Bulgari x MB&F : sciences friction
C'est sans aucun doute LA montre la plus ovniesque de l'année. Une pièce d'exception par son audace créative et son design, autant que par sa mécanique. Rencontre avec les hommes derrière la Bulgari X MB&F Serpenti, qui viennent d'une autre galaxie. Par Aymeric Mantoux.

La collaboration Bulgari x MB&F donne naissance à une montre serpent innovante, mêlant design biomorphique complexe et haute horlogerie cinétique.
Sommaire
Il est presque vivant, ce serpent mécanique qui donne l'heure. Pour un peu il sifflerait et glisserait la langue entre ses crochets acérés. Ce qui est certain c'est que cette collaboration inattendue entre Bulgari et MB&F a provoqué stupeurs et tremblements dans le landernau horloger et fait le tour du monde sur les réseaux. Les deux maisons, presque à l'opposé du spectre l'une de l'autre - l'un est un joaillier romain venu aux montres avec succès mais sur le tard, l'autre, dans le droit fil des fabricants d'automates ou de mécanique de haute précision helvète, présente des créations extraordinaires très futuristes.
Les deux défient les conventions. Il en est de même pour Maximilian Büsser, le fondateur de MB&F, et Fabrizio Buonamassa, le directeur de la création horlogère de la griffe romaine. Depuis 2005, MB&F crée de véritables sculptures horlogères cinétiques à porter au poignet, redéfinissant les codes de l'horlogerie traditionnelle. Ses horological machines, nées de collaborations avec les amis de la maison, s'inspirent de la science-fiction, des automobiles sportives ou des insectes et des animaux.
Ce n'est pas la première fois que les deux hommes, devenus amis, collaborent. Fabrizio et Max, tous deux passionnés de design automobile, ont grandi avec des références communes en la matière. En 2021, le fruit de leur premier travail, la MB&F x Bulgari LM FlyingT Allegra, mettait en avant leurs atouts respectifs, les couleurs et la rondeur des pierres, l'élégance italienne de Bulgari, la technicité, l'exigence technique de MB&F. Surprise et surtout immense succès. La suite de la collaboration était écrite ou presque.

Fusion mythique
Pour cette deuxième itération fusionnelle, les deux créateurs s'attaquent à un mythe, celui du serpent, l'un des symboles les plus représentés dans l'art depuis l'antiquité - on se souviendra du serpent de Cléopâtre et de celui du jardin d'Eden entre autres. Une représentation de la métamorphose et de la renaissance, de l'éternité aussi. Depuis 1948, c'est également l'une des créations les plus emblématiques de Bulgari.
Qui avait déjà fait l'objet de très belles montres féminines depuis le renouveau horloger de la marque il y a dix ans. Cette fois-ci, Serpenti a croqué dans la pomme de la haute horlogerie qui en est toute étourdie, en empruntant l'esthétique habitée, presque vivante, des créatures de MB&F. « Il s'agit d'une création hors norme, pour laquelle nous avons dû développer le design, le boîtier et le mouvement en partant de zéro », confie Fabrizio Buonamassa.
Il a fallu plusieurs années, des centaines de dessins à la main, des dizaines de plans en 3D et d'innombrables maquettes pour donner naissance à cette montre hybride, respectant l'identité des deux maisons, tout en ayant sa personnalité et ses caractéristiques propres. « Le boîtier est particulièrement complexe, poursuit Buonamassa. Telle une automobile, il propose des perspectives radicalement variées - de face, de côté, de dessus, de derrière... - qui doivent être également séduisantes. »

Créature mécanique
À l'instar d'une équation aux multiples variables, la moindre modification d'un angle ou d'une courbe pour affiner une vue peut potentiellement en altérer une autre. D'où les multiples itérations de la Bulgari x MB&F Serpenti, le boîtier qui évoque la carrosserie d'une belle voiture, un verre saphir complexe en forme de persienne, telle une lunette arrière de voiture de sport, des couronnes qu'on pourrait confondre avec des roues... De plus, la partie visible du mouvement comporte des éléments comparables à des pièces de moteurs de voiture, notamment une grille ornée des célèbres écailles hexagonales déjà vues sur les précédentes Serpenti.
Lorsque l'esthétique du boîtier a été parfaitement définie, la construction et la fabrication ont entraîné de nouveaux défis et de nombreux échanges. Tout en courbes complexes de la structure métallique aux cinq pièces en verre saphir incurvé, incluant les yeux du serpent et la section arrière à plusieurs facettes, le boîtier de la Bulgari x MB&F Serpenti constitue un ensemble dont l'usinage est un véritable cauchemar. « Chez MB&F où nous sommes spécialisés dans les sculptures cinétiques qui donnent l'heure, explique Maximilian Büsser, nous étions tout à fait dans notre élément. Néanmoins, le design biomorphique de cette montre a engendré d'énormes défis à relever, pour le boîtier comme pour le mouvement. » Le mouvement, conçu et développé en interne, est tout aussi complexe.

On y retrouve notamment le HM10 à remontage manuel, bien qu'il ait subi des modifications majeures pour s'adapter au design raffiné de la nouvelle Serpenti. Dès le départ, Buonamassa avait pour idée principale d'animer la Serpenti mécaniquement en faisant bouger ses yeux, ce qui s'est concrétisé par des dômes rotatifs des heures et des minutes, en aluminium.
MB&F est l'une des rares marques à continuer de perpétuer des processus de fabrication artisanaux et des finitions manuelles, une approche rendue possible par une production annuelle très limitée (moins de 400 montres en 2024). « Nous voulions offrir une interprétation totalement nouvelle du serpent, conclut Buonamassa.
C'est un sujet fascinant qui attire de nombreux collectionneurs. Je pense que nous avons élargi l'horizon du serpent Bulgari. Ce n' est plus seulement une création féminine empreinte de l'ADN de la marque, mais pour la première fois, c' est aussi une pièce technique qui conserve l'esthétique Bulgari et met en valeur l'expertise de MB&F. Comme dans toutes les collaborations réussies, cela a été un véritable échange gagnant-gagnant. »
Le design biomorphique de cette montre a engendré d'énormes défis à relever, pour le boîtier comme pour le mouvement.
Maximilian Büsser

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