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Pete Townshend : Rock the waves

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Pete Townshend : Rock the waves
© Billy Black, Panerai/Guido Cantini & ZVG
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Ce doux géant aux manières de gentleman anglais cache ses yeux derrière des lunettes de soleil teintées de bleu. Pour communiquer avec lui, il faut parler fort, car plus d'un demi-siècle de rock sauvage à un niveau de décibels maximal ont laissé des dégâts auditifs irréparables. Sans Townshend et les Who, il n'y aurait pas de groupes de heavy metal, de hard rock ou de punk. Mais pas d'opéras rock non plus. Il a été leur précurseur, ses riffs puissants et agressifs et sa technique furieuse à la guitare électrique ont inspiré et influencé les purs et durs de la musique. Pete a été le premier à commander des versions de 1 000 watts au fabricant d'amplificateurs Marshall - et à les détruire sur scène.

Le bad boy du “groupe le plus bruyant du monde” a fêté ses 78 ans en mai dernier. Grâce à ses droits d'auteur sur les chansons des Who (en tout, environ 100 millions de disques vendus), des opéras rock comme Tommy ou Quadrophenia, qui connaissent encore ou à nouveau le succès sous forme de films et de comédies musicales, Townshend n'a pas besoin d'une pension de vieillesse.

L'opus rock Tommy a été joué dans des opéras, dansé par une troupe de ballet canadienne au City Center de New York, interprété par l'Orchestre symphonique de Londres et un chœur de chambre au Rainbow Theatre de Londres - la (bonne) musique pop ne connaît pas de frontières.

Privé de permis de voiture, le chanteur des Who s'achète un bateau à moteur pour pouvoir se déplacer sur la Tamise

Infatigable et créatif, Townshend continue de travailler sur de nouvelles chansons dans son home studio. Comme chez beaucoup de stars du rock millionnaires, le studio de Pete ne se trouve pas dans la cave de sa villa, mais au fond d'une péniche hollandaise transformée appelée “Gran Cru”. Long de 100 pieds et vieux de plus de 100 ans, le studio flottant abrite une technique ultramoderne et quelques raretés, comme un synthétiseur analogique Yamaha. Le lieu d'amarrage fait partie des adresses les plus raffinées de Londres : St Katharine Docks, entre Tower Bridge et la Tour de Londres. En homme d'affaires avisé, Townshend loue ce studio à d'autres collègues guitaristes. Townshend est né dans une maison au bord d'une rivière et, comme par magie, il a toujours été attiré par l'eau ; que ce soit dans un appartement ou une maison, Pete a toujours vécu près d'une rivière. Son père Cliff, musicien professionnel, jouait dans une fanfare de la Royal Air Force et était souvent en déplacement. Sa mère Betty parcourait le pays en tant que chanteuse d'orchestre et, comme elle aimait la vie, elle palliait l'absence de son mari par une multitude d'amours. Quand les parents étaient ensemble à la maison, ils se saoulaient et se battaient. Lorsque la situation est devenue insupportable, Pete a été confié pendant deux ans à sa grand-mère maternelle. Le petit Pete, moqué pour son grand nez, est timide, introverti et sensible. Il prend des cours de guitare et joue du banjo dans un groupe d'élèves. Lors d'une excursion sur l'île de Man, il regarde quatre fois le film Rock Around The Clock et la fièvre du rock'n'roll s'empare de lui. À sa sortie de l'école, il fréquente une académie d'art (la même où étudieront plus tard Ronnie Wood des Rolling Stones et Freddie Mercury, le chanteur de Queen), mais lorsqu'il peut intégrer le groupe The Detours de son ami d'école Roger Daltrey, il n'hésite pas un instant. En raison d'un autre groupe déjà nommé ainsi, ils changent le nom du leur pour The Who et sont découverts à travers un documentaire sur le phénomène des Mods. Townshend écrit les chansons, Roger Daltrey interprète des titres comme I Can't Explain avec une telle ferveur que l'on croirait qu'il les a écrits lui-même.

En tant que groupe live, les Who produisent des spectacles époustouflants : Daltrey fait tournoyer son micro au bout d'un câble au-dessus des têtes, le batteur fou Keith Moon démonte sa batterie, Townshend saute en faisant le grand écart et racle sa guitare avec son bras en forme de moulinet à en faire trembler les murs. Sa marque de fabrique, le fameux “bris de guitare”, prend naissance en septembre 1964 par hasard.

Le titre Baba O'Riley est censé reproduire le bouillonnement de l'eau qui s'écoule sur le bord du bateau

Le plafond de la scène du Railway Hotel à Harrow est plus bas que d'habitude et Pete casse le manche de sa guitare en sautant partout. De frustration, il détruit tout l'instrument et le public devient fou ! Avec le succès, la pression augmente aussi, les Who sortent presque chaque semaine un nouveau single. Townshend a besoin d'une bouteille de cognac par concert et passe plus tard aux drogues dures comme le LSD et l'héroïne. Lorsqu'il se fait prendre au volant de sa voiture, il perd son permis de conduire. Comment va-t-il faire pour se rendre le plus rapidement possible au studio ? Nous sommes au milieu des années soixante et l'album Quadrophenia doit être enregistré. La solution est vite trouvée. Depuis qu'il a rejoint les Sea Scouts, une organisation de scouts qui travaille en étroite collaboration avec la Royal Navy, il sait conduire un bateau. Il s'achète un bateau à moteur, le baptise “Liz O” et traverse la Tamise de Twickenham au studio d'enregistrement de Battersea. L'univers nautique lui plaît. Son second bateau est plus grand, le troisième aussi. Finalement, il change d'esquif aussi souvent qu'il casse des guitares. Il devient propriétaire d'un trawler Grand Banks avec Mafuta qu'il pose à quelques encablures de sa maison. Mais il se sent trop à l'étroit sur la Tamise, il veut naviguer en mer. C'est ainsi qu'il obtient le diplôme de “Yachtmaster” en 1989.

Il s'achète un bateau à moteur Fisher 46 et s'aventure sur l'eau salée. Les Cornouailles deviennent son terrain de prédilection pour la voile et la croisière. Il navigue tantôt à bord d'un motor-yacht tantôt à la barre d'un voilier. C'est lors de cette période en mer que Townshend se soumet à une cure de désintoxication et trouve un soutien spirituel grâce au gourou indien Meher Baba. Son bateau à moteur de 14,30 mètres de long, fabriqué par Bates & Son, porte le nom de l'ashram du gourou en Inde, Ahmednagar Queen. L'introduction inimitable de la chanson Baba O'Riley, qu'il dédie à son maître, est censée reproduire le bouillonnement de l'eau qui s'écoule sur le bord du bateau. Entre-temps, il achète et vend d'autres unités, comme un bateau à moteur Grand Banks Eastbay de 13 mètres ou un bateau de sport open Sabre de 11,6 mètres. En 1991, il participe pour le plaisir à la Falmouth Classic Regatta avec son voilier Pazienza de Laurent Giles, qui mesure 18,3 mètres. Et tout comme le virus du rock l'a gagné autrefois, il a maintenant pris goût à la voile de compétition. Il commande à André Hoek le Zephyr, son premier yacht classique qui mesure une vingtaine de mètres.

I Can See For Miles

Entre-temps, Townshend tombe amoureux du yacht classique “Eva”, un magnifique cotre aurique signé William Fife IIII construit en 1906. Ce bateau est amarré dans le sud de la France et participe à de nombreuses régates classiques comme les Voiles de Saint-Tropez ou les Régates Royales de Cannes. Dès que Townshend trouve le temps, il navigue à son bord. C'est un véritable passionné et en 2018, “Eva” remporte sa classe lors de la Panerai Classic Challenge à Antibes. Et en hiver, quand Pete Townshend en a assez de la grisaille britannique, il s'envole pour les Caraïbes. Son yacht “Gloria” est amarré à Antigua. C'est une goélette Jongert de 38 mètres fabriquée en 1989. Elle appartenait autrefois à Mikael Krafft, le fondateur de Star Clipper. Celui-ci voulait à l'origine acheter un yacht de 1938, mais il était dans un état si déplorable qu'il a commandé une réplique. Townshend rêvait de faire le tour du monde à bord mais au lieu de cela il a fini par le mettre en vente. Localement, Pete Townshend fait partie des plus grands donateurs de l'Antigua National Sailing Academy à laquelle il a offert une nouvelle flotte de dériveurs il y a quelques années. Pour l'anecdote, il a tenu à ajouter le fameux logo des Who sur les voiles. Les jeunes élèves trouvent cela “cool”. Une manière de réunir ses deux passions : la musique et la voile.

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