S'abonner

Malcolm Campbell : l’ivre des records

Modifié le Écrit par La Rédaction
Malcolm Campbell : l’ivre des records
© Alamy
Couverture complète sur mise-en-avant

Chez les Campbell, on a le goût du record. Si bien qu'un an seulement après la mort de Sir Malcolm en 1948 à l'âge de 63 ans, son fils Donald va prendre la relève afin de faire en sorte que le record de vitesse sur l'eau décroché par son père en 1939, et convoité par les Américains, demeure dans la famille. C'est aux commandes du Blue Bird K4 de son paternel qu'il fera ainsi ses premières armes avant de le remplacer par le K7 à bord duquel il battra à son tour de nombreux records et trouvera la mort en 1967. C'est toutefois sur la terre ferme que tout a véritablement commencé pour les Campbell. Né en 1885, Malcolm se destine à une carrière dans le commerce des diamants mais, lors d'un séjour en Allemagne dans le cadre de sa formation, il se découvre une passion pour les courses de moto. De retour à Londres, il remporte quelques trials avant de se tourner, en 1910, vers la compétition automobile.

Alors qu'il continue d'écumer les circuits sur des Bugatti, Sir Malcolm va se lancer dans les records de vitesse sur l'eau

Sur le circuit de Brooklands, il fait ainsi ses débuts à bord d'une voiture qu'il baptisera Blue Bird, surnom inspiré par la pièce de théâtre du même nom à laquelle il a assisté au théâtre Haymarket. Si l'on retrouve Malcolm au volant d'une Bugatti T37 engagée au Grand Prix de Boulogne en 1927 et en 1928, il a déjà la passion des records depuis quelques années. En 1924, il est ainsi devenu recordman de vitesse sur terre au volant d'une Sunbeam V12 de 350 chevaux qui va l'emmener à plus de 235 km/h sur une plage du Pays de Galles. Cet exploit, Malcolm Campbell va le reproduire huit fois entre 1924 et 1935, de Brooklands à Daytona Beach, pour atteindre cette année-là les 480 km/h à bord de sa Blue Bird (une Campbell-Railton équipée d'un V12 Rolls-Royce) sur la piste mythique de Bonneville Salt Flats, dans l'Utah.

En août 1939, Blue Bird K4 s'élance sur le lac de Coniston Water et empoche le record : 228,1 km/h

À partir de 1937, l'appellation Blue Bird va designer les bateaux de Campbell. Alors qu'il continue d'écumer les circuits d'Angleterre sur des Talbot, Delage et autres Bugatti, Sir Malcolm (il a été anobli en 1919 pour services rendus pendant la guerre) va en effet se lancer tête baissée dans les records de vitesse sur l'eau. À cette époque, Britanniques et Américains se livrent une compétition féroce dans cette discipline. Avant 1910, ces records étaient systématiquement détenus par les Yankees à bord de bateaux à vapeur dont les performances naviguaient entre 42 km/h en 1885 et 72 km/h en 1903, avant que le moteur Diesel du bateau Miss America de Garfield Wood ne permette d'atteindre 114 km/h en 1920, sur la rivière Detroit. En 1930, un rien lassé de cette suprématie américaine, l'Anglais Lord Wakefield, patron de Castrol, lance la construction des bateaux Miss England et Miss England II que le pilote Sir Henry Segrave emmènera à 159 km/h sur le lac de Windermere en juin 1930 pour se tuer quelques minutes après en tentant d'améliorer son temps.

En 1937, alors que l'Américain Gar Wood est parvenu à atteindre 200,9 km/h avec son énorme Miss America X (12 mètres de long, quatre moteurs d'avions Packard), Malcolm Campbell révolutionne le design des bateaux de compétition avec son petit hydroglisseur Blue Bird K3 (7 mètres de long, un seul moteur Rolls-Royce). « Nous utilisons le même moteur de 2 000 chevaux que lors de notre record sur piste avec Blue Bird en septembre 1935, expliquait-il avant d'effectuer des essais sur le lac Léman, dans une rare interview filmée. Le bateau est très léger, et il nous faut donc des conditions absolument exceptionnelles pour effectuer les essais. »

En juin, sur le lac Majeur en Italie, l'Anglais atteint 203,3 km/h. Toutefois, un peu déçu par sa performance, il commande aussitôt un nouveau Blue Bird, le K4, à la société Vosper & Company. Ce nouvel hydroglisseur se voit équipé de trois flotteurs, deux à l'avant et le troisième à l'arrière. La force exercée sur la saillie de la coque soulève la proue vers le haut, le bateau s'élève au-dessus de la surface de l'eau lorsqu'il prend de la vitesse, réduisant la surface mouillée de la coque et donc le frottement. Le 19 août 1939, Blue Bird K4 s'élance sur le lac de Coniston Water, dans le nord-ouest de l'Angleterre, et permet à son intrépide concepteur d'empocher une fois encore le record, avec une vitesse de 228,1 km/h.

Après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il s'est illustré en concevant le prototype d'un véhicule blindé dont la fabrication sera lancée en août 1940, Sir Malcolm va tenter de perfectionner son bateau en l'équipant d'un moteur d'avion De Havilland. Il en modifie aussi le design, donnant ainsi au Blue Bird un profil de chaussure qui lui vaudra le surnom de “Coniston Slipper” (la pantoufle de Coniston). Le résultat n'est pas convaincant et Campbell décide de se retirer de la chasse aux records. Peut-être usé par le danger et l'excitation de la vitesse, son cœur fragilisé par plusieurs attaques cessera finalement de battre le 31 décembre 1948, chez lui, dans le Surrey. Alors que son père avait souhaité, dans son testament, que tout son matériel et ses bateaux soient vendus aux enchères, Donald Campbell, né en 1921, va s'évertuer à tout racheter afin de se lancer à son tour dans la course. Avec lui, le Blue Bird K4 se voit ainsi équipé d'hélices tandis que le moteur De Havilland laisse la place à un Rolls-Royce comme initialement prévu. Mais les résultats ne seront pas à la hauteur des espoirs du jeune Donald si bien qu'après avoir souffert d'un gros défaut de structure en 1951, Blue Bird K4 (exposé de nos jours au Lakeland Motor Museum d'Ulverston) laissera sa place au Blue Bird K7, lequel fera de nouveau briller le nom des Campbell dans la compétition jusqu'à ce jour funeste de janvier 1967. Mais ceci est une autre histoire...

Mentionnés dans cet article

Écrit par La Rédaction
Partagez cet article partout

Dernières news sur mise-en-avant

Frank Huyghe : en apesanteur

Frank Huyghe : en apesanteur

La marque française indépendante Ralf Tech a réussi à passer des profondeurs océaniques à l'infini de l'espace. Personne ne l'attendait là-haut. C'est pourtant Ralf Tech, spécialiste de la plongée, qui décroche une collaboration avec le CNES et réalise la première montre française de l'espace ! Par Carine Lœillet.

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine 

Après sa victoire sur la Route du Rhum, le skipper vient de remporter l'Arkea Ultim Challenge Brest, nouvelle course en solitaire autour du monde. Le Finistérien au CV bien trempé a conquis la planète avant de s'imposer en France. Par Xavier de Fournoux.

Heroin Purr riding : road strip

Heroin Purr riding : road strip 

Libre, indépendante, équipée en série d’une bonne dose de sensualité et, en option, d’un pack badass : voici Jacquie. Créatrice de contenu moto sous le pseudo Purr Riding, Jacquie c’est un peu Thelma et Louise à elle seule. Une femme authentique qui se met à nu dans Moto Heroes pour démontrer que tout est possible. Par Ethan Valentin.

Vincent Ipslanti : les chevaux du plaisir

Vincent Ipslanti : les chevaux du plaisir 

Si l'on fait exception du cheval, sur le capot ou sur la fesse, ces deux voitures, la Ford Mustang et la Ferrari 348, ont autant de similarités qu'un hamburger et des tagliatelles. Leur point commun en réalité est un homme de passion aux multiples casquettes. Par Ethan Valentin.

Bellini yacht : una nuova vita

Bellini yacht : una nuova vita

Né en 1960, ce chantier installé en face de Riva a développé une identité originale, construisant ses propres modèles en bois verni et restaurant ceux de son prestigieux voisin. Après des années de transition, voyant le fils Bellini succéder à son père, le chantier de Clusane relance aujourd'hui une nouvelle gamme de prestige. Par Philippe Leblond.

Julien Roucheteau : devoir de réserve

Julien Roucheteau : devoir de réserve

Prendre des risques, parfaire, sublimer un produit, atteindre des sommets, recommencer. Y aurait-il quelques analogies entre gastronomie et moto ? Le temps d'une interview, Julien Roucheteau, Meilleur Ouvrier de France et chef étoilé de La Table des Rois, nous donne des éléments de réponse. Par Arnaud Choisy.

Couverture complète sur mise-en-avant >

Sur le même sujet

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine

Charles Caudrelier, la brise de la cinquentaine 

Après sa victoire sur la Route du Rhum, le skipper vient de remporter l'Arkea Ultim Challenge Brest, nouvelle course en solitaire autour du monde. Le Finistérien au CV bien trempé a conquis la planète avant de s'imposer en France. Par Xavier de Fournoux.

Bellini yacht : una nuova vita

Bellini yacht : una nuova vita

Né en 1960, ce chantier installé en face de Riva a développé une identité originale, construisant ses propres modèles en bois verni et restaurant ceux de son prestigieux voisin. Après des années de transition, voyant le fils Bellini succéder à son père, le chantier de Clusane relance aujourd'hui une nouvelle gamme de prestige. Par Philippe Leblond.

Baruna : Le prix de la perfection

Baruna : Le prix de la perfection

De sa conception, sous le crayon du génial Olin Stephens, à sa restauration en Europe, Baruna a toujours bénéficié de l'expertise des meilleurs. Entre deux régates à Saint-Tropez, nous vous emmenons découvrir l'histoire de ce yacht sur lequel tout confine à la perfection. Par Pauline Marcel.

Canados Gladiator 571 blade : l'arme fatale 

Canados Gladiator 571 blade : l'arme fatale 

Les “muscle boats” n'ont pas dit leur dernier mot. La preuve avec ce nouveau Gladiator 571 Blade, un bateau à moteur au design incisif, rapide sur l'eau, aux excellentes qualités marines mais offrant aussi une finition premium et un confort sur mesure. Par Geoffroy Langlade.

Les meilleurs Gt des mers : Better, stronger, faster

Les meilleurs Gt des mers : Better, stronger, faster

Le nautisme s’inspire de l’automobile, mais des marques comme Porsche ou Lamborghini misent aussi sur la plaisance pour valoriser leur image et leurs technologies. Par Alexandre Lazerges.

Samuel Le Bihan : mâle de mer

Samuel Le Bihan : mâle de mer

À l'occasion du Vendée Globe, le comédien français incarne le rôle du marin Yves Parlier qui s'était obstiné à boucler l'édition 2000 du célèbre tour du monde à la voile, en solitaire et sans assistance. Un rôle épique et touchant. Par Geoffroy Langlade.