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Raymond Loewy : Entre style et design

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Raymond Loewy : Entre style et design
© Archives Grand Tourisme
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Français d'origine, Loewy est devenu l'un des inventeurs du design américain moderne. Le 16 juillet 1986, la mort de Raymond Loewy fait la une des quotidiens. La presse n'a pas l'habitude de s'étendre sur la vie et la mort des designers, mais celui-là revendique une stature qui déborde du cadre de son microcosme. Sa carrière se confond avec la fureur d'un siècle découvrant la vitesse et la consommation. « Chaque fois que je regarde une photographie de Freud, je me demande comment un homme qui a passé sa vie à étudier le sexe peut avoir l'air aussi triste. » Perspicace, cet homme qui consigne un implacable constat dans son livre La laideur se vend mal . Avant de devenir un gourou de la société de consommation, Raymond Loewy s'affirme comme un authentique sybarite. Il vit la vie d'un mondain, richissime, affichant un goût avoué pour la fête, le luxe et l'humour. Jusqu'à son dernier souffle, il soignera son look de playboy avec un extrême raffinement. Moustache conquérante, flanelles exquises, camaïeux de gris et cravates nouées avec panache. Sa vie est un roman. Bon fils, bon soldat, grand séducteur avant de devenir un époux reconnaissant. Raymond Loewy a tous les attributs de l'émigrant triomphant, du winner tel que l'Amérique les rêve. Août 1914 : à la déclaration de guerre, le caporal Loewy fait son service militaire à Rueil, près de Paris. Mobilisation, affectation dans un hôpital, puis guerre des tranchées.

Bientôt l'esthète pointe sous le bidasse, en Champagne, il bricole un « abri quasiment luxueux » . De permission, il rapporte les derniers numéros de Fémina ou de Vanity Fair et sous le feu, il continue de soigner son look : « Je me taillai une paire de culottes de campagne (…), je préférais aller au front bien habillé. » Loewy a une passion irrépressible pour la sophistication. Au-delà des frivolités, le drame. Loewy se bat, décroche sept décorations et quatre citations. Ses parents disparaissent et le laissent sans ressources. Après l'Armistice, il plie son uniforme de capitaine de l'armée française, range sa croix de guerre et embarque sur le paquebot S.S. France. Il arrive aux États-Unis un matin de septembre 1919 avec seulement cinquante dollars en poche, mais des ambitions plein les yeux. Raymond Loewy est né à Paris en 1893 dans une famille bourgeoise et austère. Son père, autrichien et végétarien, écrit des ouvrages financiers tandis que sa mère veille à la moralité de l'appartement parisien que deux femmes de chambre « blondes et potelées » menacent de déstabiliser. C'est en regardant voler Santos-Dumont, à Bagatelle, que le jeune Raymond découvre sa vocation. Subjugué par l'aviateur, Loewy dessine un modèle réduit actionné par la torsion d'une bande élastique. À quinze ans, Raymond Loewy réalise que « le design industriel, ça pouvait signifier gagner de l'argent en s'amusant ». Quand il se retrouve sur le quai de Manhattan, Loewy frappe à des portes qui ne s'ouvrent pas. Désenchantement. Il finit par accepter un poste d'étalagiste aux grands magasins Macy. Il cherche à exercer ses talents artistiques dans la presse et la publicité et devient l'illustrateur fétiche de Vogue et Harper's Bazaar.

L'année 1929 marque un tournant décisif dans sa carrière. La société Gestetner le contacte pour redessiner la machine à dupliquer. Loewy simplifie les formes, intègre les accessoires, gomme les aspérités, fait d'une machine archaïque un objet fonctionnel et beau. La révolution du design est en marche. Loewy s'inscrit dans le sillage de créateurs qui vont s'épanouir à la faveur de la crise économique. La dépression précipite le mouvement. L'Amérique a besoin de sang neuf. Les designers contribuent au redressement moral et économique de la nation. Loewy met en forme tous les emblèmes de l'American way of life, de l'autocar Greyhound au distributeur de Coca-Cola en passant par le paquet de Lucky Strike ou le réfrigérateur Sears Roebuck. Bien sûr, les transports restent le terrain d'investigation le plus fascinant. Loewy ébauche de superbes locomotives pour la Pennsylvania Railroad. Il dessine les modèles 1932 et 1934 de Hupmobile avant de se lier avec Studebaker pour les gammes 1938 et 1939. Le studio Loewy Associates collaborera longtemps avec Studebaker, ses deux créations majeures étant les modèles Starliner de 1953 et Avanti de 1962. En 1937, Raymond Loewy prend la nationalité américaine.

Il fait partie de la génération des designers qui s'attachent à donner un nouveau cadre de vie aux Américains après la Dépression. En 1948, il rencontre Viola Erickson, une superbe Norvégienne qui a trente ans de moins que lui ; second mariage pour le sémillant quinquagénaire. Voyages et réceptions s'enchaînent. Ses adresses sont un florilège de lieux de rêve, il possède des résidences à Saint-Tropez, Tierra Caliente au Mexique, Monte Carlo, Long Island. .. Au long des années 1950 et 1960, il partage sa vie entre son appartement parisien, un manoir renaissance en Ile-de-France et une villa à Palm Springs. Au-delà de son dandysme, Raymond Loewy joue un rôle déterminant dans la promotion du design. Après la Seconde Guerre mondiale, les studios Loewy se consacrent de plus en plus à l'expression de l'image de marque. Ils créent les logotypes pour BP, Shell, Newman, Exxon. .. L'agence comprend plus de 200 employés répartis dans les studios de New York, South Bend, Chicago, Los Angeles et Londres. En 1952, Loewy ouvre la Compagnie d'Esthétique Industrielle à Paris où il dessine une série de prototypes pour son usage personnel : une Jaguar XK 140 très spéciale en 1955, une BMW 507 en 1957, une Cadillac en 1959 ou encore la Lancia Loreymo en 1960. À plus de 70 ans, Raymond Loewy prend de l'altitude. Il conçoit l'habitacle des Skylab pour la NASA (1967-1973). Il se retire à Monte Carlo au début des années 1980. C'est là qu'il s'éteint le 14 juillet 1986, le jour de la Fête nationale française. Ultime coquetterie du Frenchy !

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