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Mustang 184 - Joel Lefebvre : Un homme et une Mustang

Modifié le Écrit par La Rédaction
Mustang 184 - Joel Lefebvre : Un homme et une Mustang
© Photos Götz Göppert
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11 décembre 2020. Une GT 40 et une Mustang surfent à pleine vitesse sur l'anneau trempé de Montlhéry. A leurs volants, Joël Lefebvre, Joël pour les intimes et Philippe. Le ciel chargé, l'ambiance de fin du monde rendent ces essais magiques, les images resteront gravées à tout jamais dans les mémoires de ceux qui ont la chance de vivre ce moment, 55 ans après. .. Cette scène, c'est une séance de mise au point de voitures de course imaginée par Claude Lelouch pour son film Un homme et une femme, film qui l'a fait connaître du grand public. Il est à la fois le réalisateur, le coscénariste, le producteur et le directeur de la photographie. Son film remportera la Palme d'or au Festival de Cannes 1966, l'Oscar du meilleur film étranger en 1967 et l'Oscar du meilleur scénario original. Pour moi, tout commence ce matin du 11 décembre. J'arrive au circuit de Montlhéry, passe dans le tunnel et me gare devant le bâtiment qui jouxte les tribunes. Le sol est trempé, le ciel menaçant, il fait froid.

Pendant que je m'allume une clope, les mécanos sortent une F3 du camion. La GT 40 est là, sur le tarmac aussi gelé que désert. Les ingénieurs sont plongés dans le moteur, coincés entre le capot arrière levé et l'énorme V8, comme à la merci de deux énormes mâchoires mécaniques. Emmitouflé dans mon manteau de fourrure, je les regarde s'affairer sur la Formule 3. Je mets ma combi, mon blouson blanc à bandes rouge et bleu. Je marche vers la GT 40 le casque à la main. J'échange une dernière fois avec les ingénieurs, me glisse à bord, ferme la porte, démarre le moteur. Un bruit strident, rauque, puissant, remplit l'air. La GT 40 s'élance. Le moteur ratatouille, elle glisse sur le sol mouillé tel un requin cherchant sa proie. Je me mets dans l'axe, accélère, à l'assaut de l'ovale. J'accélère encore. Le photographe me shoote au télé du centre de la piste. Je monte les rapports et, avec la vitesse, je me retrouve vite à mi-hauteur. On m'aperçoit furtivement à travers les arbres, luttant contre les éléments. Bien accroché au volant, je lâche la main droite, saisis le levier et le tire vers moi. 11 000 tr/min. Je jette un œil dans le rétro. Je suis concentré. Calme. Je lâche les mains. Sur anneau, c'est la vitesse qui te positionne, pas le volant. Pour l'équipe qui me chronomètre, je passe dans un hurlement. La Mustang 184 me rejoint. Nous roulons en formation. La nuit est tombée. On ravitaille les voitures, change les pneus, nettoie les phares. A la radio, on annonce le Rallye Monte-Carlo auquel je participerai bientôt avec cette Mustang 184, face aux Cooper, DS 21 et autres Porsche.

La Mustang 184 a été starifiée dans “Un homme et une femme”, au même titre que les acteurs

Cette nuit-là, je continuerai la mise au point de la Mustang et de la GT40. Sous la pluie. Pendant de longues minutes, je me suis pris pour Jean-Louis Trintignant dans Un homme et une femme . Et pourtant, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas un film de voitures, même si cette Mustang portant le numéro 184 est restée mythique. C'est un film sur l'amour, comme le dévoile un peu le titre. Amour entre un homme et une femme, mais aussi entre un homme et sa voiture, personnage essentiel du film. On partage la mise au point des voitures de course, un Rallye Monte-Carlo sous la neige à une époque où le mot héros prenait tout son sens. C'est pourtant avec sa voiture, et grâce à elle, que Jean-Louis et Anne Gauthier (Anouk Aimée) vont se parler, se rapprocher, s'aimer, se retrouver. .. Lors des allers-retours Paris-Deauville dans une Mustang cabriolet rouge mais aussi quand Jean-Louis expédie le Deauville-Paris en mode rallye pour arriver avant le train dans lequel il vient de déposer Anne. Cette Mustang blanche, estampillée du numéro de course 184, est restée dans les mémoires. Surtout dans celle de Joël Lefebvre à qui appartient le modèle que vous voyez dans ces pages.

C'est lui qui a rendu possible ces images, tournées à Montlhéry 56 ans jour pour jour après la scène originale. Avec la GT 40, réplique exacte de celle du film. Avec ce temps hivernal, ce ciel nuageux et ces averses éparses absolument raccord avec les conditions météo de l'époque. Nous avons même eu la chance de faire quelques tours d'anneau au volant de cette Mustang...

Accompagné par Anne, pardon par Joël. Nous avons perdu en séduction ce que nous avons gagné en passion.

Entre deux vrombissements du V8, nous l'avons questionné sur sa voiture : « J'habite Deauville et j'ai été marqué par le côté graphique de la voiture, notamment quand tu la vois sur la plage. A un moment, je me suis demandé ce qu'était devenue cette Mustang. Je me suis dit que j'avais à peu près son âge. J'ai toujours été attiré par le coupé et non le Fastback. L'originale a disparu, elle aurait brûlé dans un garage en région parisienne en 1967. Je me suis mis en tête d'en faire une réplique. J'ai mis trois ans pour trouver le bon code couleur, le bon intérieur, la bonne boîte de vitesses. Il fallait que ce soit une voiture vendue par Ford France à l'époque et non un modèle importé. Je l'ai trouvée au mois de juin 2018, à Aix-les-bains, en mauvais état. Celle-ci est un code C alors que la voiture du film est un code K. C'est bien un V8, le code K faisait 271 chevaux, la mienne fait un peu plus de 200 chevaux.

Même circuit, même voitures, même météo…55 ans plus tard

Moi, ce qui me fallait, c'est une voiture qui ressemble à celle du film. Elle n'a que 104 000 km, elle est dans son état de 1966. On la remet en route, je fais le stickage, ma fille met quelques photos sur les réseaux sociaux et il ne se passe plus rien. Et puis au mois de septembre, mon téléphone sonne : “Bonjour, je suis Martine Lelouch, la sœur de Claude, et on a besoin de votre voiture pour la suite du film”. Ma voiture a donc servi pour “Les plus belles années d'une vie”. Le matin du tournage, je vais chercher Claude avec la voiture. Il a été surpris. A la fin du tournage, il m'a signé un certificat attestant que seule ma voiture a le droit d'utiliser l'image de la Mustang 184. »

La Mustang et la GT 40 passent en formation sur la piste, précédées d'une voiture travelling : « Regarde, c'est incroyable de voir ça. » Joël s'émerveille à chaque passage. « Je suis content d'avoir cette voiture. Elle a changé une partie de ma vie. Sans elle, je serais en train de jouer au golf alors que je viens de monter un essai presse de voitures de course.

J'ai fait le Tour Auto, cette année je fais le Monte-Carlo historique. Après je vais faire Le Mans Classic. .. Je n'hésite pas à la sortir. Le Monte-Carlo, c'est dans la neige, tu peux taper. Mais à quoi ça sert d'avoir une belle voiture si tu ne la sors pas. Au Tour Auto 2019, j'avais certainement la voiture la moins chère du plateau, mais au bord de la route, c'était elle la vedette. C'est d'ailleurs la seule voiture qui a le droit de rouler sur les planches à Deauville. »

Joël nous explique le plaisir qu'il prend à son volant

« C'est bien motorisé, elle ne fait que 1 300 kg, il y a beaucoup de couple, sur le sec c'est une voiture étonnante, ça vire à plat mais ça ne freine pas beaucoup même s'il y a des freins à disque à l'avant. Sur le mouillé en revanche, il faut être super vigilant, ça marche plus fort que le courage du pilote. » Et puis il y a cette GT 40, celle de Philippe, qu'il rencontre au détour d'une course au Mans. « Ce n'est pas celle du tournage mais c'est une vraie Mark I de mai 1966, qui n'était pas en livrée Ford France a l'origine. Mais lors de sa récente restauration chez ATS Le Mans, il fut décidé de lui offrir cette nouvelle livrée qui lui va si bien, et qui est très proche de la voiture du film. » Ce moment hommage, hors du temps, touche à sa fin. Clap de fin, retour à la vraie vie, encore sous le charme de cet essai et de ce pan d'histoire cinématographique. Ce soir, Joël reprendra le volant de sa Mustang 184, fera un Paris-Deauville puis ira chercher « sa Nathalie » pour l'emmener au restaurant dans « la voiture la plus romantique du monde ». Voiture de course mythique, cette GT 40 est aussi unique au monde dans cette livrée.

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