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DeLorean DMC-12 : L’effet papillon

Publié le Écrit par La Rédaction
DeLorean DMC-12 : L’effet papillon
© Petersen Museum
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Elle aurait eu 45 ans cette année… Créée en 1975, la DeLorean DMC-12 tire son patronyme - DeLorean Motor Company - de son géniteur, John Zachary DeLorean, le 12 étant une référence au tarif à laquelle elle était censée se vendre : 12 000 dollars…

En réalité, elle coûtera plus du double (ce qui vaudrait environ 70 000 dollars aujourd'hui) et ne vécut que sept ans. Celle que l'on ne connaît que sous son nom de famille est pourtant exceptionnelle à bien des égards et indissociable de son créateur, ingénieur aussi brillant qu'arrogant, sorte de Steve Jobs automobile des années 70. Selon la formule consacrée, on dit de lui qu'il aurait pu vendre des frigidaires à des esquimaux... Ce golden boy, à la capacité de persuasion élevée donc, est vice-président de Général Motors quand il se fait remercier. Il décide alors de créer sa propre marque automobile. Et l'ingénieur compte bien créer un bolide d'exception. Le concept initial a pour nom de code DSV pour DeLorean Safety Vehicle. John veut développer une voiture en avance sur son temps en termes de sécurité. Elle devra intégrer des organes rares à l'époque comme un châssis et des pare-chocs à déformation, des éléments de protection pour les occupants, un système de freinage assisté… Plus que tout, John souhaite créer une voiture éthique, axée sur l'environnement, avec des matériaux choisis pour leur longévité. Cette philosophie est une véritable rupture avec l'époque. Fin 70, la préoccupation est de savoir quelle voiture a la plus grosse, pardon le plus gros moteur, et de développer des techniques pour que le consommateur renouvelle sa voiture le plus souvent possible. En somme, John DeLorean aurait été dans l'ère du temps aujourd'hui. Afin de donner vie à ses idées, il travaille main dans la main avec William “Bill” Collins, ancien ingénieur en chef chez Pontiac.

Une voiture à la démesure de son créateur et au même destin tragique

Les deux compères étudient un châssis fondé sur la technologie ERM pour Elastic Reservoir Moulding (par moulage de pièces à pouvoir élastique), censée réduire le poids et le coût de fabrication. Malheureusement, cette technologie se révèle inadaptée pour une production en série. L'ambitieux projet de DeLorean rencontre de nombreux soucis technologiques de ce genre. Si bien que la voiture de rêve de John doit être presque entièrement reconçue. Vu les délais et les sommes engagées, il fait appel à Colin Chapman, fondateur et dirigeant de Lotus (auteur du célèbre adage « light is right », donc très en phase avec les idées de DeLorean). Colin remplace certains matériaux trop ambitieux et importe des techniques de fabrication utilisées chez Lotus. La DMC-12 se voit ainsi dotée du châssis et de la suspension de la Lotus Esprit, un gage de sérieux et de plaisir de conduite. Les panneaux en inox sont fixés sur une structure monocoque en fibre de verre, structure elle-même fixée sur un châssis en double Y dérivé de celui de l'Esprit. En dépit des compromis acceptés par John, la DMC-12 conserve tout ce qui fera sa différence, un design signé Giorgetto Giugiaro, des portes papillon et une carrosserie en acier inoxydable. Le premier prototype voit le jour en 1976. Dans la lettre au père Noël de John figurait un moteur à piston rotatif (type Wankel), modernité oblige. En raison de l'arrêt de la production du Wankel, le premier mulet est équipé d'un 4 cylindres Citroën.

Mais la solution retenue pour le véhicule de série se porte sur le PRV V6, un moteur à injection français, le Peugeot-Renault-Volvo qui a fait ses preuves dans une version 2,7l dans la Renault 30. Il affiche ici 2,8l et est associé à la boîte de vitesses mécanique à cinq rapports Renault fabriquée dans l'usine de Cléon (en option, une boîte de vitesses automatique à trois rapports est proposée). Cerise sur le gâteau, ce moteur est déjà certifié aux normes anti-pollution aux États-Unis. La DMC-12 n'est pas en reste côté technologie avec des suspensions à roues indépendantes, avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs hydrauliques. Le train avant possède deux triangles superposés, le train arrière conserve le type multibras. Plus classique, la direction est à crémaillère et pignon. Les jantes de 14 pouces à l'avant et 15 à l'arrière sont chaussées en Goodyear. Des spécificités de sportive de l'époque, et un moteur en position “extrême arrière” qui n'est pas sans rappeler l'architecture des Porsche 911 (la répartition des masses de la DeLorean, 35 % à l'avant et 65 % à l'arrière, les valeurs d'une 911 jusqu'aux années 2000).

La DMC-12 passe de 0 à 100 km/h en 8,8 secondes en boîte manuelle. À l'exception de trois véhicules plaqués or 24 carats, toutes les DMC-12 sont laissées brutes, sans peinture ni vernis. La DMC-12 est tellement bien équipée (sellerie cuir, air conditionné, radio-cassette, vitres et rétroviseurs électriques, condamnation centralisée, vitres teintées, essuie-glaces intermittents et lunette arrière dégivrante) qu'elle ne propose aucune option exceptée la boîte auto. L'intérieur de la voiture peut en revanche être choisi en gris ou noir. Destinée au marché US, la DMC-12 est fabriquée en Irlande du nord dans une usine flambant neuve. Ce modèle extrêmement ambitieux subit un échec magistral, principalement à cause de défauts de jeunesse (fabrication aléatoire et manque de fiabilité) qui ruinent immédiatement sa réputation. En 1982, DeLorean croule sous les dettes.

Assez avant-gardiste et décalée pour devenir la star de “Retour vers le futur” !

A la fin de l'année, l'entreprise fait faillite suite à l'arrestation rocambolesque de John, pour trafic de drogue. En 1983, la production s'arrête. La DMC-12 a été produite à 8 583 exemplaires. Environ 6 500 DeLorean existent encore dont une centaine en France. Pourtant, en 1985, la DMC-12 renaît… au cinéma, dans la mythique trilogie de Retour vers le Futur. La DeLorean que tout le monde connaît, c'est celle du “Doc” Emmett Brown. Les scénaristes Bob Gale et Robert Zemeckis choisissent la DMC-12 pour son design, futuriste à l'époque mais finalement déjà presque démodé en 1985. Elle colle ainsi parfaitement aux personnages et à l'histoire, “Doc” est emballé par sa modernité, il y voit un symbole de la technologie. Marty McFly, lui, est un peu réticent, il y voit une voiture déjà un peu ringarde. Enfin, sa réputation justifie pleinement les pannes à répétition à la fin du premier opus... Par la suite, le look de la DeLorean évolue au gré des modifications apportés par le “Doc” : convecteur temporel et compteurs de réglages pour les voyages dans le temps, réacteur nucléaire, tuyères, câbles électriques faisant le tour de la voiture... Les créateurs voulaient une voiture qui semblait bricolée, à l'image de son propriétaire, le “Doc”. Côté fiche technique, la DeLorean est alimentée par de l'essence mais le convecteur nécessite du plutonium pour effectuer les voyages dans le temps. Le réacteur est avantageusement remplacé par un générateur de fusion nucléaire, capable de transformer les ordures en énergie, une fois revenu du futur. Autre avantage, et non des moindres, la DeLorean est désormais une voiture volante grâce aux réacteurs prenant place dans les roues. En 2020, nous n'avons toujours pas de DeLorean volante mais gardons l'espoir de voir renaître de ses cendres cet OVNI automobile. Après plusieurs rumeurs de repreneurs, une hypothétique DMC électrique en 2013, la DMC a annoncé en 2015 que, grâce à un assouplissement de la législation américaine sur les véhicules anciens, le Low Volume Vehicle Manufacturing Act, la production de la DMC-12 historique serait relancée en 2017… On attend toujours mais les précommandes sont ouvertes. Gageons que le Retour vers le Passé n'est plus loin.

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