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Mercedes-Benz 300 SLR coupé : Papillon record

Publié le Écrit par La Rédaction
Mercedes-Benz 300 SLR coupé : Papillon record
© RM Sotheby's et DR
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Longtemps, l'automobile de collection a joué petit bras en marge du marché de l'art. Depuis août 2018, l'enchère la plus élevée consentie pour une voiture appartenait à la Ferrari 250 GTO/64 vendue plus de 41 millions d'euros par RM Sotheby's, à Monterey. Une somme ridiculement modique comparée aux 167 millions d'euros réclamés pour Les Femmes d'Alger de Pablo Picasso en mai 2015, ou aux 149 millions acquittés pour le Nu couché d'Amadeo Modigliani en novembre de la même année. La vente d'une Mercedes-Benz 300 SLR le 15 mai dernier a changé la donne. La maison de vente RM Sotheby's a adjugé 135 millions d'euros un des deux coupés expérimentaux construits en 1955 et surnommés “Uhlenhaut” en hommage au personnage qui les a choyés. Cette performance fait désormais de la 300 SLR la voiture la plus chère jamais acquise dans une vente publique. Les bénéfices de cette transaction ont été reversés à un fond caritatif - le Mercedes Fund - créé par Daimler pour financer des bourses d'études dans les domaines des sciences de l'environnement. La Mercedes-Benz 300 SLR est devenue l'automobile la plus chère de l'histoire, pulvérisant le record de la Ferrari 250 GTO.

La morale est sauve.

Pourquoi la 300 SLR ? Pourquoi elle plus qu'une autre ? On ne va pas ergoter sur le bien-fondé d'un tel record ; pas plus que l'on ne peut commenter la légitimité des 180 millions d'euros déboursés quelques jours plus tôt pour acquérir un portrait de Marylin Monroe signé Andy Warhol. Avec seulement deux unités fabriquées, la 300 SLR Coupé est sans conteste un objet rare (mais pas unique) qui s'est transformé en un véritable mythe dès lors que sa carrière fut avortée. La 300 SLR Coupé est l'ultime coup d'éclat d'une formidable légende que Mercedes-Benz a écrite en seulement quelques mois, au cours des saisons sportives 1954 et 1955. Pendant ces deux ans, le sport automobile international a été écrasé par la domination fulgurante de la firme allemande sur tous ses adversaires. Après avoir imposé sa loi sur la Formule 1, en 1954, la firme allemande a décidé de s'impliquer également en endurance au cours de la saison suivante tout en poursuivant sa marche triomphale sur le front des Grands Prix. Son arme absolue se nommait officiellement W196S, ce qui indique sa parenté directe avec la W196R de Formule 1. Elle fut toutefois plus connue sous le matricule “300 SLR”, plus pour des raisons commerciales, pour accompagner le lancement de la 300 SL, que pour les analogies véritables existant entre ces deux voitures. Leurs motorisations sont de cylindrée voisine (trois litres), mais affichent des conceptions foncièrement différentes : huit cylindres pour la 300 SLR et six cylindres pour la 300 SL. La 300 SLR cumule les raffinements techniques avec son moteur à injection et sa distribution “desmodromique”, son ensemble boîte-pont rejeté à l'arrière, sa suspension à quatre roues indépendantes et son châssis tubulaire.

Elle débuta en course en mai 1955 aux Mille Miglia puis elle participa à l'Eifelrennen sur le circuit du Nürburgring, aux 24 Heures du Mans, au Grand Prix de Suède, au Tourist Trophy en Irlande et à la Targa Florio, en Sicile. Dans toutes ces courses, la 300 SLR dicta sa loi, sauf bien sûr lors dans la Sarthe où l'équipe allemande retira toutes ses voitures après la terrible catastrophe qui causa la mort de plus de 80 personnes et dans laquelle fut impliquée la 300 SLR de Pierre Levegh. Alors qu'en Formule 1, Fangio connut une insolente réussite, en endurance, c'est Stirling Moss qui engrangea les trois victoires remportées par la Mercedes-Benz 300 SLR dans le cadre du Championnat du monde des constructeurs de voitures de sport. Au début de l'été 1955, Mercedes-Benz fabriqua deux coupés dérivés de la barquette. Ces deux voitures (0007/55 et 0008/55) étaient élaborées en vue de la Carrera Panamerica Mexico qui devait se disputer au Mexique en fin d'année. Mais la course fut finalement annulée à la suite de l'accident du Mans. Mercedes-Benz ayant décidé de ne pas s'engager dans la saison 1956, les deux 300 SLR Coupé ne participèrent à aucune compétition sportive. Pendant plusieurs mois, elles servirent de voitures d'essai. On en a vu une sur la piste privée d'Untertürckheim équipée d'un silencieux. Peut-être envisageait-on d'en extrapoler une version civilisée ? Rudolf Uhlenhaut avait la charge de ces essais. Il prenait souvent le volant de la 300 SLR Coupé, ce qui valut à ce modèle d'être associé à sa personnalité et d'être plus tard surnommé “Coupé Uhlenhaut”.

Un pilier de l'aventure sportive de Mercedes-Benz

De mère anglaise, anglophone, il naquit en juillet 1906 à Londres où son père dirigeait une agence de la Deutsche Bank. Il rejoignit le bureau d'études de Mercedes-Benz dès 1931 et s'impliqua dans le développement des voitures de Grand Prix avant la guerre. Au lendemain des hostilités, il se replia sur les voitures de tourisme et géra notamment le développement de la 300 SL. Avec leurs portes “papillon”, les 300 SLR évoquent bien sûr la 300 SL de série, mais leur esthétique est plus sauvage, moins gracile. En dépit d'une belle sellerie en cuir (bleu sur l'une, rouge sur l'autre), les 300 SLR ne sont pas de paisibles voitures de grand tourisme, mais de vraies machines de course, brutales et ultra-rapides (290 km/h !). Rudolf Uhlenhaut est un pilier de l'aventure sportive de Mercedes-Benz. Le seuil des portes placé très haut ne facilite pas l'accès à bord et l'insonorisation est inexistante. Il est très probable que le dessin de la 300 SLR soit dû à Friedrich Geiger chargé du style sous la direction de Karl Wilfert, responsable du développement des carrosseries. Friedrich Geiger était entré chez Mercedes-Benz en 1933 à l'âge de 26 ans avec une formation d'ingénieur et y effectua toute sa carrière. Un ingénieur qui avait assurément un œil d'artiste si l'on en juge par la perfection des proportions de la 300 SLR, la tension des lignes, la maîtrise des volumes. Du grand art, quelque part entre Picasso et Warhol ? À ceux qui les comparent sans vergogne à des œuvres d'art, il est rappelé que ces objets d'artisanat, aussi sublimes fussent-ils, sont privés de ce supplément d'émotion, de mystère et d'inspiration permettant à Rodin de dire que « l'art n'est que sentiment ».

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