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Don Aronow : Adrénaline et cocaïne

Publié le Écrit par La Rédaction
Don Aronow : Adrénaline et cocaïne
© DR et illustrations extraites du livre Searace (John O. Crouse)
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Cet homme est sans doute l'un des personnages les plus remarquables de l'histoire de l'offshore, autrement dit la course motonautique en mer ouverte. Il a d'ailleurs inspiré un film, Speed Kills (2018), dans lequel John Travolta endosse le premier rôle, celui d'un certain Ben Aronoff, selon un scénario se confondant avec la vie trépidante de Don Aronow (de son vrai nom : Donald Joel Aronow) : business, offshore, nombreuses conquêtes féminines... Né en 1927, d'un père immigré de Russie dans le New Jersey, Don, devenu riche promoteur immobilier, et ayant posé ses valises en Floride, ne tarda pas à se passionner pour la vitesse en mer.

Une atmosphère et des personnages dignes de Miami Vice

« Il y a quelque chose entre moi et l'océan. Je le respecte mais je n'ai pas peur de lui. Quand je sors aux commandes de mon bateau, je cherche à le dominer ! », affirmait-il. Dominer l'océan, certes, mais aussi ses concurrents. Car il ressort de nombreux récits, dont l'excellent article de notre confrère de Boat International, Daniel Pembrey, que Aronow était une personnalité dominante, prête à en découdre face à l'adversité, en mer bien sûr, mais aussi en affaires, où il se montrait souvent brutal. Ce colosse de 1,93 mètre était taillé pour l'aventure, comme nombre de pilotes américains de l'époque, à l'image du constructeur concurrent Dick Bertram, ou de Mel Riggs, ancien catcheur professionnel, ou Rocky Marciano, champion du monde de boxe. Il est vrai, l'offshore, depuis les tout premiers pionniers, avec l'ancêtre de la Miami-Nassau (1917), était un sport des plus virils. Pas de circuits tracés en bordure des côtes, mais des navigations au grand large, sur des mers parfois très rudes. Les distances étaient souvent phénoménales, à l'exemple de la course fondatrice de l'ère moderne, la Miami-Nassau (1956), avec ses 184 miles soit 296 km (dans le monde de l'offshore on parle en miles et non en milles marins). À l'époque, l'ergonomie des cockpits n'était pas celle d'aujourd'hui, loin s'en faut, les casques étaient de simples “jets”, et l'équipage, debout dans des sièges vaguement rembourrés, n'était guère protégé des éléments. Aronow était décrit comme un vrai guerrier, courant souvent sans casque, et finissant les courses parfois blessé. Sa carrière de pilote connut de nombreux temps forts, avec en apothéose deux titres mondiaux UIM (1967 et 1969) et trois en Championnat US. Des titres remportés sur Magnum (1967) et sur son fameux Cigarette (1969), des bateaux de sa conception.

Et au-delà de ses propres bateaux de course, un nombre non négligeable de ceux de ses adversaires sortaient aussi de ses chantiers. En 1969, il portera la moyenne record sur Miami-Nassau à 64,9 mph (104,5 km/h) ! Au début des années 60, retiré de ses affaires dans l'immobilier, Don Aronow décida de s'intéresser de plus près aux offshores et à la compétition. Il démarcha Jim Wynne (le créateur de l'embase stern-drive) et le designer Walt Walters pour dessiner une coque en V profond, l'architecte Ray Hunt ayant montré la voix avec succès en créant une carène en “V constant”, affichant 24 ° d'angle au tableau arrière, pour le fameux Moppie (1960) de Dick Bertram. Cet angle de 24 °, on va le retrouver sur tous les offshores d'Aronow, comme chez la plupart de ses concurrents. Un angle de carène toujours d'actualité sur les bateaux sportifs ! Don débuta en course avec un Formula 23 pieds (1963-64) dont il dériva une version plaisance avec pont en teck et couchette, afin de rentabiliser l'investissement. Il enchaîna avec la construction d'un petit atelier pour la fabrication des Donzi (1964-66), dont son fameux 28 pieds siglé “007”. Puis il remporta de nombreuses courses, notamment son premier titre mondial (1967), aux commandes de son Maltese Magnum 28 pieds.

Dites 24 ! Le “nombre d'or” pour une carène gagnante

Aronow décida de surfer sur ce succès et de construire d'autres bateaux de cette marque. Pour ce faire, en 1966, il fit sortir de terre un nouveau chantier, juste en face de celui de Donzi qu'il avait déjà revendu. Magnum Marine était né. Deux ans plus tard, à la suite de son premier titre mondial, il fonda une autre marque mythique, Cigarette, dont le chantier était lui aussi dans la 188th avenue Street. L'année suivante il revendait Magnum. Cette rue du nord de Miami, sorte d'isthme bordé de bras de mer, s'est vu donner le surnom évocateur de “Thunderboat Row”. Difficile de traduire mot à mot, mais en gros : “La rue des bateaux de course”. Aujourd'hui, seul Magnum Marine demeure à cette adresse. Dans les années 70-80, on estime que 70 % du trafic de la marijuana et de la cocaïne transitent par le sud de la Floride, déjà largement peuplée de “Latinos”. L'endroit du monde où circule le plus d'argent cash et la corruption qui va avec. Pour ce qui est des décès par mort violente au pays de l'Oncle Sam, l'État de Floride remporte la palme avec Miami dans le premier rôle. C'est dans la mythique 188th Street, à quelques tours de roues de sa dernière société, USA Racing Team, que Don Aronow a trouvé la mort au volant de son coupé Mercedes blanc, canardé presque à bout portant de plusieurs balles par un tireur à bord d'une Lincoln noire.

C'était en 1987 (il avait juste soixante ans) et l'identité du meurtrier n'est toujours pas connue, bien que de fortes présomptions pèsent sur un taulard du nom de Bobby Young, décédé en 2009, avec pour possible commanditaire le pilote d'offshore Ben Kramer, incarcéré pour trafic de drogue. Il est vrai que Aronow était un peu assis entre deux chaises avec son commerce de bateaux surmotorisés qui équipaient aussi bien des dealers que les douaniers. Sa proximité avec George Bush père, ex-patron de la CIA, vice-président de Reagan - Bush était aussi son client, possédant un Formula et un Cigarette -, lui a sans doute aussi coûté cher. Mais, de l'épopée du “King of Powerboats”, nous retiendrons surtout son incomparable contribution au développement de l'offshore, qu'il s'agisse de compétition ou de plaisance. Car, même s'il était secondé par de brillants designers et architectes navals, dont le réputé Michael Peters, il fut le fondateur de cette incroyable dynastie de marques toujours en activité, et qui font encore rêver aujourd'hui : Formula, Donzi, Magnum Marine, Cigarette...

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