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Arnaud Pennarun : la mer en héritage

Modifié le Écrit par La Rédaction
Arnaud Pennarun : la mer en héritage
© Jean-Marie Liot, Mickaël Largy et Association Éric Tabarly
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Il y a des rencontres qui marquent plus que d'autres. Celle d'Arnaud Pennarun en fait partie. Car derrière cet amoureux du large se cache un homme engagé, passionné et passionnant. Issu d'une lignée de sept générations de marins-pêcheurs qui a payé un lourd tribut à la mer, Arnaud grandit face à la plage de la Joie près de La Torche, bercé par la houle de l'Atlantique. « En face, il n'y a rien à part les États-Unis. J'ai toujours eu envie de partir, pas de l'autre côté mais au large », raconte celui qui a depuis toujours besoin d'être « dans une ambiance minérale, avec de l'eau, du vent ». En 1992, sa route croise celle d'Éric Tabarly sur une régate.

Une rencontre déterminante dans sa vie de marin, d'homme aussi. Quelques semaines plus tard, il embarque à bord de Pen Duick. « On faisait souvent des croisières, mais en équipage réduit et en mode régate. Avec Éric, il fallait toujours que le bateau soit très bien réglé. Ce n'étaient pas des vacances », indique-t-il. En parallèle, il régate beaucoup en Dragon et multiplie les navigations sur de nombreux supports, dont les classes J et A, en amont de l'America's Cup. Touche-à-tout, il pratique aussi le surf, le rugby et l'athlétisme. La mer, Arnaud en a fait aussi son métier. Après des débuts dans la marine marchande, il entre dans la Marine nationale en 1994 en tant que plongeur. De cette expérience, il retient la haute valeur humaine et technique des femmes et des hommes avec qui il a travaillé, son séjour de quatorze mois dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) à Port-aux-Français, sur l'archipel de Kerguelen. Et ses deux tours de l'Atlantique comme chef de quart sur la goélette La Belle Poule qui clôturent avec panache seize ans de bons et loyaux services à la mer. Ses différentes affectations et la disparition d'Éric Tabarly n'entravent pas son lien avec les Pen Duick. La suite de sa carrière y est d'ailleurs étroitement liée.

En 1992, la route d'Arnaud Pennarun croise celle d'Éric Tabarly sur une régate...

En 2004, après avoir sillonné la quasi-totalité des mers du Globe à l'exception du Pacifique, il pose son sac à Pont-l'Abbé (Finistère) et crée le Chantier Naval de Pors-Moro. Pen Duick est le premier bateau à y entrer. Aujourd'hui, le chantier est dédié à la maîtrise d'œuvre navale et notamment la refonte des navires de la SNSM, le premier armateur de France.

« L'association Éric Tabarly m'a ensuite confié la remise en état d'origine des voiliers Pen Duick. J'ai créé le Chantier Nautique de Keroman à Lorient en 2009 à cet effet. » Ce dernier, où Pen Duick classé Monument Historique en 2016 a été reconstruit de 2017 à 2019, est également spécialisé dans la préparation de grands yachts et la peinture de voiliers en aluminium, dont les Boréal. « Il existe peu de structures moyennes capables de gérer une maîtrise d'œuvre générale. On ne sous-traite que la mécanique, l'électronique et l'électricité. » En tout, les deux entités comptent 32 personnes, dont une vingtaine de salariés. Soucieux de l'environnement et du bien-être de ces derniers, Arnaud s'attache à trouver les solutions les moins polluantes possibles et fait la part belle au recyclage. Deux Grand Banks de 42' et un de 36' des années 1970, qui étaient destinés à la destruction, sont actuellement en travaux à Pors-Moro où ils seront restaurés en stratifiant les coques en teck et les structures en contreplaqué avec des résines biosourcées et des tissus naturels ou recyclés.

De grands travaux de restructuration des chantiers sont également prévus à partir de cette année afin de disposer d'outils pour la construction de bateaux neufs dans ce même esprit. En parallèle de sa carrière, Arnaud continue de naviguer sur l'ensemble des Pen Duick, en tant qu'équipier tout d'abord. « J'ai endossé pour la première fois le rôle de capitaine de Pen Duick à Cowes, en 2000. Ce n'était pas simple car je n'ai pas eu le choix, mais cela m'a permis de prendre confiance en moi. Au-delà du fait que ce soit celui d'Éric, le bateau n'est pas simple techniquement. Et c'est un vrai aimant sur le plan d'eau, il attire tous les autres bateaux. » En 2022, il boucle la Route du Rhum sur Pen Duick III remis dans sa configuration de 1967 - prévue pour un équipage de neuf marins - après un chantier de six mois qui s'inscrit dans sa volonté de faire classer l'ensemble de la flotte des Pen Duick.

« Les cinq bateaux, qui ont plusieurs propriétaires différents, illustrent l'histoire de la course au large de 1898 à 1973. La flotte a du sens dans son entité. La faire classer permettra de garantir qu'elle reste en France. Et que les bateaux ne soient pas séparés. » Prendre la barre de Pen Duick III n'est pas anodin. « Ça représente beaucoup de choses : Éric, trente ans d'histoire avec ces bateaux, la famille Tabarly. Il y avait une vraie dimension humaine dans ce Rhum inscrit sous le signe du partage. » Le dénominateur commun dans tout ce que fait le Cap-Hornier aux valeurs fortes : l'engagement. « Je pense que dans la vie, il est indispensable de s'engager, dans les causes, l'amitié et le reste, sinon ça n'a pas trop de sens. » Ce qui le fait vibrer ? La course au large en solitaire, bien plus que la régate entre trois bouées. « Ce qui est magique, c'est que tu décides de ton destin. Les choix que tu fais, bons ou mauvais, ont un impact direct sur la suite. C'est une forme de liberté extrême, de celle que j'ai ressentie en Antarctique, notamment aux Kerguelen où je faisais des déposes de scientifiques, les évacuations sanitaires des bateaux de pêche quand il y avait des blessés dans des conditions drastiques, parfois dans 10 mètres de creux. Il n'y avait pas de plan B, pas le droit à l'échec. » Pour autant, il n'envisage pas d'en faire son métier à plein temps.

« J'ai une entreprise et je partage une belle aventure avec mes salariés. Ils comptent sur moi, comme j'ai pu compter sur eux quand j'ai créé les chantiers. Je n'ai pas envie de casser ce lien. » Arnaud est également amateur de belles choses, à l'instar de sa moto Royal Enfield 500 Bullet de collection, sa montre Panerai Marina Militare qu'il porte au poignet ou encore sa Jeep Willys de 1944. Pour ce qu'elles représentent, l'investissement humain qu'il y a derrière. Et leur histoire. « La Jeep a été assemblée en Angleterre en avril 1944 et affectée au 111e bataillon de construction navale avant d'être débarquée à Omaha Beach avec un équipage de Seabees en juin 1944 pour la construction du Mul A. Pour moi, l'histoire est importante. Et c'est un véhicule qui représente la liberté, comme la voile. » En 2014, il participe au 70e anniversaire du D-Day. L'an prochain, il fera à nouveau le déplacement en Normandie. Son rêve : une Chrysler New Yorker Highlander de 1930, reconditionnée et remotorisée par Corvette. Amateur de Robusto cubains, Arnaud apprécie les bonnes choses au fort caractère. « J'aime associer les cigares avec une autre fabrication humaine à haute valeur ajoutée, comme le whisky de l'île d'Islay que j'ai appris à aimer à travers les histoires d'hommes qu'il y a derrière. » Des plaisirs qu'il aime partager, lui qui place l'amitié à un niveau très haut dans ses valeurs et qui apprécie les rapports forts en échanges.

« Je pense que dans la vie, il est indispensable de s'engager, dans les causes, l'amitié et le reste, sinon ça n'a pas trop de sens. »

D'ailleurs, il va créer un yachtclub pour ses amis dans un ancien bateau à trois ponts. Ses projets à plus ou moins long terme : terminer la restauration d'un Giraglia en bois moulé de 1960 qu'il a en copropriété avec son ami Jean Galfione avec lequel ils vont courir les courses du RORC, naviguer sur le premier vieux gréement qu'il a retapé quand il était étudiant et faire le tour du Pacifique « pendant au moins trois ans » une fois à la retraite. Et pourquoi pas retourner un jour dans les îles des TAAF pour un hivernage.

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