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Nina Métayer : L'horloge du palais

Publié le Écrit par La Rédaction
Nina Metayer
© François Darmigny
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Planqué derrière une de ces rues sages qui font le charme un peu province d'Issy-les-Moulineaux, son dédale de laboratoire s'active déjà. Une trentaine de pâtissiers, des frais commis, des sérieusement capés, des garçons, des filles, à la préparation, à la finition.

Elle partout, à chaque instant du parcours, l'œil pointu comme un compas, la silhouette aussi frêle qu'étonnante à en imposer. Première en place, première au poste et, depuis cet hiver, première femme à décrocher le titre de Meilleur pâtissier du monde décerné par l'Union internationale des boulangers et pâtissiers. Un trophée après en avoir déjà collectionné quelques autres (la meilleure selon Le Chef en 2016 et par Gault/Millau l'année suivante) mais celui-ci est d'une saveur toute particulière. « Cette récompense, je ne la vis ni comme une consécration ni comme un hommage car j'ai encore mille projets, mais elle vaut comme une formidable reconnaissance. Celle de mes pairs, des vrais professionnels, des grands du milieu, de ceux qui savent. »

À 36 ans qui en font dix de moins, voilà Nina Métayer bien installée dans l'élite. Au ciel du métier, sur les ailes de la passion. Faut-il alors l'avouer en jeune femme pressée ? Dans l'énergie, dans l'ascension, dans l'ambition. Pas certain que la fillette de La Rochelle nous la raconterait ainsi. Une mère journaliste, un père développeur digital, l'une de ces enfances heureuses qui n'interdit pourtant pas une petite musique intranquille. Un peu de théâtre sans plus de conviction, quelques cours de piano pour un clavier vite abandonné, l'école jusqu'à ce bac littéraire « miraculeusement » obtenu, beaucoup d'espoir, autant de brumes et ce sentiment de se « sentir moyenne en tout ».

Je ne conçois ma pâtisserie qu'à travers la valeur des produits qui la composent, le geste sûr qui la conçoit et le temps qui l'ordonne

Serait-elle une de ces jeunes filles de La Rochelle, la ville fétiche de Jacques Demy, le cinéaste poète dont les jolies demoiselles de la voisine Rochefort se cherchent sans jamais quitter leur quai ? Pas vraiment. À 16 ans, elle décide de s'en aller. Si l'heure est encore à l'adolescence, c'est du côté de ce temps que l'on ne veut soudain plus perdre et avec ce secret espoir d'en gagner un peu, ne serait-ce que dans la promesse d'un départ. D'un ailleurs. Rêveuse, frondeuse, les deux réunis, le tempérament s'envole pour le Mexique. Le voyage initiatique, bientôt cathartique. « J'apprends la langue rapidement et je me découvre en même temps que je découvre ce fabuleux pays. Surtout je prends confiance, je rencontre un couple de boulangers et très vite le déclic. Je me suis dit que voilà sûrement le métier qui m'accordera l'indépendance et l'autonomie, une sorte de passeport pour courir le monde. » Va donc pour la boulangerie ! Un contre toute attente pour ceux qui l'entourent. Une toute logique pour celle qui se dit alors : « Après tout je suis française, une terre de bon pain. » Le désir fou n'en tarde pas moins à vite se frotter au réel. Une gamine dans un métier d'homme ! Les portes se referment plus sûrement qu'elles ne s'ouvrent. Ce qui a déjà le mérite de vous confronter au réel et de conforter (ou pas) la motivation. Il faut croire que le premier ne l'effraie pas et que la seconde est solide car un maître d'apprentissage rochelais finit par la sortir du pétrin en lui proposant d'y entrer. CAP en poche, nouveau trip.

Cette fois vers l'Australie, une expérience dans une boulangerie de Melbourne, un petit tour pour s'initier à la pâte à pizza, ses premières armes pâtissières dans quelques restaurants de Darwin, de Dunsborough, de Port Douglas avant le retour à Paris et l'entrée à l'École Ferrandi. Entre les deux, la rencontre avec Mathieu, celui qui deviendra son mari, le père de ses deux enfants, l'alter ego, le complice, l'associé. Nina a vingt ans au cadran de sa jeune carrière et ses vingt ans disent alors le plus bel âge de l'envie. Elle s'est rêvée boulangère, elle se révèle profondément pâtissière. Par là, la vocation et par cette nouvelle porte qui s'ouvre au-dessus des Tuileries, aux arcades du 228 rue de Rivoli. L'entrée en classe palace, du côté de ce mythique hôtel Meurice alors sous la houlette de Yannick Alléno et du pâtissier Camille Lesecq. Autre monde, autre voyage, autre cap. Une de ces maisons hautes qui offrent à estimer son talent à l'aune de ses ambitions tout aussi bien que l'inverse. « J 'y apprends l' excellence, l' exigence, l'ultra-minutie, le petit génie du détail, une approche virtuose, tout ce qui place la pâtisserie dans une vision plus élevée. À la condition de ne jamais faiblir dans l'effort, de suivre le rythme et de savoir rester humble, ces expériences sont à nulle autre pareille car elles te font justement rejoindre cette autre dimension sans que tu ne le saches d'ailleurs véritablement sur le moment. C'est un peu comme des accélérateurs de particules. Tu en sors différent et sûrement meilleur. » Nina Métayer en sortira demi-chef de partie sans pour autant quitter ce drôle de club. Elle prend les commandes de la pâtisserie de l'Hôtel Raphaël où elle affole la clientèle d'une île flottante aussi mémorable qu'exotique avant de rejoindre Jean-François Piège dans son Grand Restaurant vite auréolé d'une double étoile Michelin. La carrière se profile, les créations se dévoilent, le style tout aussi sûrement mais la personnalité n'est pas de celles à qui s'enferme dans un genre.

« Je ne conçois ma pâtisserie qu'à travers la valeur des produits qui la composent, le geste sûr qui la conçoit et le temps qui l'ordonne

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