Thomas Fleuret – Vintech : rêves partagés

Après avoir fait ses premières armes dans les bureaux de nombreux constructeurs, le designer français a rapidement décidé de suivre une trajectoire indépendante. Pour exercer son activité, Thomas a fait le choix de la Californie, et plus précisément de Los Angeles, patrie de la créativité et du design automobile, mais aussi la terre où tous les rêves (ou presque) peuvent prendre vie. Le sien a rapidement germé dans sa tête, au fil de son quotidien sous les palmiers et sur ses planches à dessin, dans une ville tout aussi pétillante que ses ambitions. Ce n'est que deux ans plus tard que son rêve se réalise : « Lors de ses vacances à Los Angeles, j'ai rencontré Frédéric Robin, avec qui j'ai collaboré chez Renault pour la conception d'un concept car. Nous avons alors décidé de créer Vintech, qui s'ajoute au Groupe D3. » Installé à Guyancourt, fief du Technocentre Renault, il n'y a pas de hasard, le groupe français regroupe plusieurs entités aux compétences complémentaires en matière de design, d'ingénierie et de conception. Aux quatre marques qui ont conservé leur identité propre, s'ajoute alors Vintech LLC, dirigée par Thomas, qui rassemble toute l'expertise de D3 en une seule adresse aux États-Unis.

« Vintech est un peu comme une maison de haute couture qui préparerait les tenues pour un défilé de mode. »

Ayant désormais aménagé à Hawthorne, au sud de la mégalopole américaine, Vintech, contraction de “vintage and technology”, œuvre sur deux secteurs différents, mais intimement liés, la branche Vintech Technologies apporte son expertise aux constructeurs automobiles, alors que Vintech Motors s'inscrit dans le mouvement restomod, en appliquant des techniques modernes au service de la restauration des anciennes. C'est par cette voie que l'entreprise a décidé de se faire connaître en 2012, en dévoilant la P550 Tribute lors du très select Concours d'Élégance de Pebble Beach. Avec ce concept, les deux Français démontrent alors tout leur savoir-faire dans un écrin où trônent les plus belles lignes de l'histoire. Un coup d'essai, mais aussi un coup de maître, fruit d'un travail passionné et acharné de sept mois, ainsi que d'un investissement dépassant allègrement le million d'euros, la Vintech P550 Tribute a rencontré un franc succès. La machine est alors lancée pour la société américaine qui enchaîne les contrats avec de grands constructeurs historiques, à l'image de BMW, Mazda ou Acura, branche américaine de Honda. S'étalant sur près de 1 000 m2 sur les bords d'El Segundo Boulevard, Vintech dispose de son propre studio mais aussi d'un atelier de 700 m2 car, hormis les nombreuses missions de design consulting et de conseil en matière de tendance dans la sphère du design automobile, Vintech participe activement à l'élaboration et à la fabrication de tout ou partie de concept cars et autres prototypes. Avec une seule constante toutefois : « Vintech ne propose que des pièces uniques et ne produit pas d'éléments en série.

Nous proposons un service haut de gamme et Vintech est un peu comme une maison de haute couture qui préparerait les tenues pour un défilé de mode », souligne Thomas. L'image est donnée. Dans cet espace au style architectural industriel, les designers et ingénieurs appliquent la stricte définition du design, en liant la technique au style. L'aspect vintage s'arrête toutefois aux murs, puisque les équipes imaginent, dessinent et modélisent des solutions avec les dernières technologies. On y trouve assurément des feuilles blanches et des crayons pour laisser exprimer la créativité en quelques coups de poignet, mais le numérique occupe désormais une place très importante en ce lieu. Le fruit de l'imagination est projeté sur l'interface de logiciels de conception 3D, à l'image d'ALIAS Autodesk, alors que les crayons prennent désormais la forme de deux manettes reliées à un système de projection en réalité virtuelle.

Cette installation, qui peut encore faire rougir certains constructeurs historiques, permet de façonner des formes plus ou moins complexes, tout en les intégrant dans un environnement virtuel à une échelle donnée.

Ce processus de création haut de gamme ouvre sur de nouvelles perspectives en matière de création, avec une conception plus précise et une simulation du produit final avant une mise en production. Cet outil technologique a d'ailleurs donné naissance à une nouvelle génération de designers, communément appelés Immersive Designers dans ce milieu. Issus des écoles de design qui proposent pour la plupart un cursus de formation dédié à ce métier, ces profils sont ciblés par Vintech : « Nous recherchons régulièrement des designers sortant des écoles de design ou des écoles d'ingénieurs, disposant d'un niveau Master's Degree (NDLR : équivalant au bac +5). Une fois un profil ciblé, nous nous occupons de toute la partie administrative afin d'obtenir un “visa travail” pour nos collaborateurs. »

Entreprise juridiquement américaine, mais au sang français, Vintech permet même aux designers nationaux de profiter du visa E-2, une sorte de Golden Visa qui ouvre sur des contrats à durée déterminée de cinq ans dans le studio d'Hawthorne. Née avec seulement quatre employés, la société Vintech compte désormais sur plus de trente collaborateurs. Et ils pourraient être quarante à la fin de l'année 2020. Un effectif nécessaire pour désormais supporter les activités grandissantes de design consulting qui s'adressent aussi à quelques start-ups du secteur automobile, comme le célèbre préparateur Singer ou Lucid Motors, dont l'Air, une majestueuse berline électrique, a été confectionnée par Thomas et son équipe. Désormais sur de bons rails, tout en reposant sur une solide expérience et des outils de pointe en matière de conception ou de fabrication, l'entreprise a décidé de se décliner avec la branche Vintech Motors. Un nouveau nom qui permet à Thomas d'exprimer désormais sa propre vision pour moderniser, doper ou réinventer les icônes du design automobile.

Sa vision représente ce que Porsche aurait pu produire à l'époque, en disposant des moyens actuels.

Animé par la recherche continuelle de la forme parfaite, de l'ultime harmonie des lignes, le designer a fait le choix d'une Porsche 912 qui partage son quotidien californien. Le dessin est similaire à celui des premières 911, les early-911 comme aiment le dire les Américains, mais la philosophie est différente, comme celle de Thomas qui a décidé d'aller beaucoup plus loin en matière de réinterprétation que les autres “carrossiers” locaux, Singer, Gunther Werks ou Magnus Walker en tête. Mal aimée, sinon incomprise, la 912 devient une Licorne en sortant de l'atelier de Vintech. Car au-delà des évolutions esthétiques, qui ont pour seules vocations de bonifier le dessin du coupé, la sportive embarque de nouvelles pièces mécaniques de haut vol, entièrement imaginées par Vintech, avec, pêle-mêle, une boîte séquentielle à cinq pignons sur-mesure, un flat-4 air-cooled 2,7 litres unique, un échappement en titane et tout un ensemble de pièces fraisées dans la masse. Selon Thomas, sa vision représente ce que Porsche aurait pu produire à l'époque, en disposant des moyens techniques, industriels et financiers actuels. Comme l'animal mythologique, la Licorne sera rare, puisque tirée à seulement douze exemplaires, toutes revêtues d'une couleur différente.

Une exception toutefois pour la dernière de la série, qui adoptera une couleur connue qu'à la remise des clés à l'heureux client. Une surprise du chef qui ouvrira alors sur un nouveau chapitre, avec une réinterprétation de la Porsche 928.