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Lac de Rabodanges : Les dames du lac

Modifié le Écrit par La Rédaction
Lac de rabodanges : Les dames du lac
© Götz Göppert
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Certains n'hésitent pas à appeler ce petit bout de paradis la “Suisse normande”. Niché dans le département de l'Orne à 200 kilomètres de Paris et 40 kilomètres de Caen, le trop méconnu lac de Rabodanges a été créé en 1959 par EDF afin de produire de l'électricité pour une centrale hydroélectrique limitrophe. Le plan d'eau artificiel s'étend sur une surface de 110 hectares avec une longueur d'environ 6 kilomètres sur 250 mètres de large maximum. Aux beaux jours, le bassin attire des amoureux de la nature, des pêcheurs qui peuvent y taquiner sandres, carpes ou brochets mais aussi des passionnés de nautisme. Siège historique du Motonautique Club de Basse Normandie (MCBN), le lac a été le théâtre de nombreuses compétitions de ski nautique et bateaux à moteur depuis le début des années 60. À l'origine, une rencontre fortuite entre plusieurs férus de motonautisme à l'occasion d'une édition des Six Heures de Paris. À la grande époque, le lac a accueilli les Championnats d'Europe des Runabouts ou le Grand Prix du Barrage de l'Orne. Réservé aux hors-bord classe C, il a été remporté en son temps par Louis de Santis. Avec sa pelle Koening bicylindre, le futur président de la Fédération Française Motonautique (FFM) domina un pilote de talent dénommé Paul Logeai au terme d'une bataille acharnée qui restera dans les annales.

Le bruit d'un 4 cylindres Alfa, l'odeur de l'essence, les reflets des chromes sur le plan d'eau... Plus de soixante ans plus tard, les activités nautiques perdurent avec un club proposant, à la belle saison, du ski nautique, du wake-board, du baby-ski ou encore du paddle. Officiellement, les compétitions motonautiques ont disparu du paysage lacustre, souvenirs d'une époque où passion et vitesse pouvaient encore se vivre à 100 %. Le rassemblement rétronautique de Rabodanges a été coordonné à l'initiative d'Henry-Jacques Pechdimaldjian, pilote-fondateur et ancien président du Cercle du Motonautisme Classique (CMC), de plusieurs membres du club et d'autres collectionneurs de canots vintage. Pour notre plus grand plaisir, ils se sont retrouvés en avril dernier sur le lac normand. Parce qu'ils pratiquaient la compétition en inshore, s'étaient alignés aux 24 Heures de Rouen, avaient admiré “gamins” les Six Heures de Paris ou appréciaient simplement le bricolage, ces fervents de motonautisme se retrouvaient pour une journée dans un esprit de partage et de communion. Le bruit d'un 4 cylindres Alfa, l'odeur brûlée de l'essence, les reflets des chromes sur le plan d'eau ou les vernis qui brillent, cela n'a pas de prix ! Götz, notre photographe, s'en souvient encore, lui qui ne savait plus où donner du “clic” pour capturer ces embarcations d'une autre époque. Parmi les guest-stars du plan d'eau, coup de projecteur sur le Liuzzi Star-6 et son moteur BPM V6 Super Atlantic. Cet impressionnant bloc de 5,2 litres développant 255 chevaux avait été mis au point par deux ex-ingénieurs de Ferrari. Datant de 1960, le magnifique runabout a été piloté en classe IV par Jacques Arnilhac et portait le numéro 14 notamment lors d'un Grand Prix à Monaco. Retour en arrière. En 1937, Frantz Liuzzi crée son propre chantier au 9 rue Soyer à Neuilly-sur-Seine (92) pour y construire des canoës et des barques avant de se lancer dans la compétition motonautique dans les années 50. Il comprend l'intérêt que peut représenter une victoire en Grand Prix. Dans le milieu nautique, on dit souvent : « Gagner le dimanche et vendre le lundi ! » Frantz Liuzzi deviendra aussi importateur dans l'Hexagone des moteurs BPM, raflera plusieurs victoires notamment aux Six Heures de Paris, sans oublier quelques records de vitesse. Sur le lac de Rabodanges, le Liuzzi et son numéro 14 brillent de mille feux. Séquence émotion. Il a été entièrement restauré, sellerie et moteur BPM compris, par Jean-Marie Rolland.

Cet électricien auto de métier et spécialiste des voitures anciennes l'a remis à l'eau en 2011 à l'occasion de la Monaco Classic Week après des centaines d'heures de boulot sur le bois, les chromes, la sellerie et son incroyable moteur BPM. « C'est un bateau qui lève pas mal du nez et qui tape à vive allure mais je crois que c'est une caractéristique des Liuzzi. Comme des cabris », racontait à l'époque notre restaurateur. Revendu à un autre collectionneur, le runabout Liuzzi s'épanouit aujourd'hui dans ce paysage champêtre. À la grande époque, le lac a accueilli les Championnats d'Europe des Runabouts ou le Grand Prix du Barrage de l'Orne. Sur le lac normand planent d'autres belles sagas. Des histoires de bateaux, d'hommes, de rencontres. Gonzague Olivier en est la parfaite illustration. Si le nom de vous dit rien, sachez que ce féru de vitesse et de records en tous genres a remporté sa catégorie lors des 24 Heures du Mans en 1954. Après sa carrière de pilote auto, ce fan de ski nautique s'est mis en tête de fonder son propre chantier naval. Cela remonte au début des années soixante. Une bonne dizaine de modèles différents, essentiellement à moteur hors-bord, sortiront de ses ateliers situés à Cannes La Bocca avec une qualité de construction identique à celle d'une Porsche d'antan. Gonzague Olivier est le père de Jean-Claude Olivier dit JCO, illustre figure de la moto, patron de Yamaha en France disparu tragiquement il y a quelques années. En 1964, Gonzague Olivier, toujours très lié au monde automobile, avait en effet demandé à Auguste Veuillet, le boss de Sonauto, s'il ne pouvait pas prendre son fils en stage. Sage idée ! Jean-Claude Olivier se retrouva plus tard en charge de la création d'un réseau de distribution Yamaha dans l'Hexagone. La camionnette, le Tour de France et les motos de JCO... tout le monde connaît la suite ! Aujourd'hui, les bateaux Gonzague Olivier se font malheureusement assez rares. À Rabodanges, le modèle “Port-Cros” d'Hervé Fressard attire notre attention.

Héritage purement familial, le dinghy arbore une ligne simple mais réussie complétée par un liston en cordage, un pare-brise proéminent et une touche de chrome. Étudié plutôt pour une navigation en plans d'eaux intérieurs, le canot tricolore est propulsé par un proéminent Mercury 400 développant 50 chevaux pour une vitesse de 25/26 nœuds maximum. Rien à voir avec son hors-bord d'origine, un bloc Johnson-Evinrude 4 cylindres. Sur le plan d'eau, les pilotes de pelles et racers reçoivent le plus beau des accueils. Ancien pilote “inshore” en catégorie S850, Henry-Jacques Pechdimaldjian voue un culte particulier aux automobiles italiennes, beaux objets et bien sûr bateaux de course. Il est l'heureux propriétaire du “Loustic 2”, un racer Dino Celli propulsé par un bloc 1 300 cm3 Alfa Romeo (tiré tout droit de l'Alfa Giulietta) développant 125 chevaux pour une vitesse de pointe proche des 140 km/h. Magnifiquement entretenu, le bolide bleu a multiplié les exploits avec notamment « un record du monde de vitesse en 1964 à 137,93 km/h ou encore les records mondiaux sur 5, 10 ou 15 milles avec comme pilotes François Brisbal ou Gustave Chapron », détaille ce collectionneur qui a participé aux Six Heures de Paris ou aux 24 Heures de Rouen. « C'est facile pour nous de naviguer à Rabodanges car c'est un plan d'eau fermé. J'apprécie le charme bucolique de la campagne normande, les vaches autour du plan d'eau et l'ambiance du club », renchérit Henry-Jacques. Au cœur du paysage normand, c'est un vrai symbole italien du motonautisme que l'on voit rebondir sur les vagues, passer, rugir, revenir au ponton puis tourner “pleine balle” autour des bouées. Le racer San Marco lui emboîte le pas, Bernard, son pilote, a le sourire aux lèvres. Dans leur sillage, d'autres icônes de la mécanique s'exécutent. Dans le milieu, on dit souvent : « Gagner le dimanche et vendre le lundi ! » En mode course ou plaisance. Il y a Alex le fils d'un passionné, épris de mécanique, Claude, l'ancien pilote de l'écurie des As ou encore Hervé et sa pelle 500 à moteur Koenig. Et dans la famille Mouly, on aime aussi “rouler” des pelles. En pole position, je demande le fils Théo, habile pilote-collectionneur un peu fou d'une Rocca en polyester à moteur Mercury (voir BH #06). Parfois pataude, cette coque en polyester qui un temps fut pilotée par Oreste Rocca démarre à la ficelle et se montre imprécise et joueuse en courbes. Comme au bon vieux temps...

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