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Citroën SM2 : Concorde de la route

Modifié le Écrit par La Rédaction
Citroën SM2 : Concorde de la route
© Rémi Dargegen
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La Citroën SM, qui va fêter ses cinquante ans le 11 mars 2020, a toujours fait l' objet d' un culte tant son esthétique taillée pour la vitesse , sa motorisation Maserati et ses techniques de pointe issues de la DS ont marqué les esprits. Vrai succès tant médiatique qu' économique, elle sera produite à 12 920 exemplaires dont 135 par Ligier et se vendra dans le monde entier, notamment en Italie et aux Etats-Unis où elle sera élue voiture de l' année en 1972. Plus de 2 000 voitures seront exportées dans chacun des deux pays et on estime qu' il en reste environ 7 000 dans le monde. Très vite, certains préparateurs décident de corriger ses défauts de jeunesse, notamment son manque de fiabilité mais aussi sa consommation élevée. Le plus connu à l' époque s' appelle Regembeau et il produira pas moins de 450 Citroën SM RG dont 250 seront équipées d' un moteur diesel et d' une boîte de vitesse à six rapports maison. Si ces autos restaient malgré tout relativement standard, un homme a décidé de s' affranchir des carcans imposés par les puristes pour produire la SM ultime, une version ultra aboutie et ne souffrant d' aucun compromis. Cet homme s' appelle Jean-Michel Gallet et il a déjà à son actif d' avoir refait pas moins de 290 moteurs de SM.

Installé à Mussy-sur-Seine dans l' Aube, région d' abord sinistrée par la perte de ses industries puis revigorée par le succès du champagne, il a longtemps fait figure d' OVNI dans le monde des automobiles anciennes. En réalité, celui qui est né dans une DS et a parcouru l' Europe entière jusqu' en ex-Yougoslavie avec ses parents à l' arrière de la DS21 familiale a très vite été plongé dans l' univers des pièces automobiles : « J' ai fait mes premiers pas à sept ans en moulant à la main au sable des pièces en aluminium et en accompagnant mon grand-père qui était à la tête d' une fonderie d' aluminium chez ses clients. Avec lui j' ai appris à observer et écouter. » Curieux de tout et perfectionniste, il franchira un nouveau palier en plongeant dans les entrailles des Citroën dès l' âge de quatorze ans en apprenant par cœur la revue technique automobile de la DS21 injection, celle « dont personne ne voulait s' occuper ». Il n' en n' est jamais ressorti : « A seize ans, je préparais et améliorais ma moto d' enduro, une Yamaha 125 DTMX, mais déjà j' entretenais la DS 21 injection familiale, et à 17 ans j' ai acheté, via la Vie de l' Auto, mon premier moteur Maserati de SM, pour l' étudier et le comprendre. » La renommée locale de cet autodidacte touche-à-tout et hyper bavard grandit vite : « Très rapidement, on m ' a donné ou cédé des DS pour trois fois rien. J' ai eu jusqu' à soixante DS en même temps et j' en ai certainement démonté 300 dans ma carrière ! » A 22 ans, il s' offre enfin une SM en pièces pour mieux la remonter. Entre temps, il est sorti diplômé de deux CAP, celui d' ajusteur d' une part, de fraiseur d' autre part, compétences qui lui servent toujours. La seule fois de sa vie où il a travaillé pour le compte d' un autre, c' était pour Roland de la Poype : « Mon premier et unique patron, c' était un homme extraordinaire, créateur de la Méhari et du Marineland d' Antibes, passionné d' aviation, pour qui je faisais du prototypage et qui me donnera l' envie et la passion de créer, d' avancer. » A 25 ans, il revient à Mussy-sur-Seine et achète des machines outils afin d' usiner des pièces automobiles. En 1989 il rencontre « Monsieur Marc Nicolosi, créateur du Salon Retromobile, qui m ' a permis d' exposer les premières pièces que je commençais à rénover, ce qui a lancé ma carrière. »

Chaque sm2 demande 3 000 heures de travail à partir d'une auto complètement mise à nu

Avec une clientèle désormais nationale, il s' agrandit et commence à intégrer différents corps de métier, la mécanique bien sûr mais aussi le sablage. En 2002, il crée SM2A. Très vite, son frère, diplômé en tôlerie et peinture, le rejoint puis, en 2012, ce sera au tour de son fils venu de l' univers des automobiles de compétition. C' est au fur et à mesure des années que les modifications sur la SM vont aller crescendo selon un processus bien établi : « On part d' une voiture donneuse souvent saine mais fatiguée et nous la restaurons complétement en définissant avec le client ses souhaits et spécifications. Nous sommes en perpétuelle évolution. Après nous être attaqués aux défauts de jeunesse de la voiture, nous nous sommes concentrés sur l' amélioration de ses performances puis sur la réduction du poids. La dynamique globale de la voiture est naturellement améliorée : freinage, accélération, stabilité, performances, sécurité et confort y gagnent ».

La SM2 a le potentiel pour rouler à 300 km/h

Ainsi, après avoir commencé par installer de nouvelles chaînes de distribution, les Gallet ont changé l' alternateur de la SM puis installé un nouveau circuit électrique avant de mettre un allumage électronique... la liste est longue. Pour certaines autos encore première main et quasi conformes à l' origine, il s' agit aussi de « palier l' usure des moteurs dont les matériaux ont vieilli tout en augmentant l' agrément des autos. » Avec désormais quatre salariés de plus et des clients venus du monde entier, les ateliers SM2A, bien qu' indétectables depuis la route départementale voisine, offrent un véritable choc à qui y pénètre pour la première fois. Le lieu, une ancienne usine de matelas, est immense et vous plonge dans une atmosphère tout droit sortie d' un film de Claude Chabrol.

Les verrières, cloisons, portes n' ont pas changé et accueillent désormais pas moins de quarante machines-outils « achetées aux enchères en province. A chaque fermeture d' usine, des machines outils qui étaient des fleurons de nos savoir-faire sont vendues à l' encan pour une bouchée de pain, essentiellement pour en récupérer le métal. Nous les ramenons dans notre DS Tissier quand elles ne sont pas trop lourdes et leur redonnons une seconde vie. » Car l' équipe de Jean-Michel Gallet modélise en 3D chaque pièce avant de la fabriquer sur place. Ainsi l' ex-usine est organisée par corps de métier avec les pièces dévolues au microbillage, à l' alésage, à la rectification, à l' usinage mais aussi au décapage, au ponçage, à la peinture sans oublier celle dédiée au stockage de pièces détachées et à l' assemblage final des voitures avant les essais routiers. Dans le fond, sous des verrières, des dizaines et des dizaines de DS à l' état de sortie de grange attendent des jours meilleurs, elles côtoient la SM Tissier à quatre essieux arrière en cours de restauration -« certainement la dépanneuse la plus rapide au monde, je l' ai retrouvée à l' état d' épave » - mais aussi des Maserati Bora ou Ghibli, autres spécialités reconnues de la maison.

Restaurer une SM, c'est comme élever un enfant, c'est une osmose entre le client et l'artisan mécanicien

Pas moins de 18 moteurs de SM sont refaits chaque année et, l' an dernier, quatre Maserati ont fait l' objet d' une restauration totale. Volontiers lyrique sur le processus de restauration -« restaurer une auto comme la DS ou la SM c' est comme élever un enfant, c' est une osmose entre le client propriétaire et l' artisan mécanicien » - Jean-Michel Gallet a décidé de mettre à profit sa connaissance très pointue des SM pour produire celle dont il a toujours rêvé, la SM ultime « véritable Concorde de la route » . Elle s' appelle SM2. L' auto se veut comme une prolongation de l' histoire de la SM. Ici, nulle volonté d' impressionner mais « seulement de faire ce que Citroën aurait certainement fait si la voiture était toujours produite. » Jean-Michel Gallet et son équipe s' attèlent d' abord à mettre à nu la caisse à la plonger dans un bain de cataphorèse avant d' utiliser des matériaux actuels pour sa protection et l' insonorisation, gages de qualité et d' un gain de poids considérable de l' ordre de 65 kg. Cette chasse au poids on la retrouve partout, des sièges (22 kg de gagnés) en passant par l' accoudoir arrière originellement en bois sans oublier le radiateur désormais en aluminium ou les mécanismes de lève-vitres... Ce sont plus de 140 kg qui sont gagnés avec en parallèle un travail important pour centrer les masses. Le bloc moteur semble comme reculé avec des organes hydrauliques qui ont été déplacés et un travail complet sur chaque composant. Bloc moteur et culasses, comme les tubes, sont en aluminium, les circuits hydrauliques se cachent dans les longerons, les flexibles viennent de l' aviation, les pistons sont modifiés... avec au final un gain de 30 chevaux soit un total de 210 chevaux et un couple beaucoup plus important. La boîte de vitesses a aussi été optimisée avec une cinquième plus longue pour un meilleur agrément. L' essai routier effectué sous la pluie démontre tout le potentiel de cette auto à la fois performante mais pas brutale, qui semble virer à plat et où les freins sont hyper efficaces. L' auto conçue sur-mesure est une vraie invitation aux voyages au long cours. Il faut dire que plus de 5 000 heures de R&D ont été consacrées à la SM2. « Nous avons par exemple d' abord modélisé en 3D les roues de 17 pouces avant de les usiner sur place. Homologuées par le TUV allemand, elles permettent d' encaisser les hautes performances de la voiture en étant chaussées des pneus modernes tout en gardant la même bande de roulement que la SM d' origine. »

J'ai voulu créer la SM ultime que Citroën aurait sûrement fabriquée si l'auto était toujours produite

Quant à l' intérieur, il associe alcantara sur le ciel de toit et le centre des sièges, qui a été retravaillé, et le cuir. Réalisé par la Sellerie du Mont Ventoux, il cache de nombreuses innovations : système hifiBluetooth dernier cri, régulateur de vitesse, fermeture des portes centralisée et demain un GPS ou des airbags selon les desiderata des clients. La SM2 sera d' abord produite en conduite à droite pour un client installé en Asie du Sud-Est et une autre est également en gestation pour un client français. Tout semble désormais possible et Jean-Michel Gallet pense déjà à une version hautes performances capable de rouler à 300 km/h, à une version cabriolet et pourquoi pas à une berline. Nul doute que Jean-Michel Gallet et son équipe sauront encore nous surprendre et faire aimer un peu plus cette icône automobile.

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