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Alexandre Moreau-Lespinard : allumez le feu

Modifié le Écrit par La Rédaction
Alexandre Moreau-Lespinard : allumez le feu
© Marc de Tienda
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En 1975, Johnny Hallyday chantait Hey, lovely Lady. Un air qu'il pouvait entonner à la barre de cette jolie unité, un Bertram Baron 28, domiciliée depuis sur le bassin d'Arcachon.

À l'époque, la destination est plus tranquille que les ports de Méditerranée, et surtout l'accueil de son secrétaire-manager, Jean-Pierre Pierre-Bloch, lui permet de profiter pleinement de l'escale de façon tranquille. Johnny a toujours apprécié les sensations fortes en matière mécanique ou les engins à forte identité. Le Dont III est un bon mélange des deux. Ce petit offshore est doté de qualités nautiques très saines lui conférant une efficacité redoutable dans des eaux agitées ou mers formées. Son surnom “nez d'aiguille” lui va très bien car pour ses 8,53 mètres de long, le maître-bau de 2,23 mètres lui confère une taille de guêpe très affûtée. Un style de sprinter qui, sans doute, a su charmer notre star qui aimait à traverser les vagues des passes sans trop se soucier de la santé des moteurs, ses temps de séjours étant trop limités entre les concerts pour être précautionneux.

L'aiguille de Johnny, ça pique encore. Le Bertram offshore de la star reste d'un style épuré, pas démodé du tout et très efficace

Cette ligne acérée et élégante a également plu à Alexandre Moreau-Lespinard, lui aussi amateur de bolides en tout genre mais surtout fan inconditionnel du “taulier”. Ce petit offshore ne pouvait lui échapper, étant lui-même un yachtman du bassin. Le début de la fascination d'Alexandre pour Johnny remonte au concert de 1993 au Parc des Princes, pour les cinquante ans de la star. Il ne compte plus, sa famille sûrement mieux que lui, le nombre de concerts qu'il a suivi allant même au Royal Albert Hall à Londres pour un événement privé. Pourtant James, son père, encore de nos jours le plus ancien disquaire indépendant en activité en France, était incollable en classique ou en jazz. Son éducation musicale n'est donc pas à mettre en cause, sa passion automobile non plus, quelque peu guidée par James, celui-ci connaissant un grand nombre de marques automobiles. Alexandre vivant sur le plateau d'Angoulême, le circuit des remparts a fini de le piquer aux joies de la course auto et des sports mécaniques en général. « Depuis tout petit, en allant à l'école, mon père décrivait les voitures de prestige venues chercher tel ou tel écolier. Cela allait de la SM Maserati à la Salmson en passant par la musique sourde de l'Hispano Suiza. » Lors de l'été 2014 à Saint-Barth, Alexandre rencontre enfin son idole grâce à un autre amateur de canot automobile, Patrick Raffeneau, propriétaire d'un Chris-Craft Cobra sur le bassin. Une rencontre d'une simplicité désarmante et des plus chaleureuses. De plus, James, le disquaire attentionné, a transmis à son fils un 33 tours, peu édité, avec une couverture de Johnny et de son pote Eddy Mitchell que le rockeur ne connaissait pas. Johnny demande alors une dédicace à Alexandre, un moment gravé pour toujours, qui scellait son attachement à la star.

En 2012, Jean-Philippe Smet avait laissé le bateau à Anne-Marie, l'épouse de son vieil ami Jean-Pierre Pierre-Bloch. Par la suite, le bateau sera mis aux enchères par l'étude de Jean-Pierre Osenat et finira enfin chez notre passionné.

Le Dont III est sûrement en de meilleures mains actuellement, Alexandre, tout compétiteur qu'il soit, aime tout de même profiter le plus longtemps possible de ses sorties en mer en particulier à bord de son bateau fétiche.

Deux ans de restauration assidue ont été nécessaires sous l'égide d'Ezequiel Cano Lanza, architecte naval à l'origine d'ECLA. « J'apprécie ses idées en matière de style et son travail d'architecte naval », confiait Alexandre, rassuré pour s'approcher au maximum du modèle d'origine. Avec des méthodes modernes de numérisation des plans du bateau par CLYD (le bureau d'architecture d'Ezequiel), des recoupements de documents avec Bertram et d'infos concernant la sellerie avec Villanova, le refit du Dont III se rapproche au plus près du bateau de Johnny.

Une restauration minutieuse confirmée par le bouche-à-oreille d'anciens ouvriers, d'amis ou de fans de Johnny

Le cockpit n'a pas été négligé, en témoignent les sièges reconditionnés avec leurs coutures noires soignées par Arc Abris, sans oublier le prolongement de la bande jaune sur la banquette arrière. L'ensemble de la rénovation a été fait par des entreprises de la région, non sans une certaine fierté de bosser sur le bateau de “l'idole des jeunes”. La griffe Bertram est à sa place sur la console avec juste les commandes nécessaires pour une nav'sport. Rare entorse, ce joli nez effilé perd le bastingage pour affiner la ligne très pure du petit offshore. A dire vrai, qui se prendrait d'envie de fréquenter cette surface du bateau même à faible vitesse ? Le cockpit, des plus rassurants vu l'ADN du Dont III, semble être le seul endroit pour savourer les qualités du bateau sans risquer un catapultage. Retrouver l'aspect extérieur d'origine n'a pas été des plus simples. Pour la robe du Dont III, les photos noir et blanc d'époque ne résolvaient pas le mystère des couleurs rouge et blanc façon croisette appliquées lors de sa vie niçoise.

Seule la visite d'un Arcachonnais connaissant le bateau a permis de lever le doute pour retrouver une livrée bleue avec une bande jaune. L'enquête fut verrouillée après les confirmations de Greg du Sailfish et du légendaire Benoît Bartherothe au Cap Ferret. Peinture Plaisance s'est empressée d'appliquer les teintes initiales et replacer la “tête de requin” sur la proue du bolide une fois le dessin affiné. Les deux MerCruiser d'origine, développant à peine 215 chevaux pour contrer la fougue de notre rockeur, ont laissé place à deux MerCruiser de 5,7 litres bien plus rassurants pour les performances et la longévité du Bertram. Le chantier Marine Plaisance, sous l'expertise d'Antoine Connilhere, a géré l'installation des big blocks associés à des embases Bravo One.

La prochaine étape portera sur de nouvelles hélices pour un déjaugeage plus rapide du Bertram qui est donné pour 50 nœuds en pointe. Autant dire “à ne pas confier à quelqu'un sans expérience”. La sensibilité des commandes Power Ultraflex requiert un calme olympien pour les manœuvres près des quais Classic du port d'Arcachon.

L'animal est à réveiller tranquillement surtout que le Dont III est régulièrement observé par les fans de Johnny lors de pèlerinages plus discrets qu'au cimetière de Lorient à Saint-Barth.

Curieusement, malgré l'empressement de partir ciseler l'eau glassy du bassin ce soir, Alexandre manifeste un respect particulier, quasi religieux, dans les préparatifs de mise en route et le départ du quai. La puissance sourde des MerCruiser laisse présager un tempérament affirmé lors de la sortie du port et même avec une sonorité discrète au ralenti, impossible de passer inaperçu au milieu des pêcheurs ou des plaisanciers rentrant en ce début de soirée. Une fois dans l'eau libre, Alexandre envoie de quoi ouvrir les quadruples corps Holley, pour vite déjauger et mettre l'aiguille en ligne. Johnny ne pouvait qu'adorer l'esprit américain d'un tel bateau, performant, émotionnant, avec en plus la sonorité rauque des big blocks le rapprochant des sensations vécues au volant de voitures américaines surmotorisées. Lui, très “American way of life”, devait ressentir les mêmes sensations qu'Alexandre fendant les passes entre 30 et 40 nœuds, cruisant sans effort particulier, une grande partie de la coque au-dessus de l'eau. Le pont avant semble immense vu du cockpit, allongeant l'impression visuelle de longueur de la coque.

En réveillant le Dont III, Alexandre poursuit sa belle histoire avec son idole Johnny. Une rencontre très simple, très intense...

Le bateau vit, sans excès de bruit, la puissance ressentie est envahissante. Vu d'extérieur, le volume d'eau déplacé par rapport à la taille du bateau semble faible. Le Bertram fend les eaux de sa carène dessinée par Raymond Hunt, tel un laser. Alexandre savoure ce moment privilégié où seuls nos deux bateaux profitent du bassin dont les eaux tranquilles se marient avec la couleur du racer de son idole. Une communion sereine pour poursuivre une rencontre trop brève avec Johnny. L'histoire du Dont III continue tout en majesté, enjolivant celle d'Alexandre à bord d'un bateau très bien né en 1969. “On veut des légendes”.

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