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David Douillet : Du dojo à la moto

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David Douillet : Du dojo à la moto
© François Darmigny
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Judo, la voie de la souplesse. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ancien international français n'en manque pas. Durant son enfance et sa jeunesse où il grandit chez ses grands-parents, le deux-roues motorisé lui est tout simplement interdit. La règle est simple, elle est respectée. Cependant, l'adolescence de David Douillet n'a rien d'ordinaire. À seulement onze ans, il affiche 1,80 m sous la toise pour 80 kilos. Repéré pour son physique peu commun, il pousse la porte de l'école du judo puis, quelques années plus tard, celle de l'INSEP, car son gabarit s'accompagne d'un talent, un vrai. Dans l'enceinte de l'Institut National du Sport, David fait la connaissance de Benoît Campargue. Les deux hommes accrochent bien, deviennent amis. En marge de sa préparation de sportif de haut niveau, Benoît est également pilote moto. Il court en Promosport et David lui file des coups de main autour du circuit Carole en banlieue parisienne. Il l'aide à descendre la moto ou prend ses chronos.

David a les yeux qui brillent, Benoît s'en rend compte. « Il m'a regardé un jour et m'a dit que je devrais essayer. Je lui ai répondu qu'il était dingue parce que je n'avais jamais fait de moto de ma vie. Alors, il a emprunté la 50 0 toute pourrie d'un copain, m'a fait prendre la sienne et m'a demandé de le suivre. » Voilà, c'est arrivé comme ça. David Douillet, ses premiers tours de roues à moto, ce fut sur une Suzuki 750 GSXR préparée pour la course. On relèvera qu'il y a des premières fois ostensiblement plus… calmes. Alors ? « Alors !? Coup de foudre qu'est-ce que tu crois ! C'était une furie, une montée d'adrénaline pure. Après quelques tours où je n'arrivais évidemment pas à le suivre, j'ai été instantanément conquis, j'ai immédiatement chopé le virus. » Le souvenir semble aussi frais que s'il avait eu lieu la semaine passée. La suite est logique, réglementaire.

Benoît Campargue m'a dit que je devrais essayer. Je lui ai répondu qu'il était dingue, je n'avais jamais fait de moto de ma vie

Le permis est donc obtenu avec une épreuve, assez cocasse, du passage de la lente au plateau. À l'époque, le parcours sinueux entre les plots se faisait à deux. David a alors sa taille “adulte”. 1,96 m pour un poids de forme made in INSEP à 125 kilos, plus un passager et une CB 500 de moto-école sans doute à l'agonie qui jure encore qu'on ne l'y reprendra plus. C'est donc dans la gamme maxi trail que le quadruple champion du monde et double médaillé d'or olympique va faire son marché. Notre frêle judoka opte en première instance pour un pratique et peu onéreux Suzuki 600 DR qui cède sa place à une Honda Africa Twin pour basculer sur la première génération du Yamaha V-Max : « une tueuse de feux rouges cette bécane mais, sincèrement, si tu rentrais dedans, elle devenait carrément dangereuse » se souvient-il. Autre temps, autre époque, les athlètes de très haut niveau n'étaient pas aussi “encadrés” sur leur choix d'activités physiques autres que la leur. Le ski et la moto s'accompagnaient alors d'un simple « sois prudent ». Une prudence qui n'empêchera pas l'accident un mois après les JO de 1992. « Un abruti qui slalome sur l'A4, il se rabat devant moi, me chope la roue avant. On est à 80 km / h, je fais un soleil, je retombe 20 mètres plus loin. Mon seul souvenir ? Pense à bien tomber. » Épaule détruite et mollet lacéré. Aux dires de son chirurgien, il s'en sort bien, à cette vitesse, on s'explose souvent la rate et d'autres organes et le diagnostic, juste avant l'opération, n'est pas des plus optimistes.

Médaillé de bronze un mois auparavant, le lendemain de sa double opération le voici handicapé et se déplaçant en fauteuil roulant. Trois semaines s'écoulent, le chirurgien avoue n'avoir jamais vu ça dans sa carrière, David cicatrise deux fois plus vite que la moyenne. « À moins d'un an des Championnats du monde c'est au mental et au mental seulement que j'y suis arrivé. J' étais sous électrostimulation du matin au soir pour réactiver les terminaisons nerveuses, résultat, je suis un infirme en septembre, je suis un combattant en février et champion du monde en septembre. » Jugeant qu'il n'est ni responsable ni fautif de son accident, il reprend la moto ainsi qu'une carrière qui finira en apothéose avec l'or des JO en 2000 à Sydney. Du tatami, il passe au monde de la télé, au marketing sportif. Une dizaine d'années passent où l'enfant de Seine-Maritime et d'un village de 600 habitants se dit qu'il est temps de rendre à la Nation tout ce que son pays lui a offert. Le trip politique l'amène au poste de ministre et dure également une dizaine d'années. Il dit : « Honnêtement, en politique, il n'y a que deux jobs palpitants, c'est maire ou Président de la République mais, dans ce type de mandat, tu n'as plus jamais une vie normale. » À moto, David collectionne les Goldwing, est à deux doigts de signer pour le Dakar, se fâche avec BMW pour une bécane neuve dont les freins lâchent sur une sortie d'autoroute, rencontre Pierre Billon (parolier et ami de Johnny vous-savez-qui) qui lui fait traverser l'avenue de la Grande-Armée et fait repartir David au guidon d'une Indian Roadmaster. Installé aujourd'hui en Bourgogne, il conserve une Africa Twin pour tous ses déplacements dans Paris, même si lui aussi reconnaît que la capitale n'est plus qu'une zone de chaos. Engagé dans tout ce qu'il entreprend, il est aujourd'hui un partisan du contrôle technique moto. Un constat qu'il fait lui-même lors d'un salon du deux-roues il y a une quinzaine d'années. Animateur star d'un hall écoresponsable (retraitement des pneus, des huiles, des batteries), il constate qu'environ 20 % des motos qu'il contrôle ne sont clairement pas en mesure de rouler et représentent même un véritable danger pour leurs pilotes. Alors David, la moto aujourd'hui, c'est avec de l'huile dans le sans-plomb ou c'est toujours à fond ? « Avec l'âge et la sagesse, je dirai plutôt qu'on met un peu plus de 95 au lieu du 98 ! » Juste avant de nous quitter, David nous dit : « N'empêchez jamais vos gamins de se mettre à la moto mais quand ils vous le demandent, faites en sorte qu'ils se la paient eux-mêmes pour bien prendre conscience de la valeur de la vie et du coût potentiel de celle-ci. »

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