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Achim Anscheid : une affaire de goût

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Achim Anscheid : une affaire de goût
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Rien à redire sur son apparence, il est très élégant ce garçon. Gilet de flanelle, nœud papillon, chemise à fleurettes. .. Une élégance hors des modes, hors du temps, indéfinie. Achim Anscheidt a de l'allure quand il déambule sur les pelouses des concours d'élégance. Et le charme se prolonge quand on entend sa voix douce qui roule les “r” avec l'accent souabe de ses ancêtres. Les lieux chics, c'est son territoire, le luxe son terroir. Il n'appartient pas à cette caste de designers minimalistes qui font dans l'esthétisme social et le design populaire. Il n'a jamais eu envie de dessiner des berlines équitables et des breaks discount. Il n'a que faire de la bonne conscience low cost, et ne revendique pas l'héritage du Bauhaus fonctionnaliste.

Achim Anscheidt ne s'adresse qu'aux nababs. Tout petit, Achim rêvait déjà de bruit, de fureur et de spectacle. Il découvrit le plaisir que procurent les ovations d'une foule en liesse. Son père lui avait montré le chemin. Hans-Georg Anscheidt avait été pendant plusieurs années champion du monde motocycliste. Il avait soulevé l'enthousiasme du public quand il courait en 50 cm3 pour Suzuki. À onze ans, Achim s'initie à la technique du trial avant de passer plus tard au motocross, plus violent. Après son bac, il fait des acrobaties une activité presque régulière. Le saltimbanque s'est quand même résolu à préparer un vrai métier. Pourquoi pas designer ? Comme il avait un joli coup de crayon, Achim entra à la Hochschule de Pforzheim, une école de design pure et dure. Il en sortit avec un diplôme, mais sans la motivation nécessaire pour dessiner des aspirateurs et des monospaces.

La rencontre inopinée avec Harm Lagaay, en 1993, fut providentielle pour s'extirper du dilemme. Le personnage était une sommité dans le monde du design, respectée pour avoir régné pendant une quinzaine d'années sur le style de Porsche. Harm Lagaay prit Achim sous son aile, l'embaucha et lui procura une bourse pour l'envoyer faire un stage de perfectionnement au réputé Art Center College of Design de Pasadena, en Californie. À son retour en Europe, il passa chez Porsche plusieurs mois qui furent très fructueux - dit-il - jusqu'à ce qu'une nouvelle opportunité se présente en 1995 avec la création d'un nouveau centre de design du groupe Volkswagen. À cette époque, tous les constructeurs plantaient des antennes sous des latitudes plus flatteuses que celles de leur patrie d'origine. Ces équipes délocalisées étaient censées prendre le pouls de la planète, humer l'air du temps et surtout profiter du soleil. La Californie demeurait la destination favorite, mais la Côte d'Azur et la Costa Brava étaient de plus en plus convoitées. Tous les exotismes étaient préférables aux mornes plaines de la Basse Saxe. Pour installer son Design Center Europe, le groupe Volkswagen avait choisi Sitges, une cité balnéaire située au sud de Barcelone, fréquentée par les artistes et les marginaux. Achim Ansteidt coula des jours heureux à l'ombre des palmiers, à quelques encablures de la plage, huit années avant de retrouver le ciel gris de l'Allemagne du Nord pour mettre en place un nouveau studio de design avancé à Potsdam (aujourd'hui, le Volkswagen Future Center). Hartmut Warkuss, le grand manitou du design pour tout le groupe Volkswagen proposa à Achim le poste de sa vie : la direction du style chez Bugatti ! Un job inespéré pour un dilettante éclairé. La première Bugatti née sous la bannière de Bugatti avait été dessinée par Jozef Kaban, un designer slovaque qui allait s'affirmer ensuite chez Škoda, BMW et Rolls-Royce, avant de revenir chez Volkswagen début 2020. Il s'agissait pour Anscheidt de créer une cellule totalement dédiée à Bugatti, basée à Wolfsburg, sachant que sur le site historique de Molsheim, en Alsace, seul s'effectue l'assemblage final, juste pour le symbole.

Les envieux ne manquent pas de considérer le poste de designer en chef chez Bugatti comme une planque dorée, arguant du fait que le programme consiste à concevoir un nouveau modèle tous les dix ans, à bâtir un catalogue qui oscille entre supercars et hypercars avec un budget démarrant à deux millions d'euros l'unité, en réduisant la réflexion sur le marketing à la consultation du classement des plus grosses fortunes du monde répertoriées dans Forbes. Ça, c'est ce que pense les mauvaises langues ; en réalité, depuis son arrivée en 2004, donc en seize ans, Achim a déjà dû superviser le développement de plusieurs variantes dérivées de la Veyron (Grand Sport, Supersport et autres séries spéciales), puis la Chiron (2016), la Divo (2018), La Voiture Noire (2019) ou encore la Centodieci (2019). Surtout qu' il a fallu constituer une véritable équipe de designers, avec des spécialistes de l' extérieur, de l' intérieur et des couleurs et matières. Plusieurs grosses pointures sont passées par là. .. et ne sont pas restées : Sacha Selipanov (aujourd'hui chez Koenigsegg) ou Étienne Salomé (parti fonder Salomé Yachts). Comme il ne fait rien comme tout le monde, Achim Anscheidt gère cette délicate mission - et pas seulement en période de confinement -depuis son lof t berlinois qui se trouve dans le quartier punk et alternatif de Kreuzberg. Un logement qui se distingue par ce petit plus qui caractérise les vrais hommes de goût, Achim ne range pas sa Porsche 911 SC dans un vulgaire parking souterrain ou dans la rue à portée de main de tous les malfrats, mais dans une loggia qui jouxte son appartement au quatrième étage de l' immeuble. En effet, il habite un des bâtiments aménagés par l' agence Carloft, disposant d' un monte-charges qui permet de déposer votre automobile bien aimée au plus près de votre salon. La 911 SC de notre designer date de 1981 et elle a été dûment allégée, simplifiée, dépouillée de ses équipements superflus. Elle a subi l' inverse de ce qu' Achim Anscheidt impose à ses Bugatti. Dans son bureau, sommeille également une Bugatti 35 en cours de restauration. ..

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