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Beneteau : Acte de plaisance

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Beneteau : Acte de plaisance
© archives Beneteau et DR
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Lorsqu'il fonde le chantier qui va porter son nom sur le quai des Greniers à Croix-de-Vie en 1884, Benjamin Beneteau ne peut se douter qu'on en parlerait encore 140 ans après. À une époque où la plaisance est inexistante, ses premiers clients sont bien sûr les “pêcheurs du coin” qui vont encore à la voile. Mais dès 1909, le chantier va innover en lançant le premier bateau de pêche à moteur de la région qui ne va pas trouver preneur car jugé trop bruyant. Sûr de son coup, Benjamin Beneteau persiste et signe, sortant en mer avec son bateau qu'il a baptisé, un brin provocateur, le “Vainqueur des Jaloux”. S'ensuit un véritable conflit qui va même dégénérer en bataille rangée, les pêcheurs accusant cette drôle de monture qui pétarade de faire fuir le poisson. Il faudra tout de même l'intervention de la police à cheval pour calmer les esprits et l'idée de Benjamin Beneteau finira par s'imposer chez les professionnels de la mer. À la mort du fondateur en 1928, son fils unique, André Beneteau, qui avait aussi le “don des lignes”, prend la relève avec succès. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'activité repart de plus belle et le chantier connaît une période prospère, employant jusqu'à 17 compagnons charpentiers de marine. Mais au début des années 1960, le déclin de la pêche va changer la donne. La belle histoire aurait pu s'arrêter là. Elle ne faisait que commencer. Car André Beneteau a le nez creux. S'il ne songe pas encore à la plaisance, qui en était alors à peine à ses balbutiements, il a repéré un matériau révolutionnaire. Et avec son fils aîné, nommé André comme lui, ils vont réaliser dès 1963 les premiers canots pour sardinier en polyester. L'année suivante, la troisième génération Beneteau s'impose avec Annette Roux, la petite-fille du fondateur, qui prend les rênes du chantier du haut de ses 22 ans.

Elle va très vite se révéler comme une redoutable femme d'affaires et conduire de façon magistrale la reconversion du chantier artisanal de bateau de pêche en constructeur de bateau de plaisance de tout premier plan. Son frère André, lui, dessine les bateaux, le Flétan, le Galion, le Forban 580, des petits voiliers de promenade et de croisière côtière, ainsi qu'une petite vedette baptisée Ombrine qui sera le premier pêche-promenade. Avec tout ce matériel sous le bras, ils débarquent à Paris en 1965 pour leur premier salon nautique qui leur fait bon accueil. En effet, ils y rencontrent ceux qui deviendront leurs premiers concessionnaires. Les bases sont posées. En 1972, le chantier se dote de nouveaux outils de production semi-industrielle et l'année suivante, l'Évasion 32, un ketch de 9 mètres, ouvre la première véritable gamme de Beneteau. Au milieu des années 1970, le chantier va connaître un tournant décisif avec l'arrivée d'un homme visionnaire, François Chalain, qui va apporter un souffle nouveau à l'entreprise familiale en développant la partie voile et largement contribuer à faire de Beneteau le premier constructeur de voiliers au monde. En 1976, il convainc la présidente Annette Roux de racheter les moules de l'Impensable, un voilier dessiné par André Mauric vainqueur de la Half Ton Cup en 1973 dans une version en bois moulé et dont le chantier Quéré-Paillard a tiré une mini-série en polyester. André Mauric va modifier la quille, rallonger le rouf en sifflet et doter le voilier d'aménagements confortables pour en faire un parfait course-croisière. Ce sera le First 30 de 8,95 mètres, premier modèle de la gamme iconique de Beneteau déclinée depuis en pas moins de 70 modèles de 14 à 53 pieds et qui va faire les beaux jours des amateurs de voile performante. Le First 30 fait un carton avec 300 unités vendues dès la première année. Élu bateau de l'année en 1978, il deviendra même la monture du Tour de France à la Voile de 1979 à 1981.

Au milieu des années 70, le chantier va connaître un tournant décisif avec l'arrivée d'un homme visionnaire... C'est donc une nouvelle ère qui s'ouvre et le chantier va alors multiplier les collaborations avec les architectes navals les plus reconnus comme Jean-Marie Finot qui démarre avec le First Class 8, première série de monotype français en 1982, ou Philippe Briand qui lance la gamme Oceanis en 1986. Mais ils vont aussi faire appel à des talents venus d'ailleurs. On pense bien sûr à Philippe Starck que François Chalain est allé dégoter pour revisiter les First au milieu des années 1980, bien avant que le designer ne s'illustre avec des unités beaucoup plus imposantes (voir BH #01). Son First 35S5 fera en tous cas sensation au salon nautique de Paris en 1987. Coté motonautisme, André Beneteau va continuer à dessiner des bateaux jusqu'à sa retraite en 1997, notamment les Antares dont il lance la gamme en 1974 avec le 7.50 ainsi que les Ombrine. Mais là encore, le chantier va aussi aller chercher d'autres compétences. Au début des années 1980, c'est un pilote, champion du monde en F1, Cees Van Der Velden, dit “the Flying Dutchman”, qui va dessiner les carènes des premiers Flyer tandis que leur design est confié à Joël Brétécher, autre géant dans le domaine. D'autres encore viendront apporter leur touche à la gamme : Pininfarina, partenaire historique de Ferrari qui signe les Flyer F1 et F14 ; Antoine Volanis à qui l'on doit notamment le Renault Espace et qui fait le Flyer 550 Open ; ou encore Thierry Henriette de chez Boxer, spécialiste de la moto, qui dessine les lignes du 550 Cabin. Quant à la gamme des Swift Trawler, elle est née en 2004 sous le crayon du regretté Michel Joubert. Entré au chantier en 1983 où il fait ses classes au bureau d'études auprès d'André Beneteau, Patrick Tableau se rappelle cette période foisonnante où tout était permis : « On a toujours cherché à innover chez Beneteau, on a toujours été précurseur dans les formes. Comme on n' était pas les leaders dans les bateaux à moteur, Jeanneau étant plutôt devant, on se disait qu'on pouvait tenter et prendre des risques : les Flyer avec l' étrave différente, la carène Air Step ou plus récemment le foiler à moteur. » Aujourd'hui, le nom de Beneteau est celui d'un groupe qui compte dix marques de bateaux (Prestige, Lagoon, Wellcraft...) en plus du chantier originel. En 2023, les ventes ont atteint 1,7 milliard d'euros. Un géant mondial de l'industrie nautique né dans un petit coin de Vendée il y a 140 ans... Philippe Starck, Pininfarina, Antoine Volanis ou Thierry Henriette…, le chantier fait appel à des talents venus de tous les horizons.

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