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Gordon Murray : le génie

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Gordon Murray : le génie
© Gordon Murray Automotive
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Sans aucun doute, Gordon Murray fait partie du Panthéon des ingénieurs automobiles les plus respectés.

Le mot génie est souvent associé à celui qui a mené les équipes de Formule 1 Brabham et McLaren à tant de victoires et de titres mondiaux. Une histoire qui sent bon les duels Prost-Senna, les accès de fureur de Nelson Piquet, le management de Ron Dennis, les logos TAG, Parmalat, Marlboro. .. et la grande silhouette un peu dégingandée, la moustache épaisse, la coupe de cheveux longue sur la nuque et les T-shirts rock' n'roll et chemises à fleurs de Gordon Murray. Né à Durban, en Afrique du Sud en 1946, de parents d' origine écossaise, il baigne dans l' automobile avec son père mécano (chez Peugeot) et ne rêve que d' une chose : piloter. La course automobile en Afrique du Sud, à cette époque, est un luxe que ceux qui savent eux-mêmes préparer leur auto peuvent au mieux pratiquer. Son père aide des écuries de course à ses heures perdues, le jeune Gordon commencera à dessiner ses propres moteurs. Un talent, ça ne se décrète pas, c' est inné. Il raconte au magazine britannique Motor Sport qu' il avait déjà des esquisses d' une voiture de sport plaçant le conducteur au centre et deux passagers de part et d' autre, ce que deviendra la fameuse McLaren F1 quelques décennies plus tard. Mais nous y reviendrons plus loin.

Il construit une voiture de course qu' il nomme de ses initiales, IGM (Ian Gordon Murray) et pilote avec succès. Il suit des études d' ingénierie mécanique à l' université de Durban. Mais l' appel est trop fort pour la Grande-Bretagne qui réunit ses deux passions, musique rock et course auto, et il part en 1969 pour un job chez Lotus. .. qu' il n' obtiendra pas sur place, les conditions étant devenues défavorables. Après quelques errements c' est finalement chez Brabham qu' il atterrit, aux côtés de Ron Tauranac. Il travaille sur les voitures de F1, F2 et F3 et, sur son temps personnel, construit à nouveau une auto, sur base de Mini cette fois. Et surtout, il passe ses nuits à mettre au point sa première voiture de course, une Dukhams engagée aux 24 Heures du Mans, à la demande du pilote Alain de Cadenet. Brabham est repris par Bernie Ecclestone, qui confie au jeune ingénieur la conception de la prochaine F1 de l' écurie, la BT42, compacte et élégante, Murray a aussi l' œil du designer, il a également une éducation artistique et une auto doit être belle pour lui ! Mais surtout, cette auto innove avec son carbone utilisé pour sa construction et ses freins.

Cette machine à plaisir analogique est pensée dans chaque aspect pour être exploitable, et donc appréciée, en usage quotidien

A côté, il poursuit ses derniers rêves de pilote en Formule 750 avant de laisser de côté cette ambition, trop occupé décidément à construire les voitures qui se battront aux avant-postes en F1 et commencent à gagner des GP, avec l'Argentin Carlos Reutemann. Au fil des saisons, les choix technologiques de l' ingénieur Murray évoluent, avec pour point d' orgue la saison 1978 et la fameuse BT-46B (ou “fan car”), équipée d' un immense ventilateur arrière qui servait presque autant à créer un immense effet de sol qu' à participer au refroidissement du 12 cylindres à plat Alfa Romeo. Elle fait son petit effet dans le monde de la F1, gagne le GP de Suède aux mains de Niki Lauda, mais la FOCA (organisme des constructeurs de la F1) étant tombé dans l' escarcelle d' Ecclestone, le patron de l' écurie Brabham ne pouvait laisser courir cette auto trop performante face aux autres qui paraissaient si conventionnelles d' un coup.

En tout cas, cette innovation technique est bien restée dans la tête de Murray qui lui donne une seconde vie dans sa toute dernière création, la T.50. Il restera chez Brabham jusqu' en 1986, avec deux titres pilote pour Nelson Piquet (1981 et 1983, avec la magnifique BT-52 et son moteur BMW turbo). C'est lui qui met au point une cascade de technologies qui permettent des pit-stops rapides comme l' éclair. Alors qu' il est fatigué de la F1 et souhaite la quitter, Murray est rattrapé par la manche de sa chemisette à fleurs par Ron Dennis pour McLaren, qui vient de perdre son ingénieur star John Barnard. Gordon accepte mais pour une durée de trois ans seulement. Là, ses responsabilités sont bien plus délimitées, c' est une bien plus grosse machine que cette équipe où il s' agit pour lui de se concentrer sur l' ingénierie et la stratégie de course, point. Trois ans, trois victoires en championnat : succès total pour cette époque des duels Prost/Senna, de 1988 à 1990, avec les moteurs Honda V6 turbo, puis V12. Au total, Murray comptabilise cinquante victoires en GP avec ses autos. Puis il part. .. Après la fin de son implication en F1, Murray se concentre sur. .. la F1 !

Il reste chez McLaren avec un tout autre projet qui repose entièrement dans ses mains : la création d' une supercar à partir d' une feuille blanche. Du bâtiment de Woking dans lequel elle sera conçue jusqu' au dernier détail de finition, Murray a le contrôle sur absolument tout, avec la confiance totale de Ron Dennis sur ce projet. Et de là naîtra la fabuleuse McLaren F1, considérée par beaucoup comme la supercar ultime et dont les prix s' envolent à chaque vente aux enchères. Elle a eu quelques propriétaires prestigieux à son époque, comme Elon Musk, Jay Leno, Rowan Atkinson ou encore, George Harrison. Ultra spectaculaire avec sa conception mettant (littéralement !) le conducteur/pilote au centre, elle bouscule complètement le petit monde des supercars à sa sortie en 1992. Seuls 106 modèles seront construits. C' est la première voiture de route construite en carbone composite, elle reçoit un V12 BMW qui franchit les 600 chevaux et dépasse à peine la tonne. Résultat, des performances qui atomisent tout ce qui roule, grâce aussi à une aérodynamique extrêmement poussée (370 km/h !). Son allure compacte et racée est signée du designer Peter Stevens.

Elle connaît aussi le succès en compétition avec la version GTR, avec une incroyable victoire surprise aux 24 Heures du Mans pour sa première participation en 1995. Enfin, à la suite de ce projet, McLaren collabore avec Mercedes pour la SLR.

En 2007, après avoir quitté McLaren, Murray crée Gordon Murray Design, avec différents projets d' ingénierie et de consulting, dont un étonnant projet de micro-citadine nommé T. 25. Puis il construit en 2017 une usine capable de produire des modèles de faible volume et, puisqu' il faut bien l' occuper, c' est son ultime création, la T.50, qui l' étrennera. La T.50 est un réel aboutissement, marquant à la fois cinquante ans d' une (ô combien) brillante carrière et la cinquantième auto conçue par Murray. En écho à la F1, la T.50 est une hypercar superlative à trois places, le pilote au milieu. Avec 986 kilos grâce à sa structure et sa carrosserie carbone, elle est incroyablement légère pour les quelque 663 chevaux, voire 700 chevaux en mode boost (1,5 kg/ch) développés par son moteur V12 3.9 atmosphérique capable de prendre. .. 12 100 tours/minute !

Le mot génie est souvent associé à celui qui a mené les équipes de F1 Brabham et McLaren à tant de victoires...

Imaginez son chant. .. Un bloc aux montées en régime éclair, conçu avec Cosworth exclusivement pour l' auto. Avec cette propulsion manuelle dotée d' une boîte 6 rapports, clairement, absolument tout est fait pour le plaisir de son pilote, plus que pour la performance pure, et d' ailleurs, aucun chiffre n' est donné pour le moment. Compacte (4,35 mètres), pure et franchement splendide, elle donne tout à son aérodynamisme actif, reprenant l' idée de l' aspirateur arrière de la BT-46B, ce qui la dispense d' avoir besoin d' un lourd aileron pour assurer l' appui nécessaire. Six effets différents peuvent être choisis pour gérer l' action de ce ventilateur de 400 mm. Avec les spoilers arrière et les diffuseurs actifs, il est capable au choix de gagner par exemple 50 chevaux, donner jusqu' à 100 % d' appui au freinage, ou améliorer l' aérodynamisme de 12,5 %. Et plus que les chiffres absolus, cette machine à plaisir analogique est pensée dans chaque aspect pour être exploitable - et donc appréciée - en usage quotidien. Encore quelques détails : sa production (pour 2022) est limitée à cent exemplaires et son tarif se monte à 2,36 millions de livres (HT). Toutes ont été vendues en 48 heures. La mission de l' auto pour Murray ? La perfection absolue de la conduite. Nous le croyons volontiers.

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