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Collection Pierre Héron : La dernière séance

Publié le Écrit par La Rédaction
Collection Pierre Héron : La dernière séance
© Mathieu Bonnevie
Couverture complète sur mise-en-avant

En voyant ce vieux cinéma fermé depuis des lustres, vous vous imaginez découvrir des merveilles. Pas une veille Traction ni un HY, mais plutôt une collection complète de voitures soigneusement alignées sous des tôles émaillées étonnamment bien conservées. Exactement comme ces pièges à clics sur Google où on vous appâte avec un titre du style “Emmurée depuis quarante ans, découvrez la formidable collection d'un paysan portugais !” En général, après avoir déchiré votre bermuda tout neuf sur des barbelés rouillés, vous tombez sur quelques vieux pneus et des bidons en plastique. .. Peu enclin à déchirer mes affaires, j'ai imaginé un plan différent. Qui a un quotidien où ce genre de découverte est monnaie courante ? Le staff d'Artcurial peut-être ? Comme toutes les maisons de ventes aux enchères, ils sont sollicités par des familles qui se retrouvent avec la collection du grand-père sur les bras. Cela peut déboucher sur une DS défraîchie ou une belle surprise. Après avoir exposé ma demande à Pierre Novikoff, directeur adjoint du département Motorcars, il y a quelques mois, il me rappelle. « Rendez-vous lundi à 7 h 30 pour une belle collection stockée dans un vieux cinéma ! » 24 belles autos réunies par Pierre Héron dans un petit village de la France profonde où le supermarché du coin est la seule balise de la modernité. Il n'y a plus qu'à brancher le GPS pour quelques heures de route mais sachez que vous ne passerez pas ici par hasard.

Il y a quelque chose de magique à participer à cette mission “embedded”. Un peu comme un rêve d'enfant.

À droite après la charcuterie, il y a de l'agitation dans la rue. Aujourd'hui, on est à l'étape qui suit la première découverte. Pierre Novikoff et Antoine Mahé sont déjà passés pour évaluer l'intérêt de la collection. Pour eux, l'émotion est déjà dissipée et il faut passer à la suite : photographier les autos sous toutes les coutures pour le catalogue. Mais pour moi, c'est magique. Au fond d'une allée étroite, on débouche sur un bout de terrain fraîchement défriché. Il y a huit jours, de hautes herbes et des buissons d'orties masquaient encore quelques autos installées sous un abri en tôle étrangement similaire à celui de la collection “Baillon”, des autos “sorties” par Artcurial, il y a quelques années. Mince, une Hispano-Suiza ! Je contourne la vieille Hotchkiss, qui s'est enfoncée dans le terrain depuis longtemps, pour visiter le cinéma. Oui, une vraie salle de cinéma avec un balcon, une scène et plus grand-chose d'autre. Ce cinéma de village a connu son heure de gloire avant de lâcher prise à l'arrivée des premiers téléviseurs. Une fois fermé, c'est devenu une usine de fabrication de fleurs artificielles dont certains modèles sont encore accrochés au mur ! À la seule lumière du jour, qui commence à passer par les vitres opaques de saleté, on découvre des bagnoles rangées comme des Dinky dans une boîte à chaussures. Il y en a une bonne douzaine, couvertes de poussière et figées dans une beauté fanée depuis bien longtemps. Pendant que ça organise en bas, je cherche comment grimper au balcon pour profiter du spectacle. J'arrive à l'endroit réservé aux notables du petit village, il y a peut-être soixante ou soixante-dix ans. Par terre sont entassés de vieux magazines, des manuels d'utilisateurs et cette plaque du Rallye Paris-Deauville 1967 ! Vue d'en haut, la collection prend de l'étoffe mais je me demande comment on va s'en sortir. Si j'ai été autorisé à venir, c'est d'abord en qualité de “pousseur”, un petit boulot qui consiste à déplacer ces vieilles autos là où on nous l'indique. La veille, un des héritieRS la journée à gonfler les pneus. Enfin, ceux qui n'ont pas craqué sous le poids des ans et des autos ! Pierre revient avec des éclairages de chantier que l'on va alimenter avec une grosse batterie autonome amenée par Jean-Freddy, le MacGyver de la bande. On y voit plus clair et les ordres commencent à tomber. « On sort ces deux-là pour libérer de l'espace et on pousse celle-ci contre le mur », lance Dominique, qui a l'expérience de ces sorties de grange.

Il faut dégager un espace au milieu de ce cinéma pour permettre au photographe de bosser et faire circuler les autos comme dans un taquin, ce petit jeu pour enfants où il faut déplacer de petits carrés pour les remettre dans le bon ordre. Après avoir poussé les deux premières Hotchkiss-Grégoire dans l'allée centrale, on pose une lourde Delahaye sur des crics hydrauliques qui vont nous faciliter la tâche, à nous, pauvres pousseurs. Le parquet commence à “croustiller”… avant de céder sous la charge. Marche arrière et gestes lents vont nous permettre de manœuvrer mais on laissera quelques trous dans ce parquet d'époque. Midi sonne déjà et il est l'heure de déboucher le Saint-Aubin (également dans la caisse à outil de Jean-Freddy) pour remettre les troupes d'équerre. J'apprends que Pierre Héron a commencé sa collection avec sa première Hotchkiss-Grégoire avec laquelle il circulait au quotidien. Il en achète trois autres en 1965 et commence à passer des annonces, concentrant son intérêt sur les Talbot, les Delahaye, les Salmson et les Hispano. À cette époque, les voitures disponibles sont nombreuses et Pierre Héron s'attache à constituer des ensembles cohérents sans se disperser. Dès 1973, il possède la totalité des modèles de carrosserie “usine” proposés sur les châssis Talbot T26. Il est également propriétaire d'une exceptionnelle série de Delahaye, notamment un flamboyant cabriolet 135 Figoni et Falaschi qu'il se souvenait avoir admiré lors du Salon de Paris en 1948 ! Par ailleurs, son intérêt pour les réalisations de l'ingénieur Grégoire s'accroît à la même vitesse que sa collection, forte de 13 Hotchkiss-Grégoire (sur 247 fabriquées). A l'aube des années 80, ces autos sont remisées sans qu'il soit question d'en vendre une… Aujourd'hui, je savoure le privilège de les admirer une par une au cours d'une visite “privée” pas comme les autres. Les 24 voitures de la collection devaient être proposées à la vente du Mans Classic. Gageons qu'elles auront su séduire quelques amateurs éclairés pour une résurrection méritée. Il a beau jouer les habitués, le staff d'Artcurial Motorcars savoure pleinement ce genre de découverte.

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