S'abonner

Hanhart : les espions à l’heure H

Modifié le Écrit par La Rédaction
Hanhart : les espions à l’heure H
© DR
Couverture complète sur mise-en-avant

Détourner un objet de sa fonction originelle. Dans le microcosme de l'espionnage, c'était (c'est peut-être toujours) devenu une figure imposée. Certains ustensiles sont ainsi passés à la postérité par ces tours de passe-passe. On songe notamment aux fameux parapluies bulgares qui ne protégeaient pas de l'eau de pluie mais expédiaient plus sûrement dans l'au-delà. Georgi Markov, écrivain dissident bulgare, est ainsi passé de vie à trépas, le 11 septembre 1978 à Londres. Les services secrets de sa patrie d'origine lui auraient inoculé un poison mortel (la ricine) dans la jambe via une seringue, discrètement dissimulée dans un parapluie. Dans le contexte particulier de ces années 70, en pleine guerre froide, les espions de l'Est et de l'Ouest s'affrontaient sans vergogne. Sur grand écran comme dans la vraie vie. L'épilogue de l'histoire de Martha Peterson, classifié sous le nom de code “Opération Setoun”, s'inscrit dans ce registre.

Il ne relève pas du cinéma même si c'est précisément dans une salle obscure que son aventure a pris une fâcheuse tournure. Avec un scénario digne du 7e art. Jugez plutôt… Ce 15 juillet 1977, les agents du KGB filent le train d'une femme qui leur donne bien du fil à retordre. Tout de blanc vêtue, elle vient de pénétrer dans un cinéma de Moscou. Elle s'assied en bout de rangée, près de la sortie, fait mine de s'intéresser au film projeté, profite de la pénombre pour enfiler un pantalon par-dessus sa robe, revêt une veste noire, détache ses cheveux avant de se glisser hors de la salle. Comme au cinéma on vous dit ! Et ce n'est pas fini. Bus, trolleybus, métro, taxi, la transformiste multiplie les moyens de transport pour tenter de semer d'éventuels poursuivants. En vain ! Elle est finalement interceptée sur le pont Krasnolouchskyi, avec des documents compromettants sur elle. La légende raconte que dans un ultime baroud d'honneur, elle aurait usé de techniques de karaté et balancé quelques jurons bien sentis dans la langue de Soljénitsyne pour tenter de résister à l'ennemi russe. Sacrée bonne femme !

Officiellement employée aux visas, à l'ambassade américaine de Moscou, Martha Peterson était en réalité une agent de la CIA, recrutée en 1973. Elle serait même la toute première espionne envoyée sur le sol soviétique.

La légende raconte que Martha Peterson fut la toute première espionne de la CIA envoyée sur le sol soviétique

Lors de son arrestation, les agents du KGB allaient découvrir sur l'Américaine un curieux dispositif partant de son chronographe signé de la marque allemande Hanhart. Un fil remontait le long de son bras pour aboutir à un boîtier niché sur son ventre. En fait, en lieu et place du mécanisme horloger avait été installé un micro relié à un enregistreur. Il ne s'agissait nullement d'un bidouillage bricolé à la va-vite mais bien d'un équipement parfaitement élaboré pour les services secrets de Langley.

Le secret de l'Opération Seitoun a été dévoilé 35 ans après les faits, lors de la sortie du livre, signé... Martha Peterson.

Hanhart fournissait la pseudo-montre, tandis que Protona, firme allemande également, se chargeait de l'équipement d'enregistrement Minifon. « Ce type de modèle a été conçu entre les années 50 et le début des années 80 », renseigne Pascal Michel, l'agent très spécial - et commercial - de la marque en France. Les suites de l'Opération Setoun allaient révéler que durant deux ans et demi, Martha Peterson avait collecté moult documents transmis par Alexandre Ogorodnik, alias Trigon, un Russe qui travaillait au ministère des Affaires étrangères. Un traître à sa patrie qui avait préféré se suicider lors de son arrestation, quelques semaines avant le rocambolesque épisode Peterson. Avait-il livré le nom de son contact avant de succomber ? Mystère. Ce qui est sûr c'est que, côté russe comme côté américain, on décida de taire l'affaire. Secret défense ! Ce n'est que 35 ans plus tard, en 2012, qu'elle fut révélée lorsque l'espionne qui venait du froid (son patronyme évoquant furieusement la Suède), alors âgée de 67 printemps, sortit un livre intitulé The Widow Spy, dans lequel elle raconte sa folle aventure. Des photographies d'époque, notamment son interrogatoire dans les locaux du KGB dans le sinistre immeuble Loubianka, en présence d'un représentant du consulat américain, attestent de la véracité de son histoire. Sur les clichés, on distingue d'ailleurs deux garde-temps aux deux poignets de l'Américain.

Deux chronos Hanhart. Pour entendre… deux fois mieux. Dans le petit monde du renseignement, la martingale était éventée

« D'autres technologies plus performantes ont sans doute pris le dessus », suppute encore le représentant France de Hanhart. Reste que le modèle Martha Peterson a décroché sa place au panthéon des objets culte des espions mais aussi au musée de la Maison allemande.

D'autres forces spéciales, d'autres nations, ont sans doute été équipées de la technologie “made in Germany”.

Devant la question, le très smart Pascal Michel répond par un large sourire. On ne va pas non plus dévoiler ici tous les secrets des services du même nom.

Mentionnés dans cet article

Écrit par La Rédaction
Partagez cet article partout

Dernières news sur mise-en-avant

Frank Huyghe : en apesanteur

Frank Huyghe : en apesanteur

La marque française indépendante Ralf Tech a réussi à passer des profondeurs océaniques à l'infini de l'espace. Personne ne l'attendait là-haut. C'est pourtant Ralf Tech, spécialiste de la plongée, qui décroche une collaboration avec le CNES et réalise la première montre française de l'espace ! Par Carine Lœillet.

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine 

Après sa victoire sur la Route du Rhum, le skipper vient de remporter l'Arkea Ultim Challenge Brest, nouvelle course en solitaire autour du monde. Le Finistérien au CV bien trempé a conquis la planète avant de s'imposer en France. Par Xavier de Fournoux.

Heroin Purr riding : road strip

Heroin Purr riding : road strip 

Libre, indépendante, équipée en série d’une bonne dose de sensualité et, en option, d’un pack badass : voici Jacquie. Créatrice de contenu moto sous le pseudo Purr Riding, Jacquie c’est un peu Thelma et Louise à elle seule. Une femme authentique qui se met à nu dans Moto Heroes pour démontrer que tout est possible. Par Ethan Valentin.

Vincent Ipslanti : les chevaux du plaisir

Vincent Ipslanti : les chevaux du plaisir 

Si l'on fait exception du cheval, sur le capot ou sur la fesse, ces deux voitures, la Ford Mustang et la Ferrari 348, ont autant de similarités qu'un hamburger et des tagliatelles. Leur point commun en réalité est un homme de passion aux multiples casquettes. Par Ethan Valentin.

Bellini yacht : una nuova vita

Bellini yacht : una nuova vita

Né en 1960, ce chantier installé en face de Riva a développé une identité originale, construisant ses propres modèles en bois verni et restaurant ceux de son prestigieux voisin. Après des années de transition, voyant le fils Bellini succéder à son père, le chantier de Clusane relance aujourd'hui une nouvelle gamme de prestige. Par Philippe Leblond.

Julien Roucheteau : devoir de réserve

Julien Roucheteau : devoir de réserve

Prendre des risques, parfaire, sublimer un produit, atteindre des sommets, recommencer. Y aurait-il quelques analogies entre gastronomie et moto ? Le temps d'une interview, Julien Roucheteau, Meilleur Ouvrier de France et chef étoilé de La Table des Rois, nous donne des éléments de réponse. Par Arnaud Choisy.

Couverture complète sur mise-en-avant >

Sur le même sujet

Frank Huyghe : en apesanteur

Frank Huyghe : en apesanteur

La marque française indépendante Ralf Tech a réussi à passer des profondeurs océaniques à l'infini de l'espace. Personne ne l'attendait là-haut. C'est pourtant Ralf Tech, spécialiste de la plongée, qui décroche une collaboration avec le CNES et réalise la première montre française de l'espace ! Par Carine Lœillet.

Rolex Comex : joyau d'abysses

Rolex Comex : joyau d'abysses

Référence absolue pour les connaisseurs des montres de plongée, les Rolex COMEX s'arrachent à prix d'or. Pour la première fois de son histoire, l'entreprise marseillaise d'ingénierie maritime, d'ordinaire ultra-secrète, nous a ouvert ses portes et dissipe les mystères qui entourent ces précieuses montres. Par Frédéric Brun.

Laurent Grasso x Bulgari : la tête dans les nuages

Laurent Grasso x Bulgari : la tête dans les nuages

Entre art contemporain et haute horlogerie, Bulgari s'associe à Laurent Grasso pour réinventer son emblématique montre Octo Finissimo. Une collaboration où le temps devient matière à création. Par Camille Bois-Martin.

Du côté de Paris : L'heure Paname

Du côté de Paris : L'heure Paname

Si la place Vendôme et la rue de la Paix abritent les plus grandes maisons, la Ville Lumière regorge d'autres adresses où l'horlogerie est pensée, façonnée et mise en… lumière ! a rencontré les acteurs qui donnent à Paris son supplément d'âme et ce fameux “je-ne-sais-quoi” dans l'univers de la montre. Par Marine Ulrich.

Novak Djokovic : Hublot au filet

Novak Djokovic : Hublot au filet

Le joueur de tennis le plus titré de l'histoire en Grand Chelem, champion olympique à Paris, a développé avec Hublot un composite fabriqué à partir de ses raquettes et des polos qu'il a portés lors de son homérique saison 2023. Djokovic, de passage à Paris pour son lancement, est revenu sur la genèse de cette montre limitée à 100 modèles. Par Arnaud Ramsay.

Renaud Capuçon : Complications & partitions

Renaud Capuçon : Complications & partitions

Renaud Capuçon se livre avec simplicité sur sa passion méconnue pour les montres. Des Swatch de son adolescence aux pièces iconiques, il raconte comment le temps l’accompagne depuis toujours. Par Jean-Pascal Grosso.