Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine
Après sa victoire sur la Route du Rhum, le skipper vient de remporter l'Arkea Ultim Challenge Brest, nouvelle course en solitaire autour du monde. Le Finistérien au CV bien trempé a conquis la planète avant de s'imposer en France. Par Xavier de Fournoux.

Né à Paris le 26 février 1974, Charles Caudrelier a bien failli fêter son cinquantième anniversaire en franchissant en vainqueur la ligne d'arrivée de la première édition de l'Arkea Ultim Challenge Brest. C'eût été un beau cadeau mais ce n'est que le 27 février 2024, le jour d'après donc, qu'il réalise cet exploit, bouclant un tour du monde en solitaire en 50 jours et 19 heures. La victoire n'en fut pas moins belle pour autant, ajoutant une ligne de plus à un palmarès déjà bien fourni.
Les débuts d’un marin passionné
Tout commence pour Charles Caudrelier à l'âge de sept ans, lorsque sa famille décide de quitter la capitale pour s'installer dans la maison des arrière-grands-parents, à Beg Meil, dans le Finistère sud. La baraque est posée devant la plage, au bout de la grande baie de la Forêt, avec l'odeur de la mer et le bruit du clapot, tout ce qu'il faut pour susciter une vocation de marin. La famille nombreuse, quatre enfants, est très soudée et partage une certaine appétence pour le sport. « Mon père était surtout passionné de chevaux, mais il a toujours eu des voiliers, des petits monocoques de 30 pieds, modestes, mais bon marcheurs », se souvient Dimitri, le petit frère de Charles.
Ce dernier, lui, tire ses premiers bords sur une planche à voile, mais il s'essaye aussi au golf et à l'escrime. Avec le bateau familial, il prend vite goût aux navigations en solitaire et parfois nocturnes comme se le rappelle aussi Dimitri : « Il est arrivé que mon père le surprenne au petit matin, en train de revenir vers la maison sous spi. » Ce père compréhensif l'emmène aussi voir le départ des courses et Charles commence à rêver. Quand d'autres de son âge se voient en footballeurs, ses héros à lui s'appellent Michel Desjoyeaux ou Jean Le Cam, avec cet avantage notoire que ce sont des voisins qui fréquentent le centre d'entraînement venant d'ouvrir ses portes à Port-la-Forêt tout proche.
Il fait notamment la connaissance de Franck Cammas à ce nouveau Pôle Finistère Course au Large avec qui il noue une véritable relation d'amitié et commence à participer aux régates locales. Sa voie semble tracée, il sera coureur des mers. Mais le père est aussi vigilant et veut qu'il assure ses arrières. Direction l'École Nationale Supérieure Maritime de Nantes où il obtient son diplôme de marine marchande. Il peut alors se consacrer à sa passion et intègre à son tour le centre de Port-la-Forêt. À sa première participation à la Solitaire du Figaro en 1999, il termine 9e au général et 1er des bizuths, des débuts prometteurs. Cinq ans plus tard, en effet, il remporte l'épreuve. À partir de là, les succès s'enchaînent.
J'ai cette image de Laurent Bourgnon au départ de la Route du Rhum sur son multicoque. J'avais envie de faire ça !
Charles Caudrelier

Succès internationaux et consécration sur les océans
L'homme est toujours au bon endroit, au bon moment, « un peu par hasard » avoue-t-il, mais cela lui ouvre à chaque fois de nouvelles opportunités. Après sa victoire au Figaro, Pascal Bidegorry lui propose d'intégrer l'écurie Banque Populaire, puis c'est Marc Guillemot qui le sollicite pour naviguer avec lui sur Safran à bord duquel il remporte la Jacques Vabre en 2009. Son vieux copain Franck Cammas, skipper de Groupama 4, l'embarque alors dans l'aventure de la Volvo Ocean Race qu'il remporte sur le fil en 2012. C'est la deuxième victoire française, 26 ans après celle de Lionel Péan, dans ce qui est considéré comme la plus grande épreuve de course au large autour du monde, face aux meilleurs marins de la planète.
Le 26 février 2014, le jour de ses quarante ans, il est engagé comme skipper de Team Dongfeng, le bateau chinois, pour courir là encore la Volvo Ocean Race. Décidément, l'homme sait marquer ses anniversaires décennaux ! Après une troisième place lors de l'édition 2014-2015, il remporte l'épreuve en 2018, le plaçant définitivement au rang de nos meilleurs marins. Fort de cette victoire, Gitana Team fait alors appel à lui et à son ami Franck Cammas pour co-skipper Maxi Edmond de Rothschild, un Ultime, géant de 32 mètres de long et 23 mètres de large, doté de foils pour voler au-dessus de l'eau et capable de pointes à plus de 50 nœuds.

C'est une consécration pour Charles Caudrelier comme il l'avait confié à Ouest-France en 2019 : « Ce sont ces bateaux-là qui m'ont donné envie de faire de la course au large quand j' étais jeune. J'ai toujours cette image de Laurent Bourgnon au départ de la Route du Rhum sur son multicoque. J'avais vraiment envie de faire ça ! » À l'époque, n'ayant participé ni au Vendée Globe ni à la Route Rhum, il se considérait après son épopée dans la Volvo comme « le marin français le moins connu en France et le plus connu à l' étranger ».
« Pour sortir de l'anonymat ici, il faut gagner la Route du Rhum 2022 », annonce-t-il alors au quotidien. Prémonitoire ! La suite du programme sera le Trophée Jules Verne pour l'hiver 2024. En attendant, il participe au développement du nouveau Gitana 18, prochain Ultime de l'écurie dont la mise à l'eau est prévue en septembre 2025. « Il y a sept ans, on ne volait pas encore. Aujourd'hui, avec 15 nœuds de vent, on est capable d'aller à 35 nœuds ! C'est fou et ce n'est que le début. On va faire des bateaux encore plus performants et on tournera autour du monde encore plus vite que ça », déclarait-il à l'arrivée à Brest lors de sa dernière victoire. Avant que ce père de famille ajoute pour conclure : « Le rêve, maintenant, c'est d'être tous les soirs à la maison. » C'est ce qu'on appelle le repos du guerrier. Et c'est bien mérité.
On va faire des bateaux encore plus performants et on tournera autour du monde encore plus vite que ça.
Charles Caudrelier

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