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100 ans de Zagato : Alfa Romeo Giulia TZ

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100 ans de Zagato : Alfa Romeo Giulia TZ
© Rémi Dargegen
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Ugo Zagato n'a pas la trentaine quand il fonde sa société, en 1919, à Milan, via Francesco Ferrer. C'est la fibre sportive qui fait sortir sa maison de l'anonymat. Tout commence le 13 avril 1929 à Brescia, au départ de la troisième édition des Mille Miglia. Ce jour-là, sur la piazza Vittoria, trois exemplaires de la nouvelle 6C 1750, prêts à prendre le départ, sont alignés par l'usine sur un parterre qui compte au total une vingtaine d'Alfa Romeo. Ce modèle a l'ambition de rééditer le succès qui avait été obtenu en 1928 avec une 6C 1500. La 6C 1750, plus étoffée, est aussitôt gréée en version “Gran Sport”. Pour habiller cette mécanique brillante et sophistiquée (double arbre à cames en tête !), Alfa Romeo a fait appel à Zagato qui crée une caisse aussi gracieuse que minimaliste. Le même style est appliqué à la légendaire 8C 2300 qui débute aux Mille Miglia 1931. Zagato a le vent en poupe et devient le favori des dirigeants d'Alfa Romeo. Pendant la première année de production, le carrossier milanais a le monopole de la fabrication des spiders 8C 2300 dont il réalisera au total 35 exemplaires. Le ton est donné.

La Carrozzeria Italiana La Zagato devient inséparable de l'histoire sportive de l'Italie en général et de celle d'Alfa Romeo en particulier. Dans les années 1950, les reines de la catégorie “deux litres” dans la botte sont toutes habillées par Zagato. Elles se nomment Fiat 8V, Lancia Aurelia Sport, Maserati 2000 Sport et Alfa Romeo 1900 SSZ. À l'exception de la Maserati, qui est officiellement proposée sur le catalogue du constructeur, les autres berlinettes élaborées chez Zagato sont hors-série et réalisées au compte-gouttes. Il n'est produit que 18 exemplaires, tous différents, de la 1900 SSZ. Zagato restera longtemps le partenaire privilégié d'Alfa Romeo pour la réalisation de ses voitures les plus performantes. Le carrossier, désormais entre les mains de Gianni et Elio Zagato, réalise une série spéciale de 18 unités basées sur la Giulietta. Elles sont de la même veine que les 1900 SSZ, tout aussi marginales et officieuses. Lancée en septembre 1956, la SVZ évolue en mars 1958, elle perd son toit à double bulle et reçoit une face avant mieux profilée avec les phares placés sous un carénage. Toujours pas inscrite officiellement au tarif d'Alfa Romeo, c'est une sportive pure et dure confectionnée à la demande. En décembre 1959, la situation évolue. Alfa Romeo décide d'intégrer dans son programme de fabrication une Giulietta sublimée par Zagato. Ainsi, la gamme qui comprend déjà les coupés Sprint et Sprint Speciale réalisés par Bertone et le Spider de Pinin Farina, est couronnée par la nouvelle Giulietta SZ. Elle n'a plus du tout la même allure que la SVZ. Ronde et trapue, la SZ est établie sur un empattement raccourci à 225 cm. Son moteur 1,3 litre affiche 100 chevaux avec un poids limité à 750 kg, ce qui lui permet de caresser les 215 km/h. Sur la version compétition, les phares sont placés sous un carénage en plexiglas et les poignées de portes sont remplacées par des boutons-poussoirs. Il sera fabriqué 170 unités de la SZ dite à arrière rond (“coda tonda” dans le texte).

Alfa Romeo est revenue au plus haut niveau de la compétition en s'appuyant sur auto delta

En septembre 1960. Zagato développe une version plus élaborée sur le plan aérodynamique. Elle se différencie surtout par sa partie arrière allongée et tronquée (“coda tronca”). Sa fabrication s'achèvera en janvier 1963 avec le 42ème exemplaire. Le lancement de la berline Giulia T.I. en juin 1962 ouvre un nouveau chapitre dans l'histoire d'Alfa Romeo. Elle prolonge l'esprit de la Giulietta mais avec des ambitions encouragées par l'adoption d'un moteur légèrement plus gros, porté à 1,6 litre. Au Salon de Turin 1962, Zagato expose le prototype de la TZ qui doit s'inscrire logiquement dans la famille des Giulia. Chez Zagato, le styliste Ercole Spada a imaginé une ligne plus fine et plus basse que celle de la Giulietta SZ, une merveille de pureté avec sa ceinture rectiligne marquée par le contraste entre le profilage du museau et la troncature de l'arrière. C'est brutal, simple, efficace. Six mois après la présentation du prototype, la version définitive de la Giulia TZ est exposée à Genève. La ligne générale est la même que celle entrevue à Turin, mais la TZ a perdu ses phares rectangulaires au profit de projecteurs ronds.

L'élément le plus remarquable de la Giulia TZ se cache sous la peau : il s'agit de son châssis tubulaire.

Outre sa carrosserie surbaissée, la spécificité de la TZ repose sur son châssis tubulaire dessiné par Edo Mazoni, un treillis de tubes de 20 à 30 mm de diamètre ultra léger (40 kg). D'ailleurs, “TZ ” signifie Tubolare Zagato. Les trains roulants ne doivent rien aux autres Giulia. La suspension est triangulée, les roues arrière sont indépendantes et les freins arrière sont accolés au différentiel. En théorie, le moteur est le même que celui qui équipe la Giulia SS. Le 1,6 litre à double arbre à cames en tête est donné pour 112 chevaux, mais la plupart des TZ seront préparées pour la compétition par Bosato, Conrero ou d'autres. La puissance sera ainsi souvent portée à 130 voire 150 chevaux. Désormais, Zagato et Alfa Romeo poursuivent leur coopération sous la tutelle d'un nouvel acteur : la société Auto Delta. Cette entité est créée en mars 1963 par Carlo Chiti, un ingénieur brillant, diplômé de l'université de Pise, qui a travaillé de 1957 à 1961 chez Ferrari avant de claquer la porte de Maranello. Il a en effet participé au schisme ayant provoqué le départ de plusieurs collaborateurs en délicatesse avec Enzo Ferrari. Intimidant et autoritaire, le personnage à la stature imposante et au verbe haut n'est pas le moins virulent des dissidents... Après une brève et malheureuse aventure avec ATS (en 1962 / 1963), Chiti s'est tourné vers Alfa Romeo pour former à Udine, dans le Frioul, une structure en charge du service compétition.

La Giulia TZ sixième du nom a retrouvé la livrée qu'elle portait aux 24 heures du mans 1964

La TZ effectue ses débuts sportifs lors de la Coppa FISA disputée à Monza, le 24 novembre 1963. Alfa Romeo cultive l'ambiguïté entre tourisme et course. On verra souvent la TZ présentée dans les salons internationaux avec une finition plus routière, avec des enjoliveurs de roues ou des pare-chocs, mais la plupart des voitures seront exploitées en compétition. C'est la cas de l'exemplaire de notre reportage, le sixième de la série. Cette TZ n° 750006 est sortie des ateliers d'Autodelta le 2 avril 1964. Elle fut livrée à la Scuderia Sant'Ambroeus qui l'engagea aussitôt à la Targa Florio. Pilotée par Roberto Bussinello et Nino Todaro, elle termina troisième au classement général derrière deux Porsche 904 Carrera GTS ! Aux 24 Heures du Mans, en juin 1964, elle est pilotée par Giampiero Biscaldi et Giancarlo Sala. Porteuse du dossard n° 41, elle termine 15ème au classement général, deuxième de sa classe. Après la course de côte de Bolzano-Mendola, la TZ n° 006 est engagée au Tour de France, en septembre 1964.

Elle est conduite par Jean Hébert, mais l'homme qui avait piloté l'Étoile Filante de Renault sur le lac salé Bonneville en 1956 immobilise la malheureuse TZ sur le bas-côté. Après la saison 1964, la Tubolare est vendue à Giancarlo Sala qui continue à la cravacher, notamment à Monza sous les couleurs de la Scuderia Brescia Corse ou à la Targa Florio. Quand la TZ n° 006 prend sa retraite, à la fin des années 1970, elle vit ce que vivent les objets de collection, passant de main en main en Italie, en France ou encore aux Pays-Bas. Là, elle est restaurée chez Piet Roelofs Engineering où elle retrouve sa configuration des 24 Heures du Mans 1964 avant d'être mise à l'encan chez RM Sotheby's en 2011. La Giulia TZ a fait l'objet d'une petite série de 112 unités, les dix dernières étant habillées d'une caisse en matière synthétique beaucoup plus légère que celle en aluminium qui équipe la majorité des voitures (67 kg vs 92). Deux carrossiers ont voulu donner un peu plus d'élégance et de grâce à la TZ. L'un, Pininfarina, a raté son effet, tandis que Giorgetto Giugiaro chez Bertone a signé un chef-d'œuvre avec la Canguro. De son côté, Ercole Spada chez Zagato a répliqué en dessinant la belle TZ2 mieux profilée et remplaçant la TZ en 1965.

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