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Mazda : centenaire fringant

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Mazda : centenaire fringant
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C'était le 30 janvier dernier, le compteur des années de vie de Mazda atteignait le chiffre magique de 100 années. Une étape d'importance pour le constructeur basé à Hiroshima et qu'il s'apprêtait à célébrer en grande pompe au Salon de Genève. Mais Genève a été annulé, un des premiers signes de l'importance de la crise que vous savez. Pas de rassemblements, pas de fêtes pour marquer l'événement donc, du moins pas pour le moment. Mais cela ne retire rien à la richesse de l'exceptionnelle histoire de la marque que nous vous comptons ici. Les débuts se font loin du monde de l'automobile. Le Japon n'est d'ailleurs pas producteur de voitures à proprement parler dans ces années 20, post-Première Guerre mondiale. Certains constructeurs américains produisent au pays du Soleil Levant, mais les marques nationales n'existent pas encore, du moins pas sous la forme que l'on connaît aujourd'hui.

Jujiro Matsuda, né en 1875 dans une famille de douze enfants (c'est le plus jeune), a des velléités de réussite dans l'industrie. Le jeune garçon né à Hiroshima part pour la ville d'Osaka où il crée un business de pompes à eau en utilisant une technologie brevetée, amasse un pécule et revient à sa ville d'origine. Il rejoint alors Toyo Cork Kogyo Co. , Ltd, entreprise fondée en 1920, première pierre de ce qui deviendra par la suite Mazda (en japonais, le nom se prononce “matsuda” comme son président). Le business ? La production de plaques de liège. Un matériau qui sera repris sous forme de clin d'œil dans l'habitacle de la toute dernière Mazda, la MX-30, premier modèle 100 % électrique de la marque qui sort cette année… Mais au fil de différentes catastrophes qui marqueront la vie de l'usine (incendie, tremblement de terre) et avec la concurrence grandissante sur le marché du liège, Matsuda décide de se concentrer sur les machines-outils avant de s'intéresser à une industrie florissante : les véhicules. Oh, nous sommes loin des petits roadsters et des sportives à moteur rotatif.

Le nom Mazda est à la fois une référence à son créateur et au dieu perse de la lumière, Ahura Mazda

Après un premier prototype de moto, la priorité est donnée aux véhicules au meilleur compromis prix/utilité, des sortes de motos façon pick-up à trois roues. Ainsi, en 1931, le Mazda-Go est lancé, portant pour la première fois ce nom, à la fois référence à son créateur et au dieu perse de la lumière, Ahura Mazda. C'est un engin bien modeste avec son monocylindre refroidi par air (développé en interne, 482 cm3 pour 9,4 chevaux) et avec une boîte trois rapports.

Il connaît le succès, est décliné en différentes versions par la suite et, dès 1940, un prototype de la première vraie automobile Mazda est développé. Puis vient la guerre, l'engagement du Japon auprès de l'Allemagne et la réplique américaine qui touche au cœur le berceau de la marque : Hiroshima. La première bombe nucléaire de l'histoire (nommée Little Boy) est ainsi larguée le 6 août 1945 en plein dans la ville, provoquant la sidération, rasant une bonne partie des bâtiments et tuant des dizaines de milliers de personnes, sur le coup et plus tard, en conséquence des blessures et radiations. Un drame absolu dont la ville est ressortie pourtant forte et soudée, avec une volonté incroyable. Les chaînes de production purent repartir quelques mois à peine après la catastrophe, sortant à nouveaux des utilitaires à trois roues. En attendant l'avènement de l'automobile, la vraie. C'est en 1960 que sort des chaînes la première voiture particulière de Mazda, la (toute) petite R360 Coupé. Comme Fiat en Italie, elle accompagne une économie florissante et offre l'accès à une automobile à des couches de population qui peuvent pour la première fois l'envisager. Un joli petit “pot de yaourt” de quatre places, 380 kg, 16 chevaux (bicylindre en V de 356 cm3 ) et capable de rouler à 90 km/h, le tout pour 300 000 yens, un prix très abordable pour l'époque.

Mais l'industrie automobile florissante était menacée de restructuration par le gouvernement et, dans ce contexte, Mazda voit l'invention d'un ingénieur allemand, Felix Wankel, comme une planche de salut pour assurer son indépendance et perdurer. Ainsi, le moteur rotatif fait l'objet d'un partenariat stratégique entre la marque NSU et Mazda en 1961. Mais cette technologie n'est pas sans défauts, à commencer par des problèmes récurrents d'étanchéité et de fiabilité dans le temps, en plus d'un manque chronique de couple moteur. Ce qu'on appellerait aujourd'hui une “task force” est mise en place. Comme dans la légende des 47 Rônins (samouraïs laissés sans chef), 47 ingénieurs sont dédiés au raffinement du moteur rotatif et au développement du premier modèle bi-rotor au monde. Il fallait un écrin à la hauteur de ce joyau mécanique, c'est ce qu'assurera avec brio la Cosmo Sport 110 S, lancée en 1967. Avec son porte-à-faux arrière XXL et sa ligne vraiment unique, elle marquera les esprits. Et puisque le sport est toujours le meilleur moyen de faire ses preuves, il ne suffit pas de jouer des apparences, mais il faut mouiller la chemise… La Cosmo prend part au Marathon de la Route, une course internationale de 84 heures disputée sur le circuit du Nürburgring en Allemagne. Quatre jours à fond ! Résultat, une brillante quatrième place pour prouver sa sportivité et sa fiabilité. C'est le début d'une saga de Mazda sportives à moteur rotatif qui seront engagées avec succès dans de nombreuses compétitions. Les R100 Coupé, puis RX-2, RX-3, RX-4, jusqu'à la mythique RX-7 de 1978, qui connaîtra un immense succès commercial (près de 500 000 exemplaires) et sportif. Sur piste (victoire aux 24 Heures de Spa) comme en rallye avec une version Groupe B, qui, en simple propulsion, pourra tenir tête sur certains terrains aux monstres à transmission intégrale de cette époque épique. Le moteur rotatif sera aussi exploité à bord de tous les types de véhicules par Mazda, y compris de lourdes limousines (Roadpacer), des coupés GT luxueux (Eunos Cosmo), et même des bus et utilitaires…

Comme dans la légende des 47 Rônins, 47 ingénieurs sont dédiés au raffinement du moteur rotatif

Mais revenons en 1969 pour évoquer une des plus belles Mazda, la Luce Coupé, dessinée par Bertone en Italie. Un splendide coupé aussi élégant que rare (moins de 1 000 exemplaires), au moteur rotatif qui lui donne un caractère unique. Ultra chic, il est présenté dans certains grands magasins de luxe du pays et son tarif est celui d'une voiture de prestige, ce qui limitera sa diffusion. Tout aussi unique et superbe, la RX-7 de troisième génération (nom de code FD) est fameuse auprès des fans de jeux vidéo ou de drift avec sa puissance frisant celle d'une supercar (280 chevaux), délivrée par un moteur à double rotor et double turbo à la sonorité magique. Elle est apparue en 1991, une année à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de la marque qui accomplit alors un exploit qui fera la fierté de toute une nation. Le Mans, la plus célèbre course automobile au monde, a une aura toute particulière au Japon et lorsque, après des années de persévérance, Mazda devint enfin le premier constructeur de l'archipel à gagner les 24 Heures, quel exploit ! D'autant que, comme pour compliquer les choses, c'est un quadrirotor qui anime le prototype 787 B qui gagnera aux mains de Bertrand Gachot, Volker Weidler et Johnny Herbert, dans sa dernière année possible avant un changement de réglementation.

Sa sonorité stridente s'entend en permanence dans tout le périmètre du circuit sarthois et ses montées en régimes ravissent les oreilles des passionnés. Une personnalité mécanique unique, une livrée orange et verte flashy, impossible d'ignorer l'auto cette année-là, pilotée en mode sprint par ses pilotes dans un marathon épuisant , Johnny Herbert, au volant sur la ligne d'arrivée, ne pourra atteindre le podium tellement il s'est donné. Un projet insensé réussi avec l'aide d'Européens, comme Hugues de Chaunac (ORECA) et Jacky Ickx comme conseiller spécial.

Autre grand succès de Mazda, le MX-5 est le roadster le plus vendu au monde avec quatre générations et plus d'un million d'exemplaires produits sur plus de trente ans. Une auto culte, probablement la seule de la marque que tout le monde connaît. Elle reprend une recette simple, celle des roadsters anglais et italiens des années 60, oubliée dans les années 80 et remise sur la table grâce à un journaliste automobile américain, Bob Hall, proche de la marque. Deux places, cheveux aux vent, une auto légère et vive aux sensations directes, propulsion pour le fun et abordable. Le bonheur automobile dans sa plus simple expression. Mais là où il fallait bricoler les Triumph ou Lotus de l'époque, la fiabilité japonaise épargne les heureux conducteurs des années 90. Dévoilé au salon de Chicago, le MX-5 (Miata aux US) séduit immédiatement et les cadences de production ne peuvent pas suivre la demande mondiale. Certains spéculent sur l'auto pour racheter des bons de commandes à prix d'or, c'est LA voiture du moment. L'idée de faire corps avec l'auto est symbolisée de manière toute japonaise avec l'expression “Jinba Ittai”, l'harmonie entre le cavalier et son cheval au moment de décocher une flèche. C'est précis, un peu onirique mais on comprend le tableau. Le MX-5 gardera cet esprit au fil des générations sans se dévoyer et, même en ces temps de chasse au CO2, sa formule minimaliste reste parfaitement d'actualité. C'est aussi une des voitures les plus présentes sur les circuits du monde entier et on la trouve dans des films, des jeux vidéo, des rassemblements de clubs sur tous les continents. Chez Mazda, les années 90 sont une époque à la fois créative avec le MX-5 donc, des berlines aux allures de coupés (323 F) et une montée en gamme avec la ligne Xedos, mais aussi très banale avec les sages 323 et 626 qui assurent de très bonnes ventes à la marque, y compris en Europe. Sa réputation de sérieux et de fiabilité permet de vendre des modèles peut-être pas très glamour, mais efficaces. Heureusement, même pour le cœur de gamme très grand public (“bread and butter” comme l'appellent les anglophones), la marque se donnera un coup de jeune en 2002 avec une nouvelle génération de produits lancés avec le slogan Zoom-Zoom. S'il fonctionne mieux en anglais qu'en français, il a le mérite d'être mémorisé facilement et accompagne des Mazda6 et Mazda3 aux lignes sportives, construites sur des bases techniques solides partagées avec Ford, propriétaire de la marque dans ces années-là. Des modèles sportifs baptisés MPS sont lancés aussi, avec pas moins de 260 chevaux sous le capot.

L'idée de faire corps avec l'auto est symbolisée par l'expression “Jinba Ittai”, l'harmonie entre le cavalier et son cheval

Redevenue indépendante, la marque développe une toute nouvelle génération pensée de A à Z dans les années 2012 sous le label Skyactiv, avec des moteurs thermiques aux caractéristiques uniques (taux de compression extrêmes) et des poids contenus pour limiter les consommations. Puis le design, sous la direction de Ikuo Maeda, gagne une sophistication unanimement reconnue et la gamme actuelle est acclamée. Une montée en gamme ambitieuse alors que le premier modèle 100 % électrique est présenté en 2020 pour le centenaire. Une façon de rentrer dans le rang pour cette société d'ingénieurs passionnés ? Pas si sûr, une version avec un prolongateur d'autonomie sous la forme d'un moteur rotatif est pressentie…

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