XZAV : L'homme de faire

Comme pour assurer une légitime continuité, Xzav a posé ses valises et sa caisse à outils dans un ancien atelier adossé à une colline où l'on frappait le métal depuis des lustres, dans une rue discrète, à deux pas du sublime théâtre antique d'Orange, édifié sous le premier empereur romain Auguste et classé au patrimoine mondial de l'Unesco. A la base, le garage de Xzav est vaste, mais il semble trop étroit depuis qu'il y entasse un incroyable bric-à-brac, des autos, des motos (dont une remarquable Harley-Davidson 1200 rigide, customisée par ses soins), des vélos, des cyclos, un combi VW, et des tonnes d'objets hétéroclites - qu'il met un point d'honneur à acheter via les petites annonces -, points de départ de ses œuvres. Il faut se faufiler dans un dédale de métal vers le fond du local encombré, véritablement incrusté dans la roche, pour découvrir l'établi sur lequel l'artiste articule ses constructions et donne forme à ses visions. Le sol est jonché de chutes de métaux - qui seront peut-être à leur tour réutilisées -, les outils s'entassent à la pousse-toi-delà-que-je m'y-mette, des sculptures en chantier côtoient des projets qui balbutient, d'autres sommeillent sous une couche de poussière en attendant que le jour de gloire soit arrivé. .. Assurément, ici, dans une ambiance de chantier naval miniature où il fait un froid de canard, l'activité est intense, reflet d'une créativité bouillonnante. Je ne peux m'empêcher de penser à cette phrase attribuée à Albert Einstein : « Si la vue d'un bureau encombré évoque un esprit encombré, alors que penser de celle d'un bureau vide ? »

Xzav, créateur infatigable, véritablement habité par son art, signe entre trois cents et quatre cents pièces par an.

A priori, il y a du monde en effervescence dans la tête de Xzav (à qui certains visiteurs trouvent une ressemblance avec le peintre Henri de Toulouse-Lautrec), ça fourmille et ça phosphore sous la casquette. En témoigne la puissance de son engagement dans son activité artistique, comme un plongeon, sept jours sur sept, entre huit et quatorze heures par jour. Du labeur et de la sueur sans jamais avoir le sentiment de contrainte tant son chemin est sincère, avec la sensation, à chaque sculpture, de vivre une aventure. « Parfois, la nuit, je me réveille et je note sur un papier des idées pour ne pas les oublier, et je me retiens de descendre m'affairer à l'atelier que j'ai quitté quelques heures plus tôt parce que je ne compte pas mon temps, je fonctionne à l'envie, ce qui me détourne parfois de mon planning », avoue t-il en souriant, en s'excusant pour les passionnés patients qui attendent leurs commandes. Xzav signe entre trois cents et quatre cents pièces par an, un chiffre qui donne le tournis et vaut mieux qu'un long discours quant à l'énergie et l'intensité qu'il insuffle dans son travail, tout en se déplaçant sur une quinzaine de salons et d'expositions pour aller à la rencontre de son public, des rêveurs qui se laissent séduire par le charme qui émane de ses créatures métalliques. Xzav s'efforce de les mettre en valeur, comme s'il assurait le service après-vente jusqu'au bout du rêve, en élaborant un plan très précis (en trois dimensions via une maquette en carton) de la manière dont chaque pièce est exposée pour trouver une cohérence et une harmonie entre elles et s'inscrire dans une thématique précise en lien avec chaque déplacement, quitte, parfois, à mettre en sommeil pendant des années certaines créations pour trouver le moment opportun où elles seront valorisées au mieux. Car son champ d'action, à l'image de son parcours (cuisinier, mécanicien, touche-à-tout de talent) est très large : la mécanique, bien sûr, avec l'automobile et la moto en première ligne, mais aussi les garde-temps, le monde végétal et animal dans un large spectre, du papillon à la baleine en passant par le requin et la raie manta. .. Et, sur les salons, il exige de ne pas cohabiter avec des vendeurs de sculptures industrielles pour ne pas semer le trouble dans l'esprit des visiteurs qui n'auraient pas les yeux suffisamment grands ouverts pour faire la différence. Chaque œuvre qui sort de l'atelier de Xzav est unique, et il insiste sur ce fait.

Xzav est précis, mais aime donner le sentiment que ses œuvres sont faites “à l'arrache”, pour un supplément d'âme…

« Lorsque je planche sur un thème, en ce moment celui du livre pour une exposition autour de la bande dessinée, je mets en scène un lecteur, mais en faisant varier sa position, pour ne pas avoir de double. » Idem pour ses “best-sellers”, Monsieur Pensif et Monsieur Lampe, de petites créatures (mais certaines beaucoup plus imposantes) en tiges métalliques qu'il réalise depuis 18 ans. Il détient l'exemplaire numéro un en se jurant de ne jamais conserver de sculpture pour lui. .. Il produit sans gabarit, garantissant ainsi l'unicité de ses personnages que les acheteurs se font un malin plaisir à mettre en situation à travers la planète sur sa page Facebook. Ainsi s'est créée une communauté enthousiaste d'admirateurs (un mot qui le mettra sans doute mal à l'aise, tant notre protagoniste est humble), qui ne cesse de croître. Xzav expose dans une galerie d'artistes au centre d'Orange, où il accueille les esprits curieux, un jour par semaine. Les plus chanceux, privilégiés, fidèles, peuvent être invités à pousser la porte métallique de l'atelier et ainsi se retrouver au plus proche de l'action et de la matière, humer l'atmosphère créatrice qui emplit les lieux, sentir les sculptures du bout des doigts en ayant les explications du maître des forges. « Je travaille avec des tôles d'acier d'un millimètre d' épaisseur, que je découpe avec un petit chalumeau ou à la disqueuse sur des panneaux de deux mètres carrés, que j'achète chez trois fournisseurs. La signature de mon travail, c'est de donner l'impression que la sculpture a été faite “à l'arrache” » Et devant mon étonnement, il précise : « Je parle bien sûr de la finition, des détails. Un soudeur, un sculpteur, un plasticien verront, bien entendu, tous les défauts, que j'amplifie pour justement ne pas offrir un aspect lisse, impeccable que je pourrais obtenir, mais qui ne me ressemblerait pas. » Passant de la parole au geste, Xzav détaille les points de soudure qui se suivent et ne se ressemblent pas, les coups de disqueuse indélicats qui laissent des empreintes sur le métal, les petits ajustages imparfaits de matière, comme pour mieux donner du relief à ses créations, mieux capter la lumière qui souligne leurs galbes, leur offrir une authenticité et un supplément d'âme, à l'inverse des productions en grand nombre venant d'Asie qu'il évoquait précédemment et d'où n'émane aucun parfum. Porté par les mouvements steampunk et néo-rétro, Xzav est sans doute aussi attaché à livrer des pièces qui reflètent une authenticité où les gestes de l'artisan semblent palpables car l'humain est au centre de son attention, d'où la proximité qu'il souhaite entretenir avec les visiteurs sur les salons. « Ma règle, c'est de sortir, montrer ce que je sais faire, ce qui m'anime. » C'est grâce au sculpteur Hervé Nys que Xzav s'est ouvert au plus grand nombre. Il s'en explique : « J' étais fan de ses sculptures, pour leur qualité et leur finesse. Sur un salon, je suis allé me présenter. Il m'a demandé : “Tu bricoles, toi aussi ?” Je lui ai montré des photos, il m'a avoué qu'il connaissait mon travail via les réseaux sociaux. Quelque temps plus tard, il m'a appelé en me disant qu'un stand s' était libéré au salon Epoqu'Auto et que j'y avais ma place. J'ai pris l'emplacement en me sentant pousser des ailes grâce à ses paroles bienveillantes. » À son tour, Xzav tend la main aux artistes en devenir ou déjà établis pour des collaborations fructueuses, autour du travail de la mosaïque, du cuir, de la peinture. « Je vais chercher les talents. Par exemple, je collabore avec une peintre qui avait dessiné une montre gousset, en finissant ce qu'elle ne voit pas. Elle peint à plat et je vais deviner ce qui se cache derrière, en créant tout un univers que je ne m'approprie pas, mais que je complète dans une autre dimension. » Ainsi va la vie de Xzav, artiste complet, ouvert au monde, dans une quête perpétuelle d'enrichissement, pour toujours nous surprendre, créant des bolides à base de machines à coudre ou de cache-culbuteurs, plantant des soupapes dans la tête d'un hippocampe campé d'un carburateur dorsal ou d'un enjoliveur métamorphosé en soucoupe volante. Ayant plus d'un tour dans son sac, l'artiste en garde sous le coude (d'échappement) pour nous emmener dans son monde peuplé de créatures étranges et élargir le cercle des êtres conquis par ses travaux exquis. Xzav se déplace chaque année sur une quinzaine de salons, pour aller à la rencontre de son public et partager des émotions.