Chemins de traverse en Morvan : la gadoue, la gadoue, la gadoue

En partant pour un “trip” à moto, on peut choisir ses amis mais pas la météo. Comme beaucoup de motards, c'est exactement ce qu'ont vécu trois copains en avril dernier. François Salanon, Cédric Tonnelier et Götz Göppert ont pris le (sale) temps d'un week-end la direction du Morvan pour aller faire un trip nature, à moto tout-terrain. Le sud-est de la capitale pour ces Parisiens pressés de rouler, « quitte à ne pas aller vers le soleil », résume François. Et ce fut le cas. Débarqués à l'Isle-sur-Serein, dans l'Yonne, les trois compères découvrent des chemins très gras, très humides, voire même aux allures de ruisseaux pour certains. Cela tombe bien, dans le camion de Cédric, le chic fleuriste de chez Claude Quinquaud, trois motos ne demandent qu'à bouffer de la gadoue comme chantait la regrettée Jane Birkin, chaussée de jolies bottes en caoutchouc par son Gainsbourg préféré(1). Mais revenons à l'arrière du camion de Cédric. En descendent une Husqvarna 701 LR pour Salanon, une KTM 690 pour Tonnelier et une Suz'-Ducat' pour le photographe allemand du trio. « Ce n'est pas ma moto habituelle de TT » explique Götz, plus habitué à emmener une Yamaha WR 450 dans les chemins que cet engin préparé par ses soins. « C'est plus pour le supermotard » rigole Götz qui a transformé une Suzuki DR accidentée en la remontant avec « un arrière de Ducati Multi et l'avant aussi ». Une moto, trop lourde, couchée, ou un arbre au milieu du chemin nourrissent les échanges du soir.

Dur mais… esthétique

« Une chimère » résume François Salanon qui a le sens de la formule en bon communicant qu'il est, à la tête de l'agence Maison Sagan. Mais pas question de cracher du feu pour cette bête qui comme les autres doit faire face à un autre élément. Plus liquide. « C' était très gras, les pneus étaient pleins… un peu hard enduro », commente François dont un genou porte encore les stigmates de cette sortie humide. « J 'a i bien galéré » confirme Götz avec ses roues peu adaptées… « Mais c' était très esthétique » compense François accro de ce contexte. De quoi ne rien regretter. Au contraire.

« On cherche des destinations qui correspondent à nos différentes motos, pour les utiliser dans des moments et des univers différents », décode François parti depuis, en juillet, en Provence au guidon de sa Zero Engineering à l'origine de la rencontre de ces trois passionnés. Tous sont en effet membres du discret, pour ne pas dire pudique vu l'anagramme, ZOB, pour… Zero Owners Band & friends, une appellation que le toujours très communicant Salanon assume pour ce groupe parti déjà à l'aventure pour une autre expérience en TT. « On avait fait l'Islande ensemble pour mes 50 ans mais on était trop nombreux et pas assez préparés. » Moins loin, moins froid (bien que… ), l'équipée se réduit et se décide pour le Morvan. « On avait acheté des motos TT pour l'Islande dont ma Husky même si cet infidèle de Cédric a délaissé sa Ténéré pour une KTM », sourit François. Toutefois, l'enduriste Tonnelier reste fidèle au… bivouac. « Avec le strict minimum , modère François, une tente ou même juste une bâche et un tapis de sol pour Götz. Je n'aime pas trop ça , mais j'aime ce côté aventure et la connexion à la nature. »

Bivouac écourté

Va alors pour le camping, le feu de camp, qui fait de belles photos, et la nuit dehors… les deux yeux ouverts pour François. « J'ai pas dormi ou très peu, c'est pour ça que je me suis fait mal, je pense, j'étais fatigué. » Par le manque de sommeil certes mais aussi par la charge de boulot à Paris les jours précédents. Bilan : un genou donc et une seconde nuit à… l'hôtel. À Pierre-Perthuis. « Pour les prochains voyages, je privilégierai de rouler plus léger quitte à trouver des haltes pour la nuit et un restau. » Pour le confort de rouler, pas par embourgeoisement. Bilan, la randonnée imaginée sur le net, comme celle de l'été précédent au Pays basque sur le TET (Trans Euro Trail(2)), a tourné plus court que prévu. « En T T on sait quand on part, jamais quand on va arriver », s'amuse François avec le recul, lui qui alimente sa « fabrique à souvenirs » de ces galères. Une moto, trop lourde, couchée, ou un arbre au milieu du chemin nourrissent autant les photos que les échanges du soir. Et des soirées à venir. « Du coup on n'a pas roulé le dimanche. » Mais le principal était ailleurs.

« Des destinations qui correspondent à nos motos, pour les utiliser dans des moments et des univers différents. »

Dans la journée mais plus encore en soirée, les complicités se développent. Les langues se délient. La nuit tombée est propice aux confidences. Sans wokisme aucun, François reconnaît que « ces soirées entre mecs sont différentes ». « On est loin de tout », même des pudeurs. « Personne ne nous emmerde, on n'emmerde personne. » De quoi confirmer une constante pour ce motard qui n'a pas envie de partir seul. Pas en grand nombre « car c'est toujours compliqué » mais pas seul. « Pour des questions de sécurité, en tout-terrain tout peut arriver. » Mais pas que. « Pour vivre des moments uniques avec des potes choisis » insiste François Salanon qui pense déjà à un prochain trip entre copains. En Écosse. En espérant des chemins plus roulants et moins… gras. Même si dans le gras, le compteur tourne moins que programmé, inversement le conteur de motard, lui, a de quoi faire. Et raconter au retour.

(1) La Gadoue est une chanson écrite par Serge Gainsbourg en 1966 pour Petula Clark et reprise par Jane Birkin 30 ans plus tard.

(2) Le TET réunit plus de 50 000 km de pistes à travers l'Europe, essentiellement en tout-terrain.