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Heiwa : les étoiles du Japon

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Heiwa : les étoiles du Japon
© Kazuo Matsumoto
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Au vu de cette superbe moto construite au Japon par un builder plutôt remarqué jusqu'alors pour ses productions inspirées - au point de décrocher des prix best of show à Yokohama par deux fois - on ne peut retenir quelques frissons. .. et avoir une pensée émue pour un nommé Edward Turner. Un ingénieur venu de chez Ariel, une marque anglaise réputée alors, qui va poser les fondamentales d'un nouveau twin vertical pour la marque Triumph en 1937 avec la Speed Twin. Son travail donnera naissance à une longue lignée de moteurs Triumph et influencera durant cinquante ans la construction motocycliste anglaise, comme celle de la marque. Le phénomène dure encore de nos jours. Au-delà de cette prouesse technique et de ses diverses évolutions, on peut aussi souligner la beauté de ce moteur. Dire que rien n'a été construit d'aussi joli et élégant pourrait provoquer polémique, discussion interminable de bistrot et quelques fâcheries. Mais assumons. Un twin Triumph, c'est carrément magnifique. On ne s'étonne donc pas vraiment de voir qu'un garçon doué comme Kengo Kimura, boss discret de Heiwa Motorcycles, son humble bouclard installé à Hiroshima, ait retenu un moteur de 6T pour construire cette moto. La 6T (le T pour Thunderbird) est une 650 cm3 un peu plus puissante - de 8 chevaux - par rapport à la T 500 (soit 34 poneys à 6 300 tours). Ce qui n'en fait pas tout à fait un “oiseau de tonnerre” mais une machine agréable, légère et agile. C'est un bloc bicylindre à boîte séparée, apparu en 49 et doté des raffinements techniques imaginés par Ed Turner et d'un caractère unique. Celui qu'on retrouve sur toutes les motos l'utilisant et surtout sur les Bonneville, nées 10 ans plus tard. L'histoire mériterait d'être développée mais n'e s t pas fondamentale pour notre article. ..

Hormis le bloc moteur de 1954, tout a été repensé et reconstruit sur ce custom franchement original

Où nous voulions vous parler de cette dernière création Heiwa sur base de Triumph ancienne - une de ses spécialités - très aboutie et super léchée. Oh oui, certains puristes “anglophilomotocyclistes” crieront peut-être à l'outrage en voyant cette Seven Star 7, ainsi baptisée par son créateur ! Mais rappelons tout de même que les blocs Triumph de ces générations et des suivantes ont été très souvent la base de constructions les plus diverses et les plus esthétiques qui soient. Un beau moteur, ça fait l'essentiel d'une moto et vouloir lui offrir un écrin particulier. .. eh bien ce n'est pas un crime. Plutôt un hommage, une recréation.

Quand Kimurasan apprend que le thème du salon Yokohama de 2022 est placé sous le signe de la paix, la traduction de Heiwa, il n'hésite plus et se lance dans le concours Mooneyes Show. Dans l'atelier traîne une revue technique anglaise de chez Haynes - un éditeur incontournable pour les amateurs de boîtes à chagrin - sur la 6T Triumph. Elle l'inspire et il décide de retenir cette base pour son projet. Déniche une occasion en très moyen état et relève ses manches. Tout d'abord, il repense le cadre, ne conservant que la ligne générale, et utilise des tubes un peu moins “souples” que ceux d'origine. La boucle arrière est redessinée afin de donner à sa future Seven Star 7 une ligne très horizontale et plus basse que celle d'origine. Pour faire reposer ce cadre, il opte pour une fourche italienne Paioli raccourcie et invente un bras oscillant en aluminium, plus long et de section carrée. Sur lequel il place deux amortisseurs dont la fixation supérieure est placée à la jonction du cadre et de la boucle arrière. Les deux éléments suspenseurs proviennent de chez MDI à Taïwan et sont aux mesures demandées. La fourche, quant à elle, est installée sur une paire de tés en alliage taillés dans la masse et choisit le parti de l'étroitesse. Un leitmotiv présent sur l'ensemble de la moto. Des moyeux sont usinés dans une tendance minimaliste et les jantes, laquées de noir, sont en 18 pouces de diamètre. Deux disques de frein, de provenance non précisée mais carrément d'un diamètre symbolique, sont retenus. Ce qui dégage clairement la vue sur ces roues à l'ancienne, chaussées de pneus Continental vintage.

L'ensemble réservoir et selle-dosseret est à lui seul un petit monument de formage. Effectué à la pogne et durant de longues heures pour offrir une silhouette extraordinairement fine et sensuelle. Au passage, une ligne épargnée par la couleur - une laque jaune moutarde que les Dijonnais ne snoberaient pas - sur le bas de ces deux éléments sera polie ensuite. Une sellerie en cuir noir surpiqué de jaune servira de “coussin” pour le pilote. Le poste de pilotage ne s'encombre pas de fioritures inutiles. Un guidon drag bar serré sur deux pontets très proches du té supérieur, une plaque d'alliage poli pour accueillir un compteur rétro de chez Motogadget, la messe est dite. Comme il faut bien rouler de nuit à l'occasion, un phare rectangulaire prend place dans un habillage formé en alliage et sur la partie arrière, un simple lumignon intégré dans le dosseret se charge de signaler l'engin à ses suiveurs. On ne peut pas oublier que nos futurs contrôleurs techniques de motos pourraient bien s'arracher les cheveux s'ils tombaient sur une bécane pareille chez nous. Mais bon, au Japon, le contrôle technique. .. ça n'a pas l'air d'être leur souci. Heureux pays !

Si Heiwa s'est déjà distingué lors de précédents Mooneyes Shows, il signe ici une véritable prouesse esthétique

Revenons à ce twin 6T, pièce maîtresse de cette vision custom. Il a bénéficié d'un démontage complet et d'une restauration-vérification complète des éléments mobiles.

Le tout réinstallé dans des carters polis miroir et doté d'une visserie peaufinée point par point. Côté gauche, la transmission primaire, toujours à chaîne, reçoit un couvercle travaillé comme une sculpture métallique. Tout est poli à l'extrême et la forme des découpes rend hommage aux finesses nippones. C'est beau, finement réalisé et presque... incompréhensible au béotien que l'on est. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Et surtout, pourquoi ne pas se faire plaisir quand on peut ? Bref, le truc vaut son pesant de sushis, supplément makis compris. Sur ce moteur sublimé on notera aussi les bouchons de réglages des soupapes traités en laiton tourné, aptes à provoquer des picotements dans les yeux. Mais tout cela ne serait rien sans la présence d'échappements étonnants et franchement inédits. Les deux tubes sinuant sur le côté droit du bloc, au-dessus du carter d'arbre à cames, se fondent en une sorte de deux-en-un visuel prolongé par des demi-mégaphones imbriqués l'un dans l'autre.

Le twin Triumph 6T a trouvé un écrin fantastique entre les mains d'un constructeur véritablement unique

Cette ligne sinue à hauteur des cylindres, dégageant le bas moteur et sur le profil droit de la moto on se pâme devant ces courbes gracieuses. Il faut passer un petit moment d'observation pour comprendre comment cela a été fabriqué. .. et surtout imaginé. Le travail de chaudronnerie et la perfection du résultat final laissent pantois. Le Kimura-san aime tout de même se faire des nœuds au cerveau. Mais p... que c'est beau ! L'alimentation du bloc est confiée à un unique carburateur Mikuni VM 32 (les culasses de 6T sont mono carbu). Il reçoit un cornet en alliage tourné par le maître. Pour isoler le mollet du pilote à hauteur du bac à huile, une plaque pare-chaleur est travaillée en aluminium. Ah diantre ! Comme c'est chiadé dans tous ses détails ce machin ! Pour faire fonctionner tout ça de manière adéquate, une magnéto moderne est installée en lieu et place de l'élément d'origine. On a beau faire dans l'œuvre d'art, il n'y a pas de raison de négliger la performance et l'efficacité.

La moto, présentée à Tokyo en décembre dernier, a recueilli compliments et satisfecits. Ce qui est bien logique. A fortiori lorsque l'on découvre sur le site Heiwa Motorcycles toutes les options développées sur des Triumph - anciennes ou plus récentes. Ce garçon a un style bien à lui, inspiré d'une culture très portée sur les machines anglaises des belles années. Ce qui est rare au final au pays du Soleil-Levant, plutôt versé dans la customisation de motos américaines. On ne saurait lui en vouloir. Et si jamais il a les numéros gagnants d'un loto planétaire et qu'il veuille bien nous les communiquer, on jouerait bien dans sa cour. Ou si on est en fonds, on peut toujours lui envoyer un mail...

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