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120 ans Harley-Davidson : le statut de la liberté

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120 ans Harley-Davidson : le statut de la liberté
©François Darmigny
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L'opportunité est unique, comme la date, et je sais qu'elle ne se représentera pas de sitôt. Impossible de refuser l'invitation. Émanant du siège mondial, la missive électronique propose à une poignée de journalistes de venir célébrer le 120e anniversaire de la Motor Company dans un cadre et des conditions difficilement plus excitants. Le sentiment de privilège nous portera d'autant plus que Christophe Couet, Directeur Général France, nous ouvrira bien des portes, des accès, des routes.

Le programme est complet, intense et promet de nous ajouter quelques bornes dans le cœur

Roissy-CDG, 12 juillet 2023. Si je n'ai pas rêvé toute ma vie d'être une hôtesse de l'air, cela fait plusieurs semaines que je mouline sur le sujet. Comment aborder l'événement, quel angle ou tonalité ? Frise temporelle, figures emblématiques, business ? Mouais, déjà vu, déjà écrit. Je révise mes tablettes, je bachote. Aucun résultat. Alors je décide de faire ce que je fais sans doute de mieux : partir candide, ouvrir les yeux, observer, poser la question que j'imagine pertinente, aller à la rencontre, vivre pleinement chaque seconde de l'instant.

Neuf heures d'avion et deux films plus tard, Chicago. Dehors, le ciel n'est pas à la fête et les seaux d'eau qui tombent sont made in USA, triple XL, tout comme le SUV qui nous conduit à Milwaukee. Malgré un décalage horaire qui commence à servir l'apéro, les miles défilent, nous restons éveillés. À moins que ce ne soit parce que sur la gauche nous nous faisons doubler par un pick-up dont la taille fait passer un Dodge RAM 1500 pour un Kangoo ou, par la droite, un Peterbilt à la Spielberg long comme un 747 jouant la déblayeuse aquatique. On se dit que sur autoroute les 65 miles à l'heure ne doivent plus être la norme en 2023 et que la ceinture de sécurité, après le second aquaplaning de notre tank noir, est une chouette invention. Milwaukee est proche et nous ne pouvons qu'être stupéfaits par les premiers bikers croisés sur l'Intersate 94 : en solo, en duo, roulant dans ce chaos climatique sans casques, sans gants, en shorts mais avec des lunettes ! La soirée ne sera pas plus sèche malgré un vent à décorner les bisons. Nous dînerons vers 1 h 30 du matin heure de Paname - 18 h 30 au superbe Trade Hotel sur Juneau Avenue dont le nom n'est autre que celui du Franco-Canadien Solomon Juneau, premier maire du jeune comptoir d'échange de fourrures dans le Milwaukee du jeune XIXe siècle. Le programme est annoncé. Il est complet, intense, et promet de nous ajouter quelques bornes sous les semelles, au guidon, dans le cœur.

« Welcome to Harley-Davidson's Homecoming Festival ! » Voilà, nous y sommes. Peu importe la nuit difficile, courte dirons-nous, le p'tit déj' est englouti. Il est riche, comme la journée à suivre. En ce premier jour, le ciel a décidé de nous foutre la paix. Toujours gris mais déjà lourd, il n'entamera pas l'enthousiasme du début de matinée. 9 o'clock, Capitol drive - Wauwatosa. Nous sommes au Saint des Saints de la MoCo, au H-D Product Development Center. C'est ici que tout se crée, se dessine, prend forme, prend vie, est décidé.

Solidement escortés, pas d'autre terme, on nous fait bien sûr les gros yeux quant à l'éventuel fonctionnement du moindre appareil de capture photo ou vidéo. Nous y rencontrons designers, ingénieurs, stylistes, responsables de la couleur, de l'ergonomie ou du moindre boulon qui sera monté, plus tard, sur les chaînes de production de Milwaukee, York, Tomahawk ou Manaus. Au fil de la présentation des nouveaux Street Glide et Road Glide CVO (Custom Vehicle Operations, le summum de la production du Bar & Shield), nous apprenons que ce n'est que la deuxième fois que sont ici reçus des journalistes. L'opération de com' et de séduction fait son effet, sourires et échanges sont francs dans la mesure où certaines questions que nous poserons n'obtiendront, sub rosa, aucune réponse. Nous sommes ensuite guidés vers l'étage inférieur hébergeant une insoupçonnable suite de laboratoires où règne, implacable, la loi du “proof of concept” (preuve par l'essai).

Dans l'usine de Pilgrim Road, l'action manuelle n'a pas été totalement supplantée par les robots outils

Entendez : « au premier on a imaginé que » ; au rez-de-chaussée ce sera « ok, approuvé » ou « nope, essaie encore ! ». Sur notre passage bien des portes sont closes et nous comprenons que nous ne verrons que ce qui est autorisé à être vu. Néanmoins, assister à une simulation où sont reproduites en 5 jours ininterrompus 10 ans de vibrations torturant sans relâche cadres et suspensions, constater au banc les limites sans cesse repoussées auxquelles sont soumis tous les moteurs en développement, franchir les hautes portes blindées protégeant le monde extérieur des champs électromagnétiques émis qui renvoient mon four micro-ondes au rang de jouet pour Playmobil, ou pénétrer dans une salle grande comme deux terrains de basket équipée de 96 micros enregistrant la signature sonore de chaque moto, a de quoi impressionner, a de quoi faire admettre l'engagement de tous et de chacun, le sérieux de l'entreprise. Plus tard, chaque moto finira intégralement désossée, chaque pièce sera mesurée, observée. L'heure tourne, direction la cantine pour un déjeuner, bonne surprise, à tendance équilibrée. La météo opte enfin pour le beau-humide-et-chaud façon bord de mer mais en version lac Michigan, grand comme deux fois l'Angleterre. Le déodorant, au bord de l'apoplexie, se refait une santé en montant à bord du minibus dont la clim se la joue blizzard nord-américain des mauvais hivers tandis qu'on nous conduit à Pilgrim Road pour une visite exceptionnelle du H-D Power Train Operations.

« It's alive ! » Dans ce bâtiment de presque 9 hectares sont produits quotidiennement, en à peine 2 heures, 800 groupes motopropulseurs ensuite expédiés pour intégration finale dans l'usine de York en Pennsylvanie ou Manaus au Brésil. Pilgrim Road est une ruche organisée par postes et structurée en équipes indépendantes spécialisées. Plus de mille personnes (chiffre exact difficile à obtenir… ) sont employées : salariés, free-lances, selon les besoins, les cadences de production.

Déambulant dans ces immenses allées, je note que l'action manuelle n'a pas été totalement supplantée par les robots outils et surtout, que le personnel ne semble pas à la peine, il a même… le sourire. Il est représentatif de toutes les communautés vivant sous la bannière étoilée sans distinction de genre, d'âge ou d'ethnie. Sans le savoir, je viens de rencontrer les premiers membres d'une famille cosmopolite.

Avec les nouveaux Road Glide et Street Glide CVO, nous jouerons à dans un Wisconsin qui nous ouvre ses portes.

J'irai à sa rencontre les jours suivants, l'observant vivre une fête à tout péter, surtout mes tympans, premières victimes tombées aux chants de Greenday, des Foo Fighters, aux hurlements des échappements libres.

14 juillet quelque part entre la nuit, le jour, le matin, je crois

Aujourd'hui c'est roulage des deux exclusifs CVO mentionnés plus haut. Sans hésitation je me jette égoïstement sur la moto qui a conquis mes sens depuis des années, le Road Glide.

Vénéré comme un temple Maya ou honni tout autant, ce Road Glide est surmonté d'un carénage bien à lui, son shark nose, son “nez de requin”, cet appendice le distinguant entre toutes les motos de la production américaine, mondiale même. Sa première apparition remonte à 1980 sous la dénomination “Tour Glide” n'adoptant son nom actuel qu'en 1998. Vaisseau transcontinental, il est le symbole de ceux qui partent loin, roulent longtemps. Sa différence ? Un fairing (carénage) fixé au cadre de la moto et non solidaire de la fourche. En résulte une maniabilité inégalée pour ce type de gabarit au poids souvent… hollywoodien. Pour ses 25 ans, en version CVO seulement, le Road Glide n'étrenne pas qu'une énième nouvelle peinture anniversary : carénage redessiné, nouvelle signature lumineuse, nouveau moteur à distribution variable VVT, refroidi par eau, cubant désormais, pardon du pneu, 121 pouces cubiques soit 1 983 de nos centimètres cubes et donnant accès à 115 mustangs et 183 Nm de couple à 3 500 tr/min, perte de 17 kilos sur la balance, chèque à partir de 46 K€, 53 K€ pour le modèle essayé. Notre convoi s'ébroue. À l'avant, Kyle Wyman sera le meilleur road-captain qu'on puisse envier.

À 33 ans, il est pilote officiel Harley-Davidson dans ces courses qui font fureur depuis 2020 - le “King of the Baggers”. Faisons simple : prenez mon Road Glide, allégez-le dans la limite minimum de 288 kg, gonflez le moulin à plus de 200 ch, virez toute assistance électronique (ABS inclus !) mais conservez les sacoches, changez les suspensions, lâchez la meute sur piste ! Hors norme, délirant, génial. Notre rythme d'essai ne sera pas celui d'une manche de championnat mais nous aurons plusieurs fois l'occasion de jouer à Shérif, fais-moi peur dans un Wisconsin qui nous ouvre ses portes. Autrefois terre d'immigration d'une large communauté germanique, les 170 000 km2 d'aujourd'hui sont toujours aussi verts, agricoles et forestiers avec un réseau secondaire parfois aussi bucolique que le nôtre. Les sessions photos s'enchaînent, la police nous a à l'œil, la chaleur nous cuit à l'étouffée, il est temps de rentrer sur Milwaukee. Ce soir et demain ce sera concerts, bain de foule, retrouvailles en famille.

La langue biker est universelle. Celle d'une innombrable tribu humaine réunie sous un seul et même pavillon

Nouvelle nuit qui se passe de commentaires. Il est 6 heures, depuis hier, Milwaukee fait la fête. Le H-D Museum en est l'épicentre et les pelouses du Veterans Park accueillent une scène rock vers laquelle convergent des dizaines de milliers de bikers. La langue parlée y est universelle. Celle d'une innombrable tribu humaine réunie sous un seul et même pavillon. Sous ses couleurs, peu importe le rang, l'origine, l'âge. Sous son influence, chacun est libre de s'y exprimer, s'autorisant les extravagances les plus dingues et qui feront le bonheur de l'autre. Alors oui, dans une famille, on s'aime, on se déteste, on se tolère, on s'ignore mais ce que nous prouve cette tribu Harley-Davidson venue des quatre coins du monde, c'est que la famille peut toucher au sacré et que le vivre-ensemble humain est… possible. Demain, dernier jour, libre de rendez-vous, je les observerai autant que possible et mesurerai que toutes et tous sont uniques mais volontairement réunis.

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