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La Route du Rhum : rhum cocktails

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La Route du Rhum : rhum cocktails
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Le 5 novembre 1978 est donné à Saint-Malo le départ d'une nouvelle course au large en solitaire très vite surnommée “la Transat de la Liberté”. Plus de 100 000 personnes y assistent malgré une météo maussade. Double vainqueur de la Transat Anglaise (en 1964 et 1976), Éric Tabarly n'y participe pas car il n'a pas trouvé les financements nécessaires pour naviguer sur un bateau compétitif. C'est lui néanmoins qui donnera le départ de cette nouvelle compétition qui regroupe aussi bien des monocoques que des multicoques, des professionnels ou des amateurs. La course a vu le jour grâce non pas à un marin, mais à un homme venu du music-hall. Michel Etevenon est impresario et a été notamment en charge de la promotion de l'Olympia, la célèbre salle de concert parisienne, dans les années 60. Il aime la voile et les défis et a vite compris que la Transat Anglaise allait décliner. L'idée de la Route du Rhum arrive vite et s'inspire d'un chapitre sombre de l'histoire. L'itinéraire emprunté est celui, à partir du milieu du XVIIe siècle, des navires négriers qui emmenaient les esclaves aux Antilles. Pour la première édition de la transat, on recense exactement 38 participants. Cette épreuve sera marquée par une tempête et surtout la disparition, pour des raisons encore inconnues, du navigateur Alain Colas à bord de “Manureva” (“oiseau de voyage” en tahitien). Un nom qui deviendra une célèbre chanson d'Alain Chamfort. Le 16 novembre 1978, le marin de 35 ans annonçait à la radio : « Je suis dans l'œil du cyclone, il n'y a plus du tout de ciel, tout est amalgame, il n'y a que des montagnes d'eau autour de moi. » On ne retrouvera jamais Alain Colas et son bateau ! Côté classement, la Route du Rhum se finit en apothéose avec la victoire de Mike Birch à bord de son petit trimaran jaune “Olympus”, devançant de seulement 98 secondes Michel Malinovski à bord de “Kriter V” après 23 jours, 6 heures et 56 minutes de mer. La légende est née.

Alain Colas et son bateau “Manureva”, un nom devenu tristement célèbre dans la chanson d'Alain Chamfort

En 1982, bis repetita avec, cette fois, 52 concurrents au départ de la transatlantique et déjà 19 abandons ! Au chapitre des nouveautés, la limite de taille est supprimée et les bateaux sont répartis en cinq classes. Et les marins disposent dorénavant de balises Argos à bord des voiliers pour permettre une meilleure localisation en course. Le bilan sportif est amer mais c'est Marc Pajot, à bord de son impressionnant catamaran “Elf-Aquitaine” de 20 mètres, qui franchit la ligne d'arrivée à Pointe-à-Pitre après 18 jours de navigation et 10 heures d'avance sur Bruno Peyron, lui aussi à bord d'un catamaran. Cette seconde édition révèle la montée en puissance des multicoques avec, deux années plus tard, l'apparition des premiers multicoques géants sur la Québec - Saint-Malo.

Seulement 14 jours et 10 heures de course pour traverser à bord du trimaran “Pierre 1er ” de Florence Arthaud

Quatre ans plus tard, l'édition de 1986 voit arriver un total de 33 engagés dont 13 multicoques de plus de 23 mètres en classe 1 et 9 trimarans dont certains sont dotés de nouveaux appendices : les foils. Les dépressions se succèdent sur l'Atlantique et la flotte de La Route du Rhum paie un lourd tribut. Le voilier de Loïck Peyron démâte, le marin Paul Vatine se heurte à un cargo et doit abandonner. Tony Bullimore percute un OFNI (objet flottant non identifié) à la surface et Hervé Cleris chavire.

Une tempête surgit dans la nuit du 12 au 13 novembre faisant dériver Dominique Marsaudon, qui, par chance, en ressort sain et sauf. Loïc Caradec a moins de chance et disparaît en mer à bord du maxi catamaran de 26 mètres “Royale”. Choquée, Florence Arthaud retrouvera le bateau totalement vide. La victoire reviendra à Philippe Poupon (“Fleury Michon VIII”) qui dédiera cette course à Loïc Caradec, à jamais disparu dans l'océan Atlantique !

À l'aube des années 90, la flotte est en pleine mutation et le monde de la voile se professionnalise… Désormais, “Pen Duick”, la société organisatrice, limite à 60 pieds, pour des questions de sécurité et de budget, la taille des bateaux. Du coup, plusieurs 65 pieds se voient refuser l'accès à la course avec des skippers de renom comme Bruno Peyron, Francis Joyon ou Hervé Laurent à la barre. Cette 4e édition restera gravée dans les mémoires avec la victoire d'une femme : Florence Arthaud. À bord du trimaran “Pierre 1er ”, la fiancée de l'Atlantique a rejoint les Antilles en 14 jours et 10 heures de mer. Elle devance l'ancien vainqueur de la Route du Rhum de 1986, Philippe Poupon, et un petit nouveau, Laurent Bourgnon, qui fera rapidement parler de lui. Novembre 1994. Pour cette 5e édition, deux épreuves sont au programme : l'une pour les multicoques et l'autre pour les monocoques. Au départ de Saint-Malo, on compte au total huit trimarans, quatre catamarans et douze monocoques. Outre le défisportif et physique des marins en mer, les conseils des routeurs à terre et autres prévisionnistes ont pris une incroyable dimension. Côté technique, les monocoques 60 pieds nouvelle génération avec leurs ballasts font montre d'un incroyable potentiel. S'ils peuvent faire jeu égal avec les trimarans à certaines allures, ils ont pu faire face aux éléments plus facilement et peuvent se permettre de tenir plus de toile qu'auparavant. Loïck Peyron entame le début de la course en tête malgré son départ trop en avance qui lui a valu un retour sur la ligne d'arrivée avec une pénalité de 7 minutes. Puis arrive une succession d'avaries…

La météo en mer se gâte en 1998 et entraîne de nombreux démâtages

Joyon, sur son bateau “Banque Populaire”, doit faire demi-tour car son multi est gravement endommagé.

Peyron toujours en tête sur “Fujicolor II”, au niveau de la route du Nord, finit par démâter tout comme Mike Birch à bord de “Biscuits La Trinitaine”. Le bateau d'Halvard Mabire se retourne et le marin normand se retrouve alors accroché à son safran pendant plus de dix heures, jusqu'à ce qu'un pétrolier le récupère ! Le skipper suisse Laurent Bourgnon remporte l'épreuve et bat le record de Florence Arthaud en signant un temps de 14 jours 6 heures et 28 minutes. Derrière, on retrouve Paul Vatine, fier de sa place. En catégorie “monocoques”, Yves Parlier et Alain Gauthier complètent le podium à un rythme très soutenu. En 1998, devenue une course médiatique et incontournable pour tous les marins professionnels et amateurs, la Route du Rhum célèbre ses vingt ans avec de grandes “signatures” au cap Fréhel comme Loïck Peyron, Alain Gautier, Francis Joyon, Marc Guillemot, Franck Cammas ou encore Laurent Bourgnon. Dès le début, le temps se gâte et entraîne de nombreux démâtages dont celui d'Yvan Bourgnon. En catégorie monocoque, c'est Thomas Coville qui remporte l'épreuve après seulement 18 jours 7 heures et 53 minutes. Une certaine Ellen MacArthur, petite anglaise de 1,57 mètre sur un immense monocoque 50 pieds, suscite l'admiration des spectateurs maloins. Sa progression est impressionnante face à d'autres skippers comme Raphaël Dinelli mais aussi Jean Maurel. À l'approche de la Guadeloupe, c'est un véritable sprint final qui tient le public en haleine. Marc Guillemot, Alain Gautier et Laurent Bourgnon sont dans un mouchoir de poche. Au final, le skipper helvète remporte une nouvelle fois la Route du Rhum avec un nouveau record soit 12 jours 8 heures et 41 minutes ! Du jamais-vu !

En 2010, Roland Jourdain devance Jean Le Cam de seulement 28 minutes

L’édition 2002 bat tous les records avec 58 concurrents inscrits. Un sacré score pour une transat qui n'avait pas connu un tel engouement depuis 1978. Mais un record aussi au niveau du taux d'abandons avec seulement trois skippers sur 18 qui termineront l'épreuve en catégorie “multicoques”. Dès les premiers jours de la Route du Rhum, une dépression s'est abattue au large de La Corogne engendrant une hécatombe du côté des multicoques. Franck Cammas a chaviré après seulement huit heures de course. Loïck Peyron et Thomas Coville ont dû affaler les voiles. Cette course consacrera la victoire de l'Anglaise Ellen MacArthur en monocoque IMOCA et celle de Michel Desjoyeaux en trimaran ORMA qui, après trois escales techniques, a pris la tête du classement dans une lutte acharnée avec ses poursuivants. En 2006, les monocoques de la Classe 40 sont admis à participer à l'épreuve. La météo est bien plus favorable, permettant à Lionel Lemonchois de boucler le parcours entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre en seulement 7 jours 17 heures et 19 minutes. En catégorie des monocoques, Roland Jourdain entre dans la légende après un combat intense avec son adversaire Jean Le Cam qu'il aura devancé de seulement 28 minutes.

En 2010, les géants sont de retour. Une nouvelle catégorie des multicoques de 50 pieds et plus a été créée afin de remplacer la catégorie des multicoques ORMA. En Ultime, Franck Cammas sur son grand multicoque impressionnant de 31 mètres de long, 22,50 mètres de large, 18 tonnes et 400 m2 de voilure s'impose après 9 jours de course et plus de 10 heures devant Francis Joyon qui a pu tracer sa route dans un vent faible. Chez les monocoques, c'est Roland Jourdain qui remporte le Rhum en catégorie IMOCA. Pour sa 10e édition, la Route du Rhum 2014 réunit 91 concurrents et explose médiatiquement avec une énorme couverture TV & presse, sans compter une foule immense au départ à Saint-Malo comme à l'arrivée en Guadeloupe ! En Ultime, après les déboires de Thomas Coville sur “Sodebo” au départ de Saint-Malo, Loïck Peyron réussit l'exploit de gagner la course en s'engageant à la dernière minute sur le trimaran “Banque Populaire” et boucle les 3 542 milles du parcours en seulement 7 jours 15 heures 08 minutes et 32 secondes. Record battu !

Les records de la Route du Rhum sont pulvérisés dans quatre catégories sur six en 2018

Pour les quarante ans de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe en 2018, le spectacle est également au rendez-vous. Les records de traversée sont pulvérisés dans quatre catégories sur six et de nombreux rebondissements animent la transatlantique. L'arrivée des Ultimes est palpitante avec un face-à-face entre François Gabart et Francis Joyon, ce dernier finissant par s'imposer avec quelques centaines de mètres et seulement 428 secondes d'avance. En IMOCA, le Gallois Alex Thomson, qui menait la flotte sur “Hugo Boss”, s'est endormi à quelques mètres de la pointe guadeloupéenne. Épuisé, il s'est drossé sur les rochers à 60 milles de l'arrivée. Premier sur la ligne d'arrivée, mais obligé de s'extirper à la force de son moteur, il écopera d'une pénalité de 24 heures, laissant la victoire à Paul Meilhat qui décroche sa première grande victoire en solitaire, devant Yann Éliès.

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