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Benjamin Laroche – Posipillo : un Italien à la pointe de… Crozon

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Benjamin Laroche – Posipillo : un Italien à la pointe de… Crozon
© Marc de Tienda
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Pour croiser Benjamin Laroche, il vous faudra vous mouiller un peu. Sans doute aux abords de Kerlo'ch, en mer près de la pointe du Grand Gouin, ou encore autour des rochers de Porz Naye en Bretagne. Pour ceux qui craindraient d'affronter les périls de Crozon, le chemin des Douaniers ne sera pas suffisant pour croiser ce yachtman stylé, n'ayant peur ni de la houle ni des embruns bretons. Dans ces eaux parfois tumultueuses, un sardinier ou un langoustier serait sans doute plus “safe” que le joli runabout de 5,20 m de Benjamin, un Posillipo Positano fabriqué en baie de Naples depuis 1950. Le modèle de Crozon date lui de 1960 avec son N° 54, et s'il est basé à Camaret-sur-Mer sous l'œil bienveillant de la Tour Dorée de Vauban et de Notre-Dame de Rocamadour, c'est surtout parce que Benjamin y est accroché depuis toujours. Les navigations avec son grand-père, la pratique de la voile et le monitorat à Morgat le ramènent toujours dans cet univers de falaises et de rocs sabrant la houle. L'homme a de l'énergie, aime les choses bien faites avec de l'histoire pour la base. En creusant un peu, notre capitaine est en fait aussi ancré en Chablis (Yonne), à la tête de La Manufacture, une production bien utile pour désaltérer tout esthète avec l'impression de dérouler du velours en dégustant ces nectars. Le nom n'est pas pris au hasard, Benjamin a une approche du travail d'artisan méticuleux comme les horlogers alpins confiant la réalisation de leurs pièces aux montagnards isolés en hiver. L'exigence, la précision font partie de son caractère afin de profiter pleinement de ses bateaux restaurés avec minutie. Le respect du travail du bois est aussi un critère de son approche nautique mettant, quand il le peut, du labeur sur l'établi.

« Le plastique, même très joli, ce n'est pas pour moi. » Le soin de son application à vernir son Seyler Sport Client dans sa grange en Chablis laisse pantois William Faure (voir BH #02), avec qui il échange souvent sur les runabouts, tout en lui confiant ses moteurs à reconditionner. Que fait donc un petit inboard napolitain destiné aux eaux plus calmes et aux plaisirs nautiques tournant autour de la baignade, du ski nautique ou des retours au planning dans la baie italienne ? Simplement, notre amateur du bois, et plus particulièrement du style et du design transalpins des années 50 à 70, est un homme de décision et d'action. En confiant la restauration d'un Rio à Marco dans un chantier du lac de Garde en Italie, le temps de la livraison s'étirant tel le filet de mozzarella sur votre pizza, notre Bourguignon se retrouvait sans bateau pour ses prochains séjours sur la pointe bretonne. Par un pur hasard, un inboard à ligne d'arbre attendait sagement qu'un passionné l'emmène sur des eaux plus agitées que le lac du chantier. En étudiant très précisément ce petit bateau, le plus petit des Posillipo de l'époque, son aspect sportif, son degré de finitions et sa carène prometteuse de bonnes sensations, Benjamin ne s'est pas longtemps posé la question. Moins de 900 kilos, sur sa remorque le Positano allait faire quelques kilomètres sur la route entre la Bourgogne et la Bretagne et quelques miles autour de Crozon. Notre vigneron n'a pas pris une décision à la légère, sachant apprécier le travail du chantier et évaluer la valeur d'un joli bateau. Le programme du Pinin II semblait alléchant et rentrait dans ses critères du “travail à l'italienne” en esthétique et en navigation.

Pas de quoi inquiéter le capitaine qui réduit les gaz avec le levier sur le flanc bâbord

Stéphanie son épouse et Augustin son fils seront ravis de partager ce choix. Bien sûr à Camaret-sur-Mer, Pinin II est le classic boat au milieu des utilitaires de la mer d'Iroise, des bateaux de pêche ou des voiliers. Les gars du coin, une fois la surprise passée, ne prennent pas pour autant le dandy au dress code immaculé pour un original égaré. L'élégant en question ne craint pas de sortir son Positano dans les eaux parfois agitées de la rade ou de la pointe. Benjamin parcourt le coin depuis tout petit et pour lui il fait toujours beau en Bretagne, comme aujourd'hui où tout au moins en début d'après-midi, il règne une douceur tropézienne. Le souci du détail chez Benjamin se retrouve en découvrant la bâche protégeant son modèle inboard. Difficile d'appeler la seconde peau appliquée sur le canot une bâche tellement elle est ajustée au plus près de la coque. Augustin, son fils, la retire rituellement, révélant les richesses du “modèle”. En se penchant sur l'accastillage ou en évaluant la profondeur des vernis, le Pinin semble sortir du chantier comme à l'origine.

Le drapeau sur le feu de la proue ne perd pas un fil, et pour Benjamin, c'est juste normal. Comme collectionneur, son envie de coller à l'époque se retrouve dans les détails, la précision, et le Positano de Marco ne pouvait qu'attirer son attention. Une fois la bête débarrassée de ses atours, les lunettes ajustées, le Bourguignon lance le 6 cylindres GrayMarine en toute confiance. Presque décevant de facilité, le tranquille moteur de 3,7 litres de la famille Continental a commencé sa carrière avant-guerre et reste un gage de solidité, ce qui pour un Breton est toujours rassurant. Le temps de monter en température tranquillement et de réveiller les 116 chevaux, les badauds viennent s'agglutiner et contempler l'Italien sortir du quai. À manœuvrer à basse vitesse, le Posillipo demande quelque adresse et expérience, ce qui s'apprécie au retour, quand le vent s'engouffre en travers du port. Le respect avec les gens de mer se gagne aussi dans ces manœuvres.

Benjamin Laroche, toujours détendu et heureux de partir en mer, passe en revue les vieilles pêcheries et la Tour Vauban désormais classée au Patrimoine de l'Unesco. « On va rendre visite aux dauphins et aux phoques, histoire de sortir de la rade. » Sûr de lui car sûr de son bateau. Peu de collectionneurs emmèneraient un tel esquif au large. Mais Benjamin, aussi smart qu'il soit, aime naviguer et ce dans les performances du bateau. « Mon Positano est maniable et trace facilement pour flirter avec les 35 nœuds. Sa carène planante fait merveille sur plan d'eau tranquille mais j'ai pris des creux de 1,20 mètre sans me faire peur. J'ai découvert un comportement marin assez joueur et nerveux, adapté à mon tempérament. » Maniable pour sûr, au vu des angles pris par Benjamin comme s'il participait à une épreuve entre des bouées contre Garwood, le remuant constructeur et compétiteur US. Le Graymarine ne se plaint pas de la danse imposée par le pilote aussi détendu que lors d'une dégustation œnologique, lové dans un Chesterfield patiné par le temps. Avec son appétence de pousser le bateau dans ses capacités catalogue, Benjamin savoure tout autant les navigations en famille ou avec des amis, le Pinin accueillant quatre à cinq personnes.

Benjamin lui se trouve à sa place, comme n'importe quel homme de mer aguerri, appréciant la mise en valeur de son Positano au moindre rayon de lumière. Les vernis jouent des reflets et soulignent les lignes du runabout avec insolence dans une mer un peu plus hostile. Un moment des plus délicieux pour Benjamin, l'esthète, imaginant le joli tableau inspirant de son Posillipo en mer d'Iroise agitée. Sans doute son histoire en mer avec son grand-père lui rappelle-t-elle le plaisir de partager, de transmettre les émotions et une certaine forme de romantisme, le tout avec élégance. Cette ivresse marine reste encore après le retour au quai. Le goût de l'iode va glisser tranquillement sur d'autres chemins comme celui d'un Chardonnay élaboré dans le même esprit d'exigence et de plaisir. L'histoire ne pèse nullement dans la vie de Benjamin, c'est souvent la base d'une nouvelle aventure !

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