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SP80, à vitesse grand V

À bord d'un bateau futuriste tracté par une aile de kite et piloté par deux personnes, la jeune équipe suisse SP80 tentera de battre le record du monde de vitesse à la voile en naviguant à 80 nœuds (150 km/h) uniquement à la force du vent. Un véritable défi sportif et technologique complètement fou ! Par Geoffroy Langlade.

Modifié le Écrit par La Rédaction
SP80: à vitesse grand V
Photos : DR
Résumé

Trois étudiants suisses développent un voilier innovant, le SP80, pour battre le record mondial de vitesse à la voile, mêlant haute technologie et passion sportive.

Sommaire
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Au départ, ils sont seulement trois. Xavier, Mayeul et Benoît sont étudiants en génie mécanique à la prestigieuse École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse. Le trio se rencontre en participant à l'Hydrocontest : un concours universitaire dans lequel des bateaux radiocommandés sont testés pour leur vitesse et leur efficience énergétique.

Cette année-là, leur établissement participe au challenge par le biais d'un ambitieux bateau à foils, sous la supervision de Robin Amacher, ancien ingénieur sur le projet “Hydroptère”. Imaginé par un certain Éric Tabarly et développé par Alain Thébault, c'est l'un des tout premiers bateaux de l'histoire à avoir dépassé la mythique barre des 50 nœuds (92 km/h) à la voile. Tout le monde des “voileux” s'en souvient. Cette rencontre avec Robin va marquer nos trois jeunes ingénieurs, eux-mêmes pratiquants réguliers de kitesurf ou voile.

SP80, à vitesse grand V
Photos : DR

À leur actif : plusieurs raids en catamaran de sport, des traversées océaniques et même plusieurs compétitions en kite. Les images du bateau volant d'Éric Tabary relancent leurs rêves de gamins. En 2016, ils décident de se lancer à leur tour dans un projet baptisé SP80. Objectif complètement dingue : battre le record du monde de vitesse à la voile détenu encore aujourd'hui par Paul Larsen. En 2012, l'Américain avait signé un chrono de 65,45 nœuds (121,21 km/h) à bord de son Vestas Sail Rocket II sur une distance de 500 mètres homologué par le sérieux World Sailing Speed Record Council.

L'équipe suisse souhaite s'attaquer simultanément au record mondial de la vitesse moyenne sur un mille nautique, soit 1 852 mètres. En 2019, soutenu par un premier sponsor et leur école helvétique, le trio passe à la vitesse grand V et met en place une structure pour gérer ce challenge avec l'idée de concevoir un prototype capable d'atteindre les 80 nœuds (150 km/h). Une vingtaine d'ingénieurs et d'étudiants rejoignent l'équipe pour développer ce bateau révolutionnaire qui prend au début la forme d'une petite maquette.

Naissance d’un prototype

« Après de nombreuses heures passées dans les laboratoires de l'EPFL à faire des itérations, imaginer des prototypes et tester différentes formes de kites et d'ailerons super-ventilants, nous avons mis à l' eau en 2020 un premier modèle réduit de 4 mètres de long sur le lac Léman », raconte l'équipe suisse. Testé et amélioré pendant plusieurs mois, le concept est finalement approuvé et l'équipe se concentre sur la construction du bateau pour le record.

Celui-ci prendra la forme d'une fusée flottante de 10,50 mètres de long pour 7,50 mètres de large fabriquée par Persico Marine en collaboration avec les sociétés North Thin Ply Technology (NTPT) et Sinergia Racing Group (SRG). Persico Marine est un chantier italien qui possède un savoir-faire technique et une expérience inégalée dans le domaine des voiliers de course (Ocean Race, America's Cup, 52 Super Series ou Vendée Globe) et le yachting. Soutenu par l'arrivée de Richard Mille comme sponsor-titre et la participation de nouveaux étudiants de l'EPFL, le projet voit concrètement le jour au printemps 2022. La coque centrale du bateau contenant le cockpit est ainsi livrée dans les ateliers SP80 en Suisse. De loin, il ressemble à un avion.

On pense ainsi au B-21, le nouveau bombardier furtif de l'armée américaine, ou à un Objet Flottant Non Identifié, un ofni. « Ce bateau ne ressemble vraiment à aucun autre. Fabriqué à base de carbone avec des renforts en kevlar, le SP8 0 dispose d'un cockpit à deux places et centralise toutes les commandes nécessaires au contrôle du kite et du bateau , explique Xavier Lepercq, l'un des trois étudiants à l'origine du défi. Les mesures de sécurité nécessaires pour les pilotes sont proches de celles d'un avion de chasse. Son cockpit est conçu pour garantir leur sécurité tout en conservant une bonne ergonomie et une excellente vision du plan d'eau. »

SP80, à vitesse grand V
Photos : DR

Vers le record du monde

Élément clé, une aile de kite capte la puissance du vent et la transforme en force propulsive avec l'aide du foil principal. Sa taille varie de 20 à 50 m2 selon la météo. Comment fonctionne cette fusée nautique ? « On a un pilote qui gère la direction du bateau. Avec le safran, il décide si le bateau va vers bâbord ou à tribord. Ensuite, le copilote s'occupe de l'aile de kite comme un parapente. Il la dirige de gauche à droite et gère sa puissance avec un levier. Avec ces trois réglages, on peut faire naviguer le bateau le plus vite possible ! », détaille Xavier.

Question sécurité, les deux pilotes du défi disposeront comme en F1 motonautique de masques à oxygène, de harnais à six points et de casques. Ils devront même passer le fameux “turtle-test”, l'épreuve de retournement, en piscine. Entre-temps, à partir de l'été 2023, Leucate (Aude) et l'agglomération du Grand Narbonne deviennent le site officiel de l'équipe pour les entraînements et les futures tentatives de record. Une base secrète, presque à l'abri des regards et des éventuels curieux, a été fournie par l'agglomération et la ville.

SP80, à vitesse grand V
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La plage du Rouet à Leucate n'a pas été choisie complètement par hasard. Spot incontournable dans le monde de la voile de vitesse, elle accueille notamment chaque année les fous de glisse lors du célèbre Mondial du Vent. Le Dieu Éole y a pris domicile. Après plusieurs tests tractés sur le lac Léman, le SP80 a rejoint l'été 2023 cette base française pour la préparation du record, cette fois en version “grandeur nature”.

Les premières tentatives ont eut lieu au printemps 2024 alors que plusieurs sportifs tricolores de renom comme le véliplanchiste Antoine Albeau ou le kitesurfeur Alexandre Caizergues se lancent aussi dans cette chasse au record de vitesse.

« Notre équipe est sans doute la plus jeune à s'être jamais attaquée à ce record emblématique. C'est un atout exceptionnel pour s'affranchir des idées préconçues et casser les codes existants », aime répéter cette association d'étudiants dynamique et pleine d'ambition.

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