jours ! » Contrairement à ce qu'on peut penser, le polyester, qui était le fer de lance de la firme Rocca à cette époque, se révèle trop lourd. « C'est parfait pour le tourisme mais peu performant en compétition surtout quand on sait que le bois a été utilisé pour les bateaux les plus performants jusqu'à récemment ! », ajoute notre pilote-collectionneur qui s'affaire à redémarrer “à la ficelle” le Mercury Mark 55H.

« Ce moteur de 44 ci de cylindrée, nous l'avons trouvé en Italie, chez Nautica Mirafiori, un professionnel de Turin !, précise Serge Mouly, le papa de Théo, collectionneur averti de moteurs hors-bord. Il tourne à 5 600 tr/min mais, en course, il pouvait prendre jusqu'à 6 50 0 tr/min ! Après avoir remporté la Coupe de Noël à Marseille, fin 1959, pilotée par Oreste Rocca, cette pelle a été exposée au Salon nautique organisé l'année suivante en même temps que les 6 Heures de Paris ! » Par la suite, toujours frappée du numéro 46, la pelle sera exposée au Conservatoire de la marine à Bordeaux pour fêter les soixante ans de la marque Rocca avant d'avoir les honneurs du salon Rétronautique à Paris en février 2001.

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